Patricia Tourancheau : « Au lieu de vouloir abolir la fessée, on devrait plutôt abolir les violences policières »

Le journal « Les Jours » organisait ce samedi au Café du Rhône, une rencontre entre Patricia Tourancheau et ses abonnés. Chroniqueuse judiciaire à Libération depuis maintenant 27 ans, elle a accepté de répondre à nos questions.

« Le 36, histoire de poulets, d’indics et de tueurs en série » de Patricia Tourancheau
Patricia Tourancheau est chargée des affaires criminelles et des faits divers à Libération depuis 1990 et travaille à l’Obs depuis 2015.
 Bibliographie
93, mode d’emplois, Ramsay, 1993
Guy Georges : La traque, Fayard, septembre 2010

Les Postiches : Un gang des années 80, Fayard, mai 2004

Le 36 : histoires de poulets, d’indics et de tueurs en série, Paris, Seuil, mars 2017

Aujourd’hui, vous sortez votre nouvel ouvrage « 36 quai des orfèvres » aux éditions du Seuil. Nous allons revenir sur cette institution, notamment au niveau judiciaire. Pouvez-vous nous parler de l’accueil d’un condamné au 36 ?

L’accueil est un peu spécial. Le condamné est menotté et encadré par deux gardiens de la paix, qui le montent et qui l’accompagnent sur les 148 marches qui composent l’escalier du quai des orfèvres, jusqu’à la pièce réservée pour l’interrogatoire. Soit au dernier étage pour « la criminelle » ou pour les « stups » aux 2 et 3ème étages.

Au 36, c’est un immense escalier et il n’y a pas de filets anti-suicide. Tous les policiers se mettent contre le mur, pour que le condamné ne se jette pas dans le vide.

En 1979, la Suède a aboli « la fessée », depuis, la population carcérale a diminué. Justement est-ce que l’on ne pourrait pas remettre la « fessée » à l’ordre du jour, et est-ce que cela pourrait permettre une diminution de la population carcérale en France ?

Moi, je vous parlerai pas de la « fessée », car cela ne sert à rien. Je trouve que c’est mieux ainsi. Une de temps en temps, ça fait pas de mal.

Par contre, par rapport à la police, certains policiers par contre ne se gênent pas pour distribuer quelques coups de poings aux personnes qu’ils interrogent. Je pense qu’il serait souhaitable de l’abolir aussi.

La population carcérale est en grande majorité composée d’hommes à 96%, il n’y a que 4% de femmes en prison. Justement, est-ce que l’on ne pourrait pas faire un suivi particulier pour les femmes ?

Je pense qu’en prison, on ne peut pas faire le même suivi pour les hommes et pour les femmes. Déjà, il n’est pas possible de les réunir dans les mêmes cellules ou les mêmes couloirs.

Les femmes souffrent énormément de la solitude en prison, les hommes également. Il faudrait peut-être regrouper, les femmes entre elles, mais c’est déjà le cas, elles le sont dans des quartiers spécifiques notamment les condamnées aux longues peines, à la prison de Rennes. Il y aussi une aile à Fleury-Mérogis, où ce sont plutôt des jeunes femmes qui sont condamnées pour des petites peines, il y a sûrement mieux à faire !

En novembre 1994, suite à l’affaire Rey-Maupin (la fusillade à Nation), Charles Pasqua, alors ministre de l’intérieur, avait remis sur la table le débat sur la peine de mort. Qu’en pensez-vous ?

C’est un scandale. Franchement, ce fait divers est totalement inapproprié. Il y a des affaires qui suscitent l’émotion et le débat public s’enflamme sur cette question, mais là , ce n’est pas le cas.

Pour ce qui est de l’affaire Rey-Maupin, il faut reprendre au début. Ce sont deux jeunes gens. Florence Rey a 19 ans , son amoureux (Audry Maupin), « beau révolutionnaire », « anar », bel homme qui faisait de l’escalade , en « philo » à Nanterre. Elle le suit.

Rappel des faits : Ces deux jeunes vont braquer la pré-fourrière de Pantin (93), pour « piquer » des armes à des gardiens de la paix avec leur complice Abelhakim Dehkar qui fait le guet. Ils (Rey-Maupin) braquent les forces de l’ordre, leurs piquent leurs armes de service, et là, il y a un grain de sable. Ils s’enfuient et pensent qu’ils sont coursés. Plutôt que de suivre leur plan (prendre le métro) ils menacent un chauffeur de taxi avec une arme, et le somment d’aller à la place de la Nation (Paris). En arrivant sur cette place, ce pauvre chauffeur de taxi (Mamadou Diallo) se voit sommer de donner sa carte d’identité. On lui dit : « Il faudra pas que tu parles ». Il fonce alors dans un car de « Flics ». Les policiers pensent à un accident de la route et sortent de la fourgonnette, et là, le jeune anarchiste les artillent, sa compagne (Florence Rey) plus en retrait tire également. Audry Maupin fait un « carton » et tue deux policiers et le chauffeur de taxi. A ce moment précis, ils se mettent dans une « cavale » improvisée. À la fin, Audy Maupin est tué par la police. Florence Rey, 19 ans, reste toute seule à répondre de ces assassinats alors qu’aucune des balles qu’elle a tirée n’ont touché. Elle prend trente ans, et sortie il y a trois ans elle s’est très bien réinsérée. Elle ne veut pas qu’on parle d’elle. Elle n’aime pas les journalistes ! Quant aux propos de Charles Pasqua, ils sont odieux !

Quel est le livre qui vous a donné envie de devenir journaliste ?

C’est pas un livre. C’est un journaliste de la presse quotidienne régionale de Ouest –France car à l’époque, je faisais mes études à Nantes et je ne savais pas trop quoi faire. Ce type m’a dit assez tardivement que c’était le métier qu’il me fallait car il me trouvait curieuse, tu parles à tout le monde que ce soit des mecs du conseil général, de la mairie, des rockers, des clodos. Franchement, je n’y avais jamais pensé et là, c’était la révélation.

Etienne Aazzab

Etienne a contribué depuis 2 ans dans le journal satirique FOUTOU’ART. Il a intégré l’équipe du « clic 2014 » : Collectif local d’informations citoyennes à partir de novembre 2013. Il rejoint le Lyon Bondy Blog à partir de janvier 2014. Twitter : @AazzabEtienne Ses sujets de prédilection : #Politique #Société #Sport

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