Kery James : « L’éducation est le nerf de la guerre »

Le rappeur est le parrain du Stars’Intercités 2015 dont les demi-finales étaient organisées ce vendredi au CCO de Villeurbanne. Fort de ses vingt ans de carrière et de nombreux succès, il se consacre activement à la jeunesse des banlieues avec son association A.C.E.S. L’artiste revient sur le tremplin artistique organisé par l’association FEDEVO mais aussi sur ses motivations quant à son initiative socio-éducative. Entretien.  

Que représentent les tremplins artistiques pour toi ?

J’en ai fait quand j’étais jeune notamment dans ma ville d’origine à Orly. J’y ai participé plusieurs fois. Comme j’en avais gagné quelques-uns, cela m’a permis d’entrer en studio. C’est donc par là que j’ai débuté.

Qu’as-tu retenu de ces demi-finales du Stars’Intercités ?

Les conditions n’étaient pas vraiment faciles pour faire un show. Le public était un peu éparpillé et composé lui-même de participants. Ce qui n’est pas vraiment idéal. Mais il y a eu des choses intéressantes. Ils étaient tous très différents. Ce qu’ils avaient en commun, c’était l’état d’esprit. Le groupe G7N qui passait en showcase a présenté un morceau que j’ai trouvé très intéressant.

Quel est cet état d’esprit ?  

Généralement, il y avait plus l’esprit hip-hop que rap. Je n’ai pas senti de tensions dans les paroles. Elles n’allaient pas dans le sens du courant qui domine aujourd’hui avec des thèmes comme la violence, le sexe ou la drogue. Au début de ma carrière de rappeur, j’ai commencé par la danse. C’était quelque chose qui nous permettait de nous éloigner de la rue ou de l’illicite. Et là, j’ai senti encore cette possibilité que le rap soit une alternative à certains choix de vie.

« Les jeunes sont confrontés à des sélections »

 

Tu as pris un certain recul dans ta carrière de rappeur. Que fais-tu en ce moment ?

Musicalement, je n’ai pas vraiment d’inspiration. On m’envoie des instrus mais je n’ai pas encore la motivation. J’écris un livre et un film aussi. C’est ce que j’ai envie de faire en ce moment. Je ne veux pas faire un disque pour des raisons financières.

Tu es très engagé au niveau de la jeunesse…

J’ai fondé l’association A.C.E.S (Apprendre, Comprendre, Entreprendre et Servir) en 2008. On fait du soutien scolaire et du financement d’études supérieures. On est en tournée depuis un an sur l’A.C.E.S Tour. Chaque fois que je me produis dans un endroit, je verse une partie de mon cachet pour financer les études d’un jeune en difficulté de cette ville et qui est choisi par un jury composé entre autres de l’acteur Omar Sy et de l’ancien footballeur Florent Malouda. Il y a une bourse d’études de 6000 euros. L’éducation c’est le nerf de la guerre. J’ai remarqué avec le travail de l’association que malgré les réalités sociales, les jeunes sont confrontés à un système de sélections. D’autres se mettent encore des barrières. C’est donc important de leur présenter d’autres exemples que des footballeurs ou des rappeurs à travers des gens qui ont réussi dans leurs études.

 

« Les chaînes de télévision ne s’intéressent pas à une telle initiative »

L’A.C.E.S. est un tremplin également mais plutôt social…

C’est vrai. On a un jury qui se réunit et étudie les dossiers. Parmi les membres, on a un professeur en sciences économiques et sociales à Drancy qui s’appelle Jeremy Fontagneu. Il installe un système très performant où il est derrière les élèves. Il a déjà réalisé 85 % au bac sur les deux dernières années. Son but est d’atteindre les 100 % de réussite. Il y a aussi Christel Bériot de l’Université de Cergy-Pontoise qui s’occupe des dossiers de bourses. L’équipe est vraiment performante et dévouée. D’ailleurs, on demande aux jeunes de nous préparer une vidéo de trois minutes où ils se présentent et se vendent. Ce qui n’est pas facile, mais on est bien dans le concept du tremplin.

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Une telle démarche peut-elle changer les mentalités ne serait-ce qu’au niveau politique ?

On espère que cela va changer les choses. J’essaie déjà de changer les gens que je prétends représenter. Je n’ai plus beaucoup d’espoir pour les autres. Par exemple, on essaie de réaliser un documentaire autour de ce projet et beaucoup de chaînes n’ont pas été intéressées. Voir des initiatives où l’on verse son argent pour aider des jeunes à sortir de la rue voir de l’extrémisme, non, ça ne les intéresse pas. La banlieue ne les intéresse que dans un seul sens !

Mohamed Braiki

Natif de Lyon et enfant des Minguettes, je suis diplômé de Lettres de la Fac de Lyon 2 et l’EFAP Rhône Alpes. J’ai roulé ma bosse dans des rédactions lyonnaises comme la radio Lyon Sport 98.4, Le Progrès, Foot 69.fr, Tribune de Lyon et Lyon Capitale. braikimohamed@yahoo.fr

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