Municipales 2015 Vénissieux. Michèle Picard, élue en 2014 avant l’annulation de l’élection, revient sur le scrutin des 22 et 29 mars prochain. La candidate PC note une forte mobilisation des Vénissians dans cette campagne particulièrement courte. Elle veut poursuivre le programme mis en place depuis un an. Elle l’assure, son adversaire, c’est Christophe Girard.
A venir, Lotfi Ben Khelifa (PS), Christophe Girard (UMP), Jean-Pierre Tardy (LO), Damien Monchau (FN).
Cette année, la campagne est particulièrement courte. Qu’est-ce que ça change ?
Il y a une très forte mobilisation. Il faut qu’elle se concrétise dans les urnes. La décision de justice, dont nous sommes victimes, nous soude. Nous avons actuellement 1 300 signatures au comité de soutien en un mois. L’an dernier, nous en avions 1 800 en cinq mois.
Nous avons fait deux réunions publiques de quartier, avec à chaque fois une centaine de personnes. Je fais également beaucoup de réunions d’appartements. Pour l’instant j’en suis à 250 personnes rencontrées dans ces réunions.
Concernant l’absence d’accord avec le PS, on a surtout parlé de la brouille entre vous et Lotfi Ben Khelifa et très peu du programme et des idées. Vous ne trouvez pas ça dommage que les débats aient été concentrés sur une lutte de personnes et pas d‘idées ?
Je voulais une clarification du PS par rapport à notre programme et au vote qu’ils ont eu pendant un an. Ils se sont abstenus quand on votait les garanties d’emprunt qui permettent de réhabiliter ou de construire les logements sociaux. Ils ont voté contre la cuisine centrale. Vénissieux est une des rares villes à ne pas avoir externalisé sa cuisine centrale. Nous avons une tradition qui a été créée après guerre pour donner à manger à tous les enfants de Vénissieux dans une France exsangue. On a continué à vouloir la qualité avec des produits bio. Il se trouve que nous avons de plus en plus d’enfants qui mangent à la cantine. Nous n’avons d’ailleurs pas mis de critères en place pour faire manger les enfants. Nous avons 20 % de produits bio, des circuits courts. Nous tenons à cette qualité. Cette cuisine centrale était construite au départ pour faire environ 3 000 repas par jour. Nous en sommes actuellement à 4 000. Il fallait donc reconstruire la cuisine centrale. Ils ont voté contre alors que c’est une question de santé publique, d’hygiène de vie et aussi d’apprentissage
« Ce n’est pas Picard contre Ben Khelifa »
Du coup, n’est-ce pas une erreur d’avoir entamé les négociations ?
Non parce qu’ils auraient pu faire autrement. Ils auraient pu faire une liste de quatre personnes sans Monsieur Ben Khelifa. Si vous regardez leur ancien groupe, le PRG nous a rejoints et une personne du groupe socialiste nous a rejoints aussi. Parce que c’est impossible de travailler avec lui.
Je pense que ces négociations ont également permis de montrer à Sandrine Picot (PS), qui nous a rejoints, que nous voulions l’union. Mais pas à n’importe quel prix et pas n’importe comment. Sandrine Picot est une femme de gauche qui veut battre la droite et l’extrême droite et qui se retrouve dans ce qu’on défend.
« La gauche rassemblée, c’est nous »
Justement, Nadia Chick (PRG) vous a également rejoint. Thierry Braillard, secrétaire d’État PRG dans le gouvernement PS, négocie au niveau local avec le PC. Les Vénissians s’y retrouvent-ils là dedans ?
Pour l’instant les Vénissians voient les logos affichés. Pour eux, la gauche rassemblée, c’est nous. Ils voulaient la gauche rassemblée pour battre la droite et l’extrême droite. Le PS n’a pas voulu nous rejoindre, mais qu’on ait plusieurs personnalités socialistes — l’an dernier nous avions déjà Danielle Gicquel (CGT) —, qu’on ait Sandrine Picot et qu’on ait Nadia Chick montre qu’on a essayé de rassembler.
Quand je vois la droite qui rassemble tous les mouvements, ça me fait doucement rigoler. Quand vous voyez qu’une semaine après l’élection de 2014 il y avait déjà trois personnes du groupe de Monsieur Girard qui voulaient déjà partir… Ils sont restés, car il y avait un recours. Nous cherchons à travailler pour 6 ans avec des personnes qui veulent travailler sur un programme qui nous réunit et sur un contrat avec les Vénissians.
« Je ne me trompe pas d’adversaire »
Lors de votre premier discours, vous avez beaucoup tapé sur Christophe Girard. C’est lui votre principal adversaire ?
Je ne me trompe pas d’adversaire. Pour moi, l’adversaire est la droite et l’extrême droite. Avec un danger où on voit bien une porosité entre les deux. Je rappelle que Monsieur Girard a fait un recours dans lequel il dit — c’est noté noir sur blanc — que si l’extrême droite n’avait pas été là, ces gens auraient voté pour lui. Il réclame les voix de ceux qui ont mis « la quenelle dans l’urne », c’était leur slogan. C’est un Villeriste, les cousins germains du FN. Nous voyons donc bien cette porosité et vers quoi il va. Mon adversaire et celui des Vénissians, l’adversaire du progrès social sont Monsieur Girard, et Monsieur Monchau de l’extrême droite.
Justement sur l’extrême droite, n’en fait-on pas trop ? On se rend compte que lors des derniers scrutins locaux à Vénissieux, les identitaires et le FN font en moyenne 1400 voix, un peu plus aux Européennes (1 408 aux Municipales 2014, 1 442 aux Municipales 2008, 2 200 aux Européennes 2014). Faut-il vraiment en avoir peur ?
Aux législatives, c’est sur notre ville de la circonscription où ils sont le plus contenus. Ils font 16 %. Par contre ils ont fait 27 % aux Européennes. Il y a eu beaucoup d’abstentions, mais c’est une ville où on a contenu le FN. En 1995 le FN faisait 30 % à Vénissieux. C’est une question qui a été prise à bras-le-corps par l’ancienne équipe. Nous avons continué. Il faut toujours se méfier. Je mets la droite avec l’extrême droite (à Vénissieux NDLR). Cette droite qu’on a en face, c’est un Villeriste, ce n’est pas la droite républicaine, c’est une droite qui peut s’allier avec le FN. Ce n’est pas l’UDI ou le centre droit. Monsieur Girard parlait beaucoup avec monsieur Benedetti lors des conseils municipaux. On parle beaucoup du FN nationalement, mais il ne faut pas qu’ils se servent de cette élection partielle pour faire un laboratoire de Vénissieux.
« On cherche à emmener des entreprises très diverses pour que ça corresponde aux jeunes que nous avons »
Pour revenir sur la ville. De grandes entreprises sont installées à Vénissieux (BMW, groupe Baret, laboratoire Carso). Avez-vous des garanties sur le fait qu’elles embauchent des Vénissians ? Sur une soixantaine d’employés à BMW, combien de Vénissians ? Ces entreprises vont-elles vraiment apporter quelque chose aux Vénissians ?
Nous avons plus de 3 300 entreprises et enseignes à Vénissieux. Ce qui représente plus de 30 000 emplois. En même temps, nous avons un taux de chômage très fort. Il n’y a pas d’adéquation entre l’offre d’emploi et les formations. Le laboratoire Carso, ça va être 150 emplois. Ils veulent bien prendre des Vénissians, mais il va falloir que ce soit des bacs +2. Nous avons effectivement beaucoup de chômeurs qui n’ont pas beaucoup de niveaux de formation. Je le dis toujours, le triptyque c’est : éducation, formation, emploi. Ce devrait être nationalement un véritable plan ORSEC. On cherche à emmener des entreprises très diverses pour que ça puisse correspondre aux jeunes que nous avons.
Ces enseignes doivent être des partenaires de la ville. Mais pas seulement. Je considère qu’elles ont presque un pacte civique avec les habitants. Dans notre programme, nous avons mis en place une charte de coopération. Nous voudrions que les entreprises vénissianes la signent et qu’ils s’engagent à proposer a nos jeunes de troisième, dans le cadre des stages découverte, ou de l’insertion, de la formation, de l’emploi, etc. Lors du forum emploi/formation/industrie du 26 mars, nous devions signer avec une vingtaine d’entreprises. On ne pourra pas, car nous ne serons pas élus. Dès notre retour, nous signerons cette charte. C’est un plus pour la ville.
Quels leviers vous pouvez tirer pour faciliter la formation des Vénissians ?
Il y a surtout des combats politiques. Quand les AFPA de Vénissieux et de Saint-Priest étaient menacées, il n’y avait pas beaucoup d’élus pour le défendre. Il y avait le Maire du 1er arrondissement, Nathalie Perrin-Gilbert (GRAM), moi-même et les conseillers généraux de Vénissieux. S’il y a encore des formations à l’AFPA, c’est aussi grâce à nous.
Au niveau du CERTA, ils n’ont pas eu leur subvention de la Région. Je crois être la seule élue à avoir fait une déclaration de presse pour attirer l’attention.
C’est la Région Rhône-Alpes qui a le levier pour la formation, pas nous. Nous nous sommes battus pour que le lycée Jacques Brel ait des formations innovantes. On aurait voulu que les filières collent au plus près de nos entreprises. Qu’il y ait par exemple une filière qui puisse emmener vers Le laboratoire Carso. On voulait la pré-fabrique opéra qui devait être construite à côté du lycée Jacques Brel. J’aurais aimé qu’il y ait des formations dans les métiers artistiques. Mais pas seulement. L’opéra c’est aussi des menuisiers par exemple. Le Grand Lyon et la ville de Lyon se sont désengagés du projet de pré fabrique opéra. J’espère que c’est une mise en veille et pas une mise à mort du projet.
La pré fabrique est un projet innovant, car on pouvait l’utiliser pour la fabrique. Ça faisait deux ans qu’on y travaillait avec l’Etat, la Région, le Grand Lyon, la ville de Lyon et Vénissieux. Ils écrivent au maire de Vénissieux en disant qu’ils se désengagent, sans aucune réunion des partenaires financiers. J’ai demandé au préfet et au président Collomb qu’il y ait une réunion des financeurs pour voir comment on pouvait travailler. Ce sont des choses qui me posent problème par rapport à la Métropole. À un moment donné, il y aura de l’austérité au niveau de la Métropole. Ce que je peux comprendre, car on nous impose aussi l’austérité. Comment vont être fait les choix, et avec qui ? Et quelle transparence sur les budgets ? Sur les autres villes de l’agglomération, sur quoi la Métropole se désengage ? Y a-t-il une équité de traitement ?
« À la Métropole, ils font tous leur marché »
Vénissieux, 3e ville du département, envoie 7 élus à la Métropole. Vous refusez de siéger à l’exécutif de la Métropole. On vous reproche justement de ne pas siéger…
S’il faut être dans l’exécutif pour faire avancer les projets de sa ville, je trouve ça dommage. Ça voudrait dire que si vous n’êtes pas avec le doigt dans la couture pour exécuter les ordres de Collomb, votre ville n’avance pas. C’est ça une métropole ? Normalement il y a une équité de traitement pour faire avancer une agglomération avec tous ses territoires. Je suis pour une équité de tout le territoire.
J’ai été assez préservée, car les 5 premières années de mon mandat, je n’étais pas élue au Grand Lyon. Quand j’y suis allé, j’ai eu l’impression qu’ils faisaient tous leur marché. On va voir le directeur de cabinet, ou le président du Sytral ou autre, et on négocie des choses pour sa ville. Je n’ai pas cette conception-là. Pour moi un président d’agglomération avec un exécutif devrait vouloir faire avancer toute l’agglomération, avec les spécifiés et les diversités de chaque territoire. Quand Lotfi Ben Khelifa dit que si je ne suis pas l’exécutif, j’isole Vénissieux. Je dis : « Non, normalement non ». Ça prouve que ça ne marche pas. Ça prouve que ce n’est pas comme ça que ça devrait marcher. Ça voudrait dire que ceux qui sont dans l’opposition ne peuvent pas avoir des choses pour leur ville ? C’est aberrant. Ou alors ça prouve que c’est si on s’entend bien avec Monsieur Collomb qu’on fait avancer son territoire.
« Beaucoup de flou sur la Métropole »
Ce n’est parti pour évoluer…
J’ai demandé des garanties sur la Métropole. Je considère qu’il y a beaucoup de flou. On a mis le pacte de cohérence métropolitain, qui est en train d’être travaillé actuellement alors qu’on est plus élu et qu’on ne peut pas peser dessus. La DDU — dotation de developpement urbain — se négocie actuellement avec le préfet. On est absent et on ne peut pas négocier. La programmation sociale en politique de la ville se négocie en ce moment, on n’y est pas non plus.
Monsieur Girard dit que je n’ai pas voté le budget, ce qui pourrait mettre en difficulté les associations de la ville. Pas du tout ! Pour les associations de la ville, on votait le budget en mars. Donc ça ne change rien. Et les grosses associations ont eu ce qu’on appelle l’acompte en décembre, comme chaque année. Par contre je me fais du souci pour les associations qui font des actions dans le cadre de la politique de la ville et qui ont les subventions en fonction de leurs actions. Si nous ne sommes pas là pour valider ces actions, elles n’ont pas les subventions. Concrètement, sans les subventions, les actions ne sont pas faites.
Ça fait rigoler Monsieur Girard que la ville n’ait pas de maire. Je trouve ça incompétent. Il s’en fout de Vénissieux et des Vénissians. C’est un jeu pour lui. Ça met la ville au ralenti et ça peut l’handicaper. Avant de partir, j’ai mis un certain nombre de projets sur les rails comme le groupe scolaire du centre pour ne pas qu’ils prennent du retard. Parce que trois mois, ça ne paraît rien, mais ça peut être une rentrée scolaire de décalée. Nous sommes des gens responsables, ça ne m’amuse pas du tout qu’une ville de 62 000 habitants, avec 500 associations et plus de 3 000 entreprises, soit au ralenti.
Concernant les conseils de quartiers, 1 000 personnes ont volé seulement. Comment peut-on faire pour plus mobiliser ?
Les conseils de quartiers ont été créés en 1989. Les délégués sont élus. Ce serait beaucoup plus simple de ne pas faire l’élection, comme dans beaucoup de villes. Nous avons souhaité que ces délégués soient élus. Quand on voit l’abstention dans des scrutins importants comme les Municipales et les Européennes, c’est vrai qu’il n’y a qu’un peu plus de 1 000 personnes qui votent. On va se poser des questions sur comment on peut emmener les personnes à voter plus pour les conseils de quartiers. On fera un bilan. Je pense que nous devons ouvrir les votes par correspondance et par internet, ce que nous n’avons pas fait et qui correspondent peut-être un peu plus à la réalité.
Quand Monsieur Ben Khelifa dit qu’il n’y a personne, ça me fait beaucoup rigoler. Il y a au moins cent personnes à chaque fois dans les assemblées générales de conseil de quartier. Sur 13 conseils de quartiers, ça fait pratiquement 2000 personnes. Dans ces assemblées de conseil de quartier, les gens viennent et parlent de leurs problèmes du quotidien.
« Le budget de la ville intéresse les gens »
J’aimerai que sur le prochain mandat, nous arrivions à travailler des thèmes importants comme le budget. Sans forcément faire un budget participatif, mais que les personnes se rendent, compte qu’une école, ça coûte 14 millions. Quand vous avez un investissement de 14 millions par an, les gens croient que c’est énorme, mais il y a déjà la moitié pour la maintenance de tous nos équipements publics. Concrètement ça veut dire qu’il reste 7 millions. Le budget d’une ville est comme le budget d’une famille, il faut avoir un apport, ce qu’on appelle l’autofinancement. J’aimerai pouvoir arriver à expliquer ça, car je me suis rendu compte dans mes réunions d’appartement que ça intéresse les gens.
Quand on est en capacité de leur expliquer de façon concrète, ils comprennent. Je leur explique que cette année, c’est 844 000 € en moins et que ça correspond presque entièrement à notre enveloppe de réhabilitation de nos écoles. 7 millions en moins de budget imposé par l’austérité jusqu’en 2017, c’est la moitié d’un groupe scolaire. Jusqu’à présent notre budget n’avait pas baissé, car nous avions la DSU (Dotation de solidarité urbaine), qui elle a augmenté. Donc ça masquait la perte de la DGF (Dotation Globale de fonctionnement). Cette perte nette n’est plus masquée maintenant. Ça représentait cette année près d’un million, et 7 millions jusqu’en 2017. On doit arriver à discuter de ça pendant les conseils de quartiers et peut-être parler de choix. On est arrivé à une maturité dans nos conseils. On arrive à mieux discuter avec les gens.