L’humoriste Rman Meva sort de sa chrysalide    

La carrière de l’humoriste Rman Meva prend cette année un autre tournant. Son spectacle l’Effet Papillon sera présenté en novembre 2014. L’éducateur sportif a fait une entrée remarquée au Jamel Comedy Club au début de l’été. En marge de ses prestations régulières aux Graines de Star Comedy Club à Paris, il prépare le festival Rires D’Automnes à Vaulx-en-Velin à partir du 3 octobre prochain dont il sera l’un des principaux représentants lyonnais. Le Vénissian revient sur la relation qui lie l’humour et la banlieue.

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Selon toi, Lyon est-il une grande place de l’humour en France ?  

Florence Foresti, Laurent Gerra ou Alexandre Astier sont Lyonnais. Ils ont un univers qui leur appartient et je trouve cela magnifique. Ici, il y a un style, le Lyonnais sait vendre son humour. Ce qu’on ne trouve pas ailleurs, c’est la qualité du public. Il est d’une exigence implacable. Et c’est de là qu’il faut tirer sa force en tant qu’artiste. Tous les plus grands viennent à Lyon et font les premières dates de leurs tournées dans nos cafés théâtres et nos grandes salles pour tester leurs vannes et roder leurs spectacles !

Y a-t-il une relève dans les banlieues lyonnaises ?

À Lyon, il y a un potentiel au niveau comédie et stand-up à développer dans les banlieues. J’ai donné des cours d’écritures ou d’improvisation et j’ai pu me rendre compte moi-même de l’énergie que les jeunes dégagent surtout quand ils le découvrent. À Vénissieux, ma ville d’origine, on voit des comédies musicales très abouties jouées par des CP ! Pour moi, il n’y a que la relève, mais pas « un avant ».

Le métissage, un thème majeur

Il y a des pôles qui contribuent à faire découvrir l’humour à ces jeunes…

À Vénissieux, il y a Be Cool Comedy Crew, que j’ai lancé cet été 2014 avec quatre amis, et Vaulx Premières Planches qui m’ont découvert et où j’ai gagné le concours A Vos Rires en 2012. C’est d’ailleurs la présidente Cheïa Milouda qui m’a apporté la fibre. À Vaulx-en-Velin, c’est la pédagogie avec l’écriture, les cours d’improvisation qui priment et à Be Cool Comedy Crew, il y a un vrai développement artistique, plus professionnel. Avec mon collègue Nassim Bombo, nous tâchons de porter à bout de bras nos projets une fois qu’ils sont élaborés.

Parle-nous de ton nouveau spectacle L’Effet Papillon ?

Je suis d’origine marocaine et camerounaise et c’est mon premier battement d’ailes. J’explique dans ce spectacle que quand on est issu de deux communautés pas vraiment favorisées en France, il vaut mieux être humoriste, car la vie est plutôt drôle. Je ne suis pas communautariste, mais je joue sur mon multiculturalisme, ma double éducation. Je parle aussi de ma sexualité ou de la rencontre de mes parents. Le métissage est une question importante de mon spectacle. J’explique la difficulté de grandir avec et les questions que cela suscite, car selon moi les vrais exclus sont les métisses.

 

Photo : Affiche du spectacle l’Effet papillon
Affiche du spectacle l’Effet papillon

 

Ce texte aurait-il une portée politique ?

Personnellement, je suis moi même apolitique, mais j’ai un texte intitulé la démacratie où j’explique que La France est un bordel tenu par un maquereau qui n’est autre que François Hollande. Ses prostituées sont les Français de souche, les sans papiers ou les immigrés. C’est moi qui tiens le rôle de ce maquereau et j’explique au public la manière dont je vais manipuler le peuple pendant cinq ans. En fait ce spectacle a plus une portée sociale, car l’image de la banlieue est très négative au début, mais n’importe qui peut s’en sortir comme le papillon de sa chrysalide. Cela peut permettre de comprendre que l’on peut devenir ce que l’on veut être.

Faire briller Vaulx-en-Velin par le rire

Tu as joué au Jamel Comedy Club en juin dernier. C’est une consécration…

Je l’ai vu de loin à l’occasion du Jamel Comedy Club en juin dernier. C’est vrai que c’était un bon moment. J’avais des dates prévues au printemps à Paris au Paname Café, je faisais la tournée des scènes ouvertes avec Nassim Bombo avec une certaine audace. J’ai rencontré une personne qui travaillait pour Jamel Debouze qui m’a suggéré de lui envoyer des vidéos. À savoir que j’en avais déjà livré six (rires). Un mois après on m’a appelé et je suis remonté pour présenter un extrait de l’Effet papillon. J’ai joué un sketch de six minutes évoquant ma sexualité. Jamel était dans la salle ce jour-là, mais je ne l’ai vu que de loin. Ce serait l’équivalent d’un freestyle sur Skyrock pour un rappeur et j’ai eu des bons retours sur les réseaux sociaux.

Tu prépares désormais le festival Rires d’Automnes le 3 octobre à Vaulx-en-Velin…

C’est le plus grand festival d’humour dans le Rhône, organisé par mon amie Cheïa Minouda. Vaulx-en-Velin a une histoire pas forcément positive et la meilleure manière de la faire enfin briller aux yeux du public, c’est par le rire. Il y a des humoristes de tous bords comme Foudil Kaibou, Antoine Demor ou Booder et son humour corrosif qui font du stand-up, de l’improvisation ou de l’imitation. On y trouve tout ! L’éclectisme de l’humour que l’on ne retrouve pas forcément dans tous les cafés théâtres. Je suis très impliqué dans ce festival, c’est mon troisième passage en trois ans. De tels évènements sont le moyen pour les banlieues d’apporter de la confiance en soi. Il faut arrêter de mettre les banlieusards dans le rap et le foot. Il faut sublimer le travail des gens comme le Pockemon Crew ou les grapheurs qui font le tour du monde pour exprimer leur art.

Affiche du festival Rires d’Automnes

Comment perçois-tu ta relation avec ton public ?

J’ai la chance d’avoir un public jeune, mais aussi plus vieux que moi. Ce que je raconte est universel. J’essaie de toucher le plus large possible. Je pense que pour un homme de trente ans, j’ai le vécu le plus drôle qu’on puisse imaginer. Cela fédère beaucoup plus.

Et avec le succès ?

La course à la gloire ce n’est pas mon truc. Cela fait cinq ans que je suis dans les animations et les évènements et que je monte sur scène. On peut dire que j’ai un passif. Mais pour avoir un nom, c’est à moi de travailler. Il faut se créer sa place. D’ailleurs, je ne vais pas attendre Jamel Debbouze pour y arriver. Quand les gens me demandent si je percerai un jour je leur réponds franchement : « Si ça trouve, je ne percerai pas ! » J’invite les jeunes à bouger, à harceler les mairies avec les demandes de subventions. Mon rêve, ce serait de faire un festival à la Place des Terreaux pour montrer que les banlieusards sont capables de grandes choses. Sinon, je rêverai de faire le tour des stades comme Jean Marie Bigard (rires). Je garderai toujours mon humour éducatif et mon rapport toujours très fort avec les jeunes.

 

Mohamed Braiki

Natif de Lyon et enfant des Minguettes, je suis diplômé de Lettres de la Fac de Lyon 2 et l’EFAP Rhône Alpes. J’ai roulé ma bosse dans des rédactions lyonnaises comme la radio Lyon Sport 98.4, Le Progrès, Foot 69.fr, Tribune de Lyon et Lyon Capitale. braikimohamed@yahoo.fr

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