Infiltration au coeur des discriminations ordinaires

L’émission polémique « Les Infiltrés » présentait hier soir un reportage en caméra cachée sur les discriminations en France. Critique.

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« Mieux vaut être riche, blanc et bien portant, que pauvre, noir et mal fichu ». Voilà, en substance, ce que démontrait le nouveau reportage des Infiltrés, diffusé hier soir à la télé. Après avoir créé la polémique à plusieurs reprises, notamment pour avoir dénoncé des pédophiles repérés lors d’un reportage, l’émission a choisi de s’infiltrer, cette fois, dans les bureaux d’agences immobilières ainsi que dans ceux de boîtes d’interim ou encore, dans les cabinets de médecins parisiens. Toujours en caméra cachée et sous de fausses identités, la journaliste « a tenté de comprendre comment se jouaient les discriminations au quotidien ».

Age, couleur de peau, sexe, revenu… tous les critères de discrimination y passent. Première expérience d’infiltration : le stage dans une agence immobilière. Sous un faux nom, la reporter envoie une série de CV et de lettres de motivation expliquant vouloir se reconvertir dans l’univers de l’immobilier, après plusieurs années d’expériences en RP. Le stratagème fonctionne. Elle finit par recevoir une réponse positive et commence alors un stage d’observation qui durera 2 mois. Au cours de ces semaines, elle se heurtera à plusieurs cas de discrimination flagrants. Celui de l’étudiante italienne dont la caution se trouve à l’étranger, celui de la mamie retraitée qui, malgré ses revenus confortables, serait plus « difficile à expulser en cas de loyer impayé », et enfin, celui d’une jeune femme d’origine africaine qui, malgré un bon salaire, ne « convainc » pas le responsable de l’agence. « Elle est black de chez black ! Mais bon elle avait un nom français. En même temps, pour cet appart, c’est folklo. Y a que des kamel Ouali et compagnie… Elle me semble être la plus civilisée… ». Voilà, en résumé, les paroles du chef d’agence que la journaliste a pu discrètement enregistrer. Le pompon de l’émission en quelques sorte !

C’est désormais au tour des agences interim d’en prendre pour leur grade. Trois grosses enseignes seront « testées » par la reporter. Encore une fois, les journalistes de l’équipe filment en caméra cachée et se présentent comme étant les patrons d’une société de vente d’appareil quelconque. Ils font comprendre sans détours à l’employé de l’agence intérim qu’ils ne souhaitent embaucher que des hommes plutôt jeunes et plutôt blancs. Sur les tois agences testées, seule une leur expliquera clairement que ce type de critères de sélection est interdit par la loi. Réponses des deux autres : « Non mais je comprends tout à fait. En revanche, je le note pas, c’est interdit. Je le note pas mais je l’ai entendu… »

Après le logement, l’emploi, place à la santé. Dans les grandes villes, l’on sait que certains médecins refusent les patients sous Couverture Maladie Universelle. Pour en avoir le cœur net, l’équipe de l’émission a testé près de 150 praticiens. Vingt-quatre ont effectivement émis un refus.

En quelques semaines d’enquête, les Infiltrés ont filmé ce que tout le monde savait déjà mais sans forcément se l’avouer. Si ce reportage a le mérite de mettre en lumière des cas de discriminations ordinaires, l’on peut tout de même se poser la question de la méthode. Est-ce qu’un journaliste est légitimement en droit d’user de tels procédés pour montrer une réalité ? Là aussi, un nouveau débat se joue dans la fabrication de l’information. Ce sera aux journalistes mais aussi aux citoyens de déterminer si, oui ou non, l’infiltration est un domaine réservé à la police ou si, dans certains cas, il peut être éprouvé dans l’univers des médias.

Auteur : Pascale Lagahe

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