Najat Vallaud-Belkacem : un combat entre l’éducation de droite et l’économie d’En Marche

A l’occasion des législatives qui débutent le 11 juin, le Lyon Bondy Blog a interviewé la candidate PS de la 6e Circonscription. Absente lors de notre débat pour les législatives de Villeurbanne en raison de la passation de pouvoir à l’Elysée, nous sommes allés à sa rencontre. Nous abordons les mêmes thèmes : l’éducation, l’emploi, la sécurité, et l’environnement.

EDUCATION

Le thème de l’éducation concerne particulièrement Mme Vallaud-Belkacem qui, on le rappelle, était l’ancienne Ministre de l’Education et de la Culture au cours du quinquennat dernier. Lors de notre débat le 17 mai nous avons abordé la question des classes surchargées qui représente un vrai problème aujourd’hui pour l’enseignement des professeurs comme pour l’apprentissage des élèves. La réforme scolaire en 2014 lui a valu plusieurs critiques, notamment sur la suppression du redoublement comme Mme Haziza lors de notre débat. Cette réforme lui vaut tout de même des soutiens tel que Philippe Mérieux (co-auteur du livre Contre l’école inégalitaire, vive le collège du XXIe siècle), et la création de 60 000 emplois depuis 2012 : promesse tenue du quinquennat Hollande.
Jean-Michel Blanquer, actuel Ministre de l’Education, souhaite avec les classes de CP de 12 élèves, créer 2 000 classes et cependant supprimer les “postes vacants” de François Peillon. Najat Vallaud-Belkacem compte se battre contre cette réforme, totalement antagoniste à la sienne :”il y a encore des emplois à créer dans l’enseignement, des postes formateurs” et il faut également “mieux rémunérer les professeurs dans les quartiers difficiles”.

La reconstitution des classes bilangues est également un sujet de désaccord : voulant mettre tout le monde sur un pied d’égalité, l‘ancienne ministre les a supprimées pour ne pas séparer les “bons élèves” des “élèves en difficultés” et créer de l’entraide, estime-t-elle. Sa priorité est d’aider les quartiers défavorisés pour ne pas creuser le trou qui existe déjà dans l’éducation des différents quartiers. Il faut une “méritocratie qui met en valeur ceux qui le mérite, et non pas une méritocratie qui conserve une élite sociale”. Une mère de famille de Villeurbanne nous témoignait dans la rue sa difficulté à combiner les horaires scolaires de leurs enfants, surtout les petits, avec ceux de leur travail. Trop riche pour toucher des aides, trop pauvres pour payer une crèche : il faut soit travailler et gagner moins soit rallonger la journée des petits. Durant le quinquennat de Sarkozy, Jean-Michel Blanquer a instauré la semaine de quatre jours, au lieu de cinq. Tel un match de ping-pong qui n’en finit pas, Mme Vallaud-belkacem remet en place des cinq jours en 2014, qui vont être de nouveau remplacé par les quatre jours du même M. Blanquer.

La candidate défend sa position en expliquant que concentrer les cours sur quatre jours était mauvais pour l’apprentissage des enfants, et que cela expliquait bien le décrochage scolaire des 140 000 ressortissants sans diplômes de 2011, comparés aux 80 000 de l’année 2016. De plus, déconcentrer ces horaires de cours permet de mettre en place plus d’activités périscolaires qui égalisent l’éducation des  enfants de tous les quartiers. En effet, pour les jeunes n’ayant pas les moyens d’aller au conservatoire, dans un club de sport ou d’art, ces activités-là permettent d’ouvrir gratuitement ces portes éducatives. Elle critique donc fortement la politique d’Emmanuel Macron qui vise à stopper les subventions périscolaires des mairies, qui refuseront pour la plupart de payer de leur poche.

EMPLOI

La discrimination à l’embauche concerne tous les domaines : le genre, la situation sociale, l’orientation sexuel, les origines, le faciès, le handicap. En 2013, la candidate avait soutenu le rapport Pécault-Rivolier qui tend à combattre les discriminations dans les entreprises. Via les testings ou encore la traçabilité et la transparence des entreprises sur les entretiens d’embauches par exemple. Toujours concernées par les nouvelles générations, la candidate socialiste s’intéresse beaucoup au cas des jeunes dont la césure sociale et professionnelle est en hausse. Discriminés pour les stages ou les formations, les jeunes sont de plus en plus hostiles au monde du travail. Il faut selon elle, “développer les actions de groupes avec le testing” car seule, une personne discriminée n’osera pas dénoncer l’employeur de peur d’être sur “la liste noire des entreprises locales”.

Deux mesures d’aides financières peuvent également être mises en place : mieux conditionner les ressources publiques dans les inégalités salariales (homme-femme par exemple) ou encore introduire un critère de non discrimination au travail en pénalisant les entreprises qui en font preuve.

Autre problème dans l’emploi : les emplois sous-qualifiés et le manque de postes.

Nous mettons en lumière le fait qu’un employé occupant un poste sous-qualifié est non seulement mécontent, mais empêche aussi un travailleur peu ou moins qualifié de travailler à son poste. Où sont les emplois ? Najat Vallaud-Belkacem considère qu’il faut créer “une réelle adéquation entre l’offre et les compétences”. De ce fait, elle critique les réformes d’En Marche qui vise à, comme en Angleterre, obliger le chômeur à accepter toute offre d’emploi sous peine de supprimer ses allocations chômages.

Il faut faire de véritables formations, créer de réels débouchés pour des filières comme les lycées professionnels, et cela en s’appuyant sur une étude des futurs zones à emploi. Elle s’explique : la création de futurs métiers dans “l’informatique, la sécurité, les services à la personne permettront la création de nouveaux emplois” en adéquation avec ses filières marginalisées. “Il faut privilégier la formation et non pas la fluidification macronienne” qui nuit aux dommages et intérêts prud’hommeaux, et donc à la sécurité de l’employé.

Elle soutien également la réforme de Manuel Valls qui vise à prolonger la bourse étudiante de 4 mois lorsqu’un étudiant rentre sur le marché du travail. “Nous devons réconcilier les jeunes avec le monde du travail” et “pour cela, la gauche doit être au parlement pour veiller au grain”.

SÉCURITÉ

Entre une droite républicaine protectionniste et une gauche verte favorable à l’accompagnement humain à Villeurbanne, la candidate socialiste appelle à la cohésion sociale. En 2016, au moins 1 500 jeunes seraient partis combattre en Syrie. Première crise nationaliste depuis longtemps, une question morale se pose alors : faut-il punir les jeunes partis en Syrie ou faut-il punir ce qui les a poussés à partir ? “On doit tous se retrousser les manches !” Justice, Education, accompagnement, famille, médias : tous doivent être attentifs aux autres pour construire un sentiment de citoyenneté. “Il faut garantir la citoyenneté par l’apprentissage citoyen”, cela passe par exemple par les “débats civiques” mise en place dans certaines écoles pour créer un dialogue tôt, entre professeurs ou professionnels et enfants. Il faut leur apprendre à développer leur propre sens critique notamment pour différencier les “fake news” des vraies informations. Travail qui concerne également les médias, dont elle fait appelle à leur vigilance pour redonner confiance aux jeunes aujourd’hui plus confiants en les réseaux sociaux. “Les jeunes sont friands de théories du complot de nos jours, et s’ils sont adeptes ces théories, n’importe qui peut leur faire gober n’importe quoi”.

Second problème considéré dans notre débat : l’alcool.

Problème à caractère individuel et culturel, le lobbyisme et la vente de ce produit reste peu restreint comparé à la vente et à la communication du tabac. Accidents, incarcérations, maladies, violences, les effets pervers de l’alcool peuvent être nombreux sans compter les 49 000 morts par an de cette substance. Le rôle éducatif de l’école représente encore un point centrale pour l’ancienne ministre, même si les actions des “MJC, des centres sociaux et des associations sont considérables”. “Une école pour transmettre la vie” pourrait être la devise de Mme Vallaud-Belkacem, qui veut une “éducation à la vie”, en alliant cours et préventions en science, en social,  ou dans des matières littéraires. Il faut donc former les enseignants à prendre ce genre d’initiatives. Les mesures de Macron concernant la suppression de postes et de la formation continue n‘est donc vraiment pas à son goût.

La question “des dilemmes moraux” en cours est une action parfois mise en place pour élaborer des idées et des débats entre les élèves et les professeurs, et ainsi sensibiliser tout le monde. La création de poste tel que psychologue scolaire aideront aussi à “instaurer la bienveillance à l’école” et ainsi réduire les addictions et les craintes des jeunes.

ENVIRONNEMENT

La pollution de l’air fait 48 000 morts par an en France, mais c’est également cause de maladie cardio-respiratoire, de pollution des terres par les pluies…

En association avec EE-LV, le PS de Benoît Hamon était très concerné par la question environnementale pendant les présidentielles. Seule de son côté, la candidate socialiste villeurbannaise estime que la première solution est de désenclaver les quartiers en développant les transports en commun, qui comme le pense Béatrice Vessiller va permettre la réduction des émissions voitures. Mais le travail est aussi à faire avec les industriels, qui pour la plupart ne respecte pas les quotas, “il faut alors légiférer ces secteurs” et non pas continuer à leur donner tant de liberté.

Très confiante en sa région, Mme Vallaud-Belkacem estime le Rhône-Alpes-Auvergne  comme point impulsif pour la création d’énergies renouvelables : “il faut créer des champions nationaux des énergies propres”. “Les jeunes sont de plus en plus concernées par la question du développement durable”. Pour la candidate socialiste, il ne faut pas “en faire un sujet polémique”, la sortie du nucléaire doit se faire progressivement, et sûrement. De nombreuses interventions en faveur de cette sortie sont mises en place telle que la “Semaine du climat” qui de la primaire jusqu’au lycée questionne les élèves à ce choix. Face à la nouvelle génération française, la candidate PS reste confiante.

Sans aucun doute irréprochable pour ses connaissances en éducation, la candidate socialiste considère l’école comme remède à tous nos maux : il s’agirait sûrement de régler le problème à sa source. Moins calée sur l’environnement, une alliance avec les Verts (Béatrice Vessiller à Villeurbanne) aurait été envisageable entre les deux candidates hélas très indépendantes, pour rassembler une gauche unie. Mesures humanistes et keynésiennes, la candidate est en adéquation avec le programme de son parti pourtant si dispatché aujourd’hui. Une des plus jeunes parmi un des plus vieux partis de France, Najat Vallaud-Belkacem reste fidèle à ses idées et à ses actions en toute humilité.

Najat Vallaud-Belkacem répond aux questions du LBB

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