Vénissieux 2015 — Lofti Ben Khelifa : « L’apartheid territorial existe. Il est réel »

Municipales 2015 Vénissieux. Lofti Ben Khelifa, arrivé troisième en 2014, revient sur le scrutin des 22 et 29 mars prochain. Le candidat socialiste revient sur quelques propositions de campagne. Il attaque la maire sortante plutôt que Christophe Girard (UMP) et l’affirme, s’il est élu à Vénissieux, il pèsera sur la Métropole.

A venir Christophe Girard (UMP), Damien Monchau (FN) et Jean-Claude Tardy (LO). Déjà publié : Michèle Picard (union de gauche)

La campagne est très courte cette année. Qu’est-ce que ça change ?

Multiplier les actions : porte-à-porte, distribution de tracts, etc. pour nous ça ne change pas grand-chose, car on a toujours été proches des gens et sur les marchés, depuis les élections dernières. On n’a pas coupé avec la population dès qu’on a été élu. Bien au contraire, on s’est même rapproché de la population parce que quand on est dans l’opposition, nous avons les infos 5 jours avant le conseil municipal, comme la loi le veut. Ça nous laisse le temps d’étudier les dossiers, d’aller voir les gens, écouter leurs problématiques et d’essayer de les régler. Notre année d’opposition a été une année bénéfique parce qu’à chaque conseil municipal, on a fait des propositions en critiquant ce que proposait le parti communiste et sa majorité. Car ils sont sur des systèmes archaïques sclérosés et qui ne marchent plus et eux-mêmes le disent. Madame Picard a déclaré à la télévision qu’ils étaient sur un système trentenaire. Nous sommes pour des systèmes actuels, d’innovation et de modernité. C’est ce qu’on incarne.

Justement sur le conseil municipal, depuis 2014 vous votez contre les projets de l’équipe…

Pas tous. Quand on nous demande de faire le choix entre mettre des repas de substitution pour les enfants pour qu’il y ait une vraie égalité à la cantine et que c’est le seul repas équilibré qu’ont certaines familles, nous préférons mettre de l’argent dans la cantine plutôt que de mettre l’argent dans la communication comme le fait Madame le Maire. Vénissieux a un taux de pauvreté de 31 %, le double de celui de Lyon. Un million d’euros pour faire de la propagande et se faire mousser, nous, on préfère les donner aux enfants pour qu’ils mangent. On fait le choix de l’éducation, de l’égalité de traitement et d’être à l’écoute des gens.

« L’électorat volatil, quand il n’est pas content, vote à l’extrême droite »

Vous voulez parler de la cuisine centrale ?

On a proposé de mutualiser. Vénissieux (NDLR L’équipe municipale) veut toujours avoir son petit truc à gérer qui leur donne une certaine confiance un certain pouvoir. Pouvoir qu’ils n’auront plus d’ailleurs. Car mutualiser ne signifie pas déléguer. C’est s’accorder avec l’ensemble des communes environnantes pour construire cette cuisine centrale de manière à ce qu’elle rayonne sur la circonscription. On ne sait pas, on n’a pas interrogé les autres communes pour savoir s’ils voulaient investir avec Vénissieux. Surtout que ça nous coûte moins cher en impôts, en investissement. Il va bien falloir l’amortir cette cantine. On va chercher l’argent où ? Dans la poche des Vénissians ?

Sur l’absence d’accord en PS et PC… Ce n’était pas une erreur d’entamer les négociations ?

Je suis dans un parti politique qui lui a le sens des responsabilités, contrairement au parti communiste, et qui a souhaité l’union dès le premier tour d’ailleurs. J’étais le point de blocage de Madame Picard. Je n’ai pas participé aux négociations, sauf à un seul rendez-vous avec les envoyés de Madame Picard, qui n’est pas venue comme d’habitude, et le premier secrétaire fédéral (PS) David Kimelfeld. C’est lui qui a mené les négociations. J’ai donné mon avis, ma position. Je considère que cette alternative de gauche est nécessaire à Vénissieux, aujourd’hui et demain. Il ne peut plus y avoir à Vénissieux une seule liste de gauche, qui se prévaut d’avoir l’ensemble des suffrages de la gauche. C’est terminé. Nous avons un électorat volatil qui, lorsqu’il n’est pas content, vote à l’extrême droite. Quel rempart contre ça ? Et bien tout simplement des idées nouvelles, de l’innovation, de l’ouverture du respect. Voilà ce que nous avançons.

 Tirer au sort un conseil d’habitants

Justrement, vous pouvez nous en détailler quelques-unes ?

Je vous en donne trois. D’abord la Maison de l’Emploi et de l’Entreprise, qui se fait à Lyon et qui ne se fait pas à Vénissieux, pour faire baisser le chômage et offrir aux jeunes des activités dès 2016 si on est élu. Mille activités, mille emplois sont prévus dans le cadre de cette création de Maison de l’Emploi. On pourrait aujourd’hui, facilement mettre mille jeunes en activité, 350 contrats d’avenir, 400 et quelques apprentissages. Ça intéresse la population, les jeunes de mettre un pied dans l’entreprise, dans le monde du travail. C’est une première chose qu’il va falloir faire si on est élu. C’est notre priorité.

La deuxième chose c’est la mutuelle de santé. Je parlais tout à l’heure du taux de précarité qui était élevé, et des gens qui ont des difficultés à se soigner, car ça coûte cher. Dans notre équipe, nous avons médecins, infirmièrs et pharmaciens, qui sont à même de juger d’une idée aussi pertinente. On l’a mis en place comme d’autres communes, tout simplement pour avoir une mutuelle pour tous les Vénissians, avec un cahier des charges qui soit le plus profitable et des garanties maximum.

Troisième chose, les conseils de quartier arrivés à bout de souffle. Que faut-il faire pour remobiliser les habitants ? Leur redonner la possibilité de donner un avis par rapport à l’endroit où ils habitent… Nous proposons tout simplement de tirer au sort un conseil d’habitants. 49 sur la base des services fiscaux. Là on exclurait plus les étrangers. On inclut tout le monde, y compris ceux qui ont la carte de résidence.

Pour ces conseils de quartiers, on en aurait une cinquantaine ?

49 comme nous, et on leur demande leur avis sur tous les grands projets de la ville. Par exemple au marché des Minguettes, vous avez le tramway qui passe à côté des habitations. Construire des immeubles en face des immeubles, ça n’a pas fait ses preuves avant. Donc ça ne le fera pas demain. Il y a aussi à repenser le logement sur cette ville et l’urbanisation de cette ville. On a le tramway, le métro, les entrées périphériques. On peut aller au Nord-Sud Est-Ouest. Vénissieux est très bien desservie. Il faut arrêter avec cette politique où on entasse les gens les uns sur les autres. Il va falloir tempérer.

Venissieux
Résultats du premier tour à Vénissieux en 2014. Benedetti était sur la liste Vénissieux fait front, pas sur le FN

 

Cela pourrait être de démolir des grandes tours ?

Il y a des projets. Je vous donne l’exemple de la Duchère, elle s’est complètement transformée pas seulement du point de vue de l’urbanisme. Ça commence par là et après on a une mentalité qui se transforme, des gens qui ont envie d’avoir un espace pour eux.

Mais beaucoup d’habitants de la Duchère disent que rien n’a changé…

Les mutations, ça ne se fait pas du jour au lendemain… Vous savez comme moi qu’ils ont détruit les tours de Vénissieux de la démocratie. On en paye encore la facture. On paye les politiques d’il y a 30 — 40 ans. Nous n’avons pas envie en tout cas que dans 30 — 40 ans, on se pose encore des questions d’égalité, de discrimination et d’enclave dans un territoire. Manuel Valls a parlé de ce problème-là, il est récurrent. Cela revient à chaque fois. Il a dit « l’apartheid territorial », et bien il existe. Il est réel. Nous voulons le casser. On ne veut plus que Vénissieux soit enclavée. Quand on voit même des communistes qui ne participent pas à l’exécutif de la Métropole, comment défendre les dossiers de la métropole ? Pour Gérard Collomb, l’étiquette n’est pas déterminante. Ça nous fait quand même plusieurs leviers qui nous permettent de faire mieux dans notre propre commune.

Sur la Métropole, on est aux balbutiements. Êtes-vous critique sur certains aspects de la métropole sur la gouvernance, est-ce que Venssieux peut se donner les moyens de peser au sein de la Métropole ?

Vénissieux est la 3eme ville du département. S’il n’y avait pas la Métropole (le Grand Lyon avant), il n’y aurait pas le T4. Le tramway, on n’était pas obligé de le mettre en place. Si on n’a pas des élus qui se battent dans cette Métropole, qui va représenter Vénissieux et ses dossiers. Certainement pas les communistes. On est quand même la seule liste qui fait partie de la majorité métropolitaine. Ce n’est pas la droite extrême, l’extrême droite ou la gauche extrême de Madame Picard qui va le faire. Car ils ne sont pas dans l’exécutif.

« Si Girard avait un bilan, je taperai sur lui »

Est-ce que vous n’avez pas l’impression de vous tromper d’adversaire en tapant sur Picard et peut-être pas assez sur Christophe Girard ?

Girard n’est pas au pouvoir aujourd’hui. Aujourd’hui les gens ne votent plus parce que c’est l’UMP ou ceci ou cela. Ils votent pour un projet, pour des personnes qui conduisent la liste. Quand vous dites que je ne tape pas assez sur Girard, je n’ai pas de raison. Celui qui a les manettes de la ville aujourd’hui, c’est le parti communiste. Si Girard avait un bilan sur la ville, je taperai sur Girard.

Pour vous c’est plus dangereux que Michèle Picard repasse plutôt que Christophe Girard ?

Pour moi le mieux est que ce soit moi qui passe. Je ne dis pas que c’est dangereux ou pas, mais simplement qu’après 88 ans, il y a l’usure du pouvoir. J’amène les Vénissians à réfléchir avant. Je veux que la gauche gagne et elle ne gagnera pas en étant divisée. J’amène Madame Picard à réfléchir sur ça et la manière dont elle a voulu nous faire perdre du temps pour qu’on n’aille pas aux élections.

« Sandrine Picot et Nadia Chick ont fait leur choix pour des postes »

Justement sur la désunion à gauche, le fait que Madame Picard ait réussi à avoir Sandrine Picot (PS) et Nadia Chick (PRG), ça laisse quand même l’image qu’ils ont plus réussi à faire le rassemblement que vous ?

Moi je suis intéressé par le projet que l’on ne porte, pas par les postes. Elles ont fait leur choix pour des postes. Madame Picard a un vrai problème de personne avec moi.

Était-ce un problème d’idées ?

Non, même avec elles. Elles y sont allées en se disant : « Les communistes vont gagner les élections, il vaut mieux qu’on assure nos arrières et qu’on soit réélu le 29 mars plutôt qu’aller avec le PS qui lui ne sera pas élu. » C’est comme ça qu’elles ont réfléchi. Moi je ne vois pas la raison politique pour laquelle elles ont quitté le groupe. Il y a des raisons stratégiques de carrière, mais pas politiques. On quitte une liste car on a des désaccords politiques. Aujourd’hui, il n’y a pas de désaccord politique et quand on me dit qu’elle représente la gauche rassemblée, moi je vous dis qu’elle représente la gauche des étiquettes. Moi, celle des Vénissians. C’est notre liste avec 70 % de sociétés civiles. Moi je n’ai jamais vu le score du PRG sur Vénissieux, je n’ai pas non plus celui du parti de gauche, des verts ou du MRC. Donc vous voyez bien que l’addition de tous ces partis, le parti socialiste fait un meilleur score que toute cette gauche réunit.

« Identitaires et FN, je ne fais pas la différence »

Par rapport au FN et aux identitaires, nous nous sommes rendu compte qu’ils font en moyenne 1400 voix sur les scrutins locaux. Au final, ne croyez-vous pas qu’on en fait un peu trop sur le FN ?

Moi je n’ai pas peur du FN. C’est pour ça que je vous dis que cette alternative à gauche est nécessaire, car Vénissieux c’est la gauche. Cette alternative va permettre à ceux qui ne veulent pas voter pour le PC de voter pour une alternative de gauche sans faire basculer la ville à droite. Le risque c’est celui-là. Quand on voit aujourd’hui l’électorat volatil, on propose de garder la ville à gauche en votant pour notre liste. À Vénissieux on aura réalisé quelque chose de positif pour les habitants depuis les élections de mars 2014. Les Vénissians ont le choix de voter à gauche sans faire passer la ville à droite en votant pour nous. Le candidat FN aujourd’hui il arrive sans connaître la ville et pour diviser les Vénissians. On n’a pas besoin de ça ici.

Le candidat compte des colistiers présents sur la liste identitaire de 2014…

Je vais vous dire, les identitaires ou les FN, excusez-moi de ne pas faire la différence. Pour moi c’est les mêmes. Il y a deux extrémismes, mais pour moi ils sont les mêmes. Ils sont dans la haine de l’autre.

Qu’auriez-vous à dire aux personnes qui comptent voter pour le FN ?

Tout simplement qu’ils se trompent de colère, qu’elle est légitime face a des politiques qui ne tiennent pas leurs engagements. D’abord, c’est une élection locale pas nationale. Ce qu’on propose est réalisable, pas besoin de solliciter l’Assemblée nationale ou autre. Ce sont des choses que l’on fait localement et qu’on fera avec la Métropole de Lyon. Et comme nous faisons partie de la majorité métropolitaine, nous réaliserons ce que nous avons mis sur notre programme. On a les moyens de le faire. Il ne faut donc pas qu’ils se trompent de colère s’ils veulent changer Vénissieux et garder la ville à gauche. C’est pour nous qu’il faut voter.

Sebastien Gonzalvez

Journaliste plurimédias. Rédacteur en chef à @BondyBlogLyon @HorsDesClous https://www.facebook.com/horsdes.clous

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