[INTERVIEW] Agnès Marion, la sécurité avant tout – partie 2

Agnès Marion, tête de liste du Rassemblement National dans le 8ème arrondissement et pour la mairie de Lyon, a été interviewé par le Lyon Bondy Blog. Partie en tandem avec l’ex militant LFI France Insoumise Andréa Kotarac, elle nous explique sa vision et ses projets « Pour L’amour de Lyon », qui réunit le PCD et la Droite Populaire.

Partie 1 à retrouver ici.

Comment définiriez-vous l’identité lyonnaise ?

C’est toujours très difficile de définir une identité, car c’est quelque chose que l’on ressent. Lyon est une ville de paradoxe. Il y a ce côté très bourgeois, très centriste de la ville. Un peu conventionnel. À côté de cela, c’est une ville qui est aussi très rebelle. Elle a des marques qui sont très intéressantes, à l’extrême gauche comme à l’extrême droite d’ailleurs. C’est une ville qui a ce tampon très centriste puis à côté qui est très animée politiquement. Elle est souvent pleine d’enthousiasme. À droite ce sont les manifs pour tous, mais je sais également que la gauche est très active. Il y a une sorte d’émulation d’idées qui est d’ailleurs reconnue au niveau français. Je pense que derrière cet emballage un peu bourgeois, c’est une ville qui est très rebelle historiquement. Quand vous regardez la construction de la ville, elle s’est toujours construire en faisant tombé les pouvoirs en place. Au 13e siècle, c’était la période des rebènes, ce qui veut dire révolte en lyonnais. Ce sont les Lyonnais qui se révoltent contre l’église qui était le seigneur de la ville. Il y a des reprises de liberté permanentes à Lyon. C’est pareil contre la Terreur qui se fait à Paris. Les canuts contre les bourgeois ou la résistance qui a été très vigoureuse à Lyon. C’est une ville qui vaut plus que ces oripeaux un peu convenus, un peu bourgeois. Elle a de grandes qualités de ressource, d’innovation. On le voit dans des domaines techniques comme les frères Lumière, etc. Mais on le voit aussi dans l’inventivité dans ces combats-là comme les canuts, les luttes ouvrières, l’invention du catholicisme social qui était très neuf au début du XIXe siècle quand les bourgeois faisaient du paternalisme et infantilisaient la condition ouvrière.

C’est une ville qui est à taille humaine aussi, où les gens sont de bon sens, avec cette culture du consensus, mais qui n’est pas non plus une culture de résignation. C’est une ville qui est paradoxale. Plus on la côtoie, plus on l’aime.

Pour vous quelle est la place des associations dans la vie de la ville ?

On a un tissu associatif en France qui est très performant avec une capacité de financement qui est très particulière par les logiques de dons. J’aime bien cette logique de don, car si l’association trouve son public, elle se finance. Dans ce sens-là, je ferais pareil que la police ou pour les logements sociaux. Je souhaiterais faire un audit de ces subventions que l’on donne. J’en ai vu passer qui étaient totalement anormaux durant mon mandat dans le 7e arrondissement. Je me rappelle un club de boxe qui était de fait complètement tenue par des salafistes, pour moi c’est hors de question. Là-dessus je serais d’une extrême fermeté. J’ai vu d’autres choses aussi qui étaient un peu « déconnante ». Je me rappelle d’une association qui s’appelait « ground zero » qui avait occupé un site vacant. Au final la mairie avait fini par faire des travaux. C’est une association d’artistes, mais que l’on ait une politique sur les logements vacants pour savoir comment les utilisés je suis d’accord. Pas pour payer des artistes qui étaient anarcholibertaires et qui ne représentaient qu’eux. Si jamais ils avaient besoin de se financer, il fallait qu’ils se montent en association et qu’ils demandent des dons aux personnes qui veulent les soutenir, mais en aucun cas ne prendre un bâtiment de la ville. De plus, nous leur avons fait des travaux, alors qu’au départ c’était des squatteurs. Ensuite le bâtiment a été récupéré pour un autre projet. Du coup, pour pas complètement les vider, on les a relocalisés à Villeurbanne, je crois.

C’est pour cela que je veux faire un audit des associations. Un certain nombre d’associations sont des boîtes à sucres, c’est-à-dire des associations qui permettent d’entretenir une certaine clientèle qui convient bien aux élus, et l’argent du contribuable n’est pas fait pour ça.

Comment lutter contre la précarité étudiante ?

Nous souhaiterions réserver une partie des logements sociaux pour loger des étudiants. Nous avons tous en tête cet étudiant qui s’est immolé, ce qui est dramatique. Il faut accompagner ce public-là. Il faut aussi leur mettre un cahier des charges, il faut une responsabilisation mutuelle. Il ne s’agit pas d’entretenir des étudiants qui resteraient 25 ans à la fac. Le but n’est pas de trouver des systèmes conservatoires pour des gens qui n’ont pas spécialement envie d’évoluer. Je pense qu’il faut réserver une partie de ces logements pour les étudiants. Tout comme il faut en garder une partie pour les handicapés. Ils ont souvent beaucoup de mal à se loger, ce qui est dramatique. Pour ceux qui le sont depuis le départ, leur vie a été construite autour du handicap. Cependant, cela arrive par accident pour certains. Je pense à une jeune fille qui étudiait à l’ENS et qui s’est retrouvée là en fauteuil, et pour se reloger, cela a été une catastrophe dans Lyon. Il y a très peu de logements adaptés pour elle, en plus de son statut d’étudiante qui n’apporte pas de garanties financières. Je pense qu’il faut sanctuariser des places pour les personnes handicapées à hauteur de leur fragilité. Il faut aussi le faire pour les personnes victimes de violences conjugales, parce qu’il y a toujours des difficultés quand vous osez aller porter plainte.

Vous allez aider pour l’accueil de ces femmes ?

Je pense effectivement qu’il faut avoir des solutions qui soient de l’hébergement d’urgence pour le moment, et que derrière il y ait un dispositif qui permet d’accompagner la personne pour qu’elle trouve un logement plus pérenne. Il faut des logements d’urgences pour cela. Quand vous êtes bloqués avec des enfants, vous allez rarement porter plainte. Vous ne pouvez pas aller porter plainte et vous demander avec vos enfants : « et ce soir, où est-ce que l’on dort ? ». Soit vous avez des amis qui font le relais, mais cela est difficile, soit vous avez une solution avec un accompagnement.

Et concernant le logement des personnes âgées ?

Cela va être un vrai enjeu de société. C’est une politique qui dépend beaucoup de la Métropole. Nous pouvons en partager certaines compétences, mais elles concernent plus la Métropole. Je parlais avec un directeur de maison de retraite de la ville, et il me disait qu’il y a un vrai désordre dans la manière d’arbitrage, parce qu’il existe des lourdeurs de services. C’est quelque chose qui évolue très vite. On arrive aux « boomers » qui vont passer dans cet âge là. Il y a une sorte d’engorgement qui se crée. Je suis pour le fait de garder au maximum les personnes chez elles. Il faut avoir des services à la personne qui soit aussi des services mobiles. C’est à dire, au lieu de parquer ces gens dans les EHPAD, alors que bien souvent ils n’en ont pas envie et que c’est le meilleur moyen de les faire passer de vie à trépas. Je pense qu’il est important d’être entouré par ce qui a marqué notre vie. Je crois beaucoup au service mobile qui est là pour les repas, les soins, etc. Il est inadmissible dans les immeubles qu’il y ait des personnes âgées dont on n’a pas de nouvelle. On souhaiterait mettre en place des « maisons des familles » que l’on partagerait. Ce ne serait pas nécessairement comme les anciennes maisons du Rhône, ce serait beaucoup plus large que cela avec la Ville et la métropole, pour accompagner les personnes de l’enfance à l’âge sénior. Cela permettrait aussi de remettre en relation les gens. C’est ce qui manque dans les grandes villes. Dans les immeubles, on a les jeunes qui partent à 7 h du matin et qui rentrent à 20 h, ils ne connaissent pas leurs voisins. Ce n’est pas une fête des voisins, une fois par an, qui va solder cette chose-là, ce n’est pas possible. Paradoxalement, l’enchainement de leur vie ne leur permettent pas, mais à côté les gens ont envie d’avoir du lien et de s’occuper des uns des autres. On sent qu’il y a une vraie demande.

D’ailleurs, c’est quelque chose que l’on a bien senti sur les rondpoints de gilet jaunes. Au-delà des revendications qui étaient très matérielles, les gens étaient contents de se retrouver parce qu’ils retrouvaient du lien social. J’avais fait quelques rondpoints et ce qui est incroyable c’est que les gens se disaient : « Enfin, on se parle ». La découverte est que les gens ont vu qu’ils avaient des choses à se dire. Je crois beaucoup ça. Il faut absolument avoir la possibilité de remettre les gens en contact. J’aimerais que ces Maisons du Rhône fassent cela et certifie le contact. J’aimerais bien que ces maisons du Rhône, au-delà de l’aspect très institutionnel de ce qu’elle fait actuellement comme reverser les dispositifs d’aide et mettre en contact avec les assistantes sociales, qu’elles soient là aussi pour mettre en contact les lyonnais et certifier ce contact.

Sur la petite enfance, il y a un vrai déficit de nourrices à Lyon. Que proposez-vous ?

Souvent ce sont plus des petites collectivités qui font cela, qui mettent en place des crèches et EHPAD dans les mêmes sites, ou des cantines partagées. Ce sont des choses que l’on souhaite développer, toujours dans cette notion de transmission. C’est très intéressant que les enfants aillent dans les maisons de retraite, par exemple pour apprendre des chansons avec les personnes âgées. On a plus de chant populaire maintenant. Avant, il y avait des registres de chant, de droite ou de gauche, mais tout le monde avait son référentiel commun. J’aimerais favoriser les lieux intergénérationnels.

Pour les crèches, il y a un gros problème. Il y a des arrondissements qui se vident de familles parce que les prix ne correspondent plus au standard de confort qui sont proposés. Il faut construire des crèches ou tout du moins faciliter. C’est très compliqué de monter une crèche. Il y a un nombre de normes à respecter qui est hallucinant. Cela est le problème français qui fait qu’avant d’arriver à faire quelque chose, il y a un nombre d’obstacles tellement élevé à passer qu’il y a de quoi se décourager.

Vous proposez un référendum d’initiative local, pouvez-vous nous expliquer son fonctionnement et les sujets qui pourront être proposés ?

C’est une vieille mesure que l’on a. Elle a été portée par les gilets jaunes, mais on l’avait déjà en 2014 dans notre programme. L’idée est qu’à partir du moment où des lyonnais s’emparent d’une question et arrivent à trouver une partie du corps électoral (10 %), que l’on puisse l’inscrire à l’ordre du jour du conseil municipal parce que c’est une question d’intérêt général. Je pense à l’exemple des commerçants en colère de la presque — île ou avec le problème des bacs à fleurs qui coûte très cher. L’idée est d’associer les Lyonnais aux décisions. Il y a une sorte de contresens historique avec la Métropole qui est entrains d’aspirer tous les pouvoirs de la Mairie de Lyon et de toutes les petites communes des villes alentours, même si Lyon est un mastodonte et pourra en garder. Quand vous êtes à Saint-Germain-au-Mont-d’Or, c’est moins gagner. D’ailleurs, ils ne seront même pas représentés dans la métropole. On est entrain d’éloigner les centres de décision des citoyens, et nous l’avons vu avec l’épisode des gilets jaunes, ce qui est demandé est de la proximité. Au-delà du Référundum d’initiative Local, l’idée est de redonner du pouvoir et des décisions aux arrondissements afin qu’il ne soit plus le seul rôle consultatif actuel.

Les Lyonnais doivent participer à l’administration de leur ville et pas seulement apprendre que tout d’un coup le forfait stationnement est passé à 60 euros par jour, cela n’est plus du tout possible. Le problème est le niveau de colère qui monte à tout niveau. On le voit avec la grande vague des gilets jaunes qu’il y a un grand mouvement de colère, mais il y a même des choses plus inédites comme la Presque-ile en colère. Ce n’est pas un public très défavorisé au départ, mais qui n’en peut plus. À force de mépriser la vie des gens qui sont l’objet des décisions qui prend en au lieu, au bout d’un moment tout ça va craquer. Il faut se méfier des rébellions lyonnaises.

Par rapport aux écoles, quels sont vos projets ?

Au-delà du privé, sur lequel on pourrait regarder comment se passe le dispositif, même si je ne le trouve pas particulièrement injuste. Il y a une histoire de quotient familiale qui est prise en compte. Ce que je voudrais est que dans les cantines on mange local. Il y a des agriculteurs dans la Métropole de Lyon vers Solaize ou Serge la valay, et je voudrais que ça soit cette nourriture-là qui atterrit dans l’assiette de nos enfants. Il faut favoriser les entreprises locales dans la commande publique. Je veux qu’on arrive à 90 % de produits locaux. C’est ce qui me parait de l’écologie du bon sens. C’est-à-dire l’impact carbone de viande qui arrive du Brésil, elle est peut-être payée moins cher, mais elle est payée autrement.

Concernant le périscolaire, je souhaite qu’il soit une poursuite de l’école et qu’il permette aux familles d’assoir les savoirs fondamentaux de l’enfant, sous des modes de jeux et de manière plus récréatives. Il faut que cela poursuive l’instruction de l’enfant dans les domaines d’écrire, lire, compter, et aussi dans l’apprentissage de l’Histoire. On est les héritiers d’une Histoire commune, on peut avoir une projection commune dans l’avenir.

Comment voyez-vous Lyon dans 10 ans ?

Dans le meilleur des cas, j’imagine une ville où tous les Lyonnais cohabitent. Il faut que Lyon soit Lyon. Je voudrais que dans 10 ans, si je vais dans Lyon, je retrouve des petites boutiques qui mettent en avant nos créateurs lyonnais. Nous en avons pleins. Nous pouvons assoir notre héritage en matière de tissus. Favoriser les petites enseignes plutôt que les grands groupes où il y a une uniformisation des populations marchandes et de la population, parce que cela fonctionne aussi ensemble.

 

La rédaction

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