Contre la déchéance de nationalité, une posture éthique

Personne ne sait quel sera exactement le contenu de ce projet de loi. Pourtant, via les déclarations des politiques de tous bords et le battage médiatique qu’elle a généré, la proposition de réforme de la constitution sur la déchéance de nationalité fait le buzz. Dans la levée de boucliers qui s’en est suivie, la Maison des passages (association de rencontre interculturelle dans le Vieux Lyon) s’est associée au « Collectif pour une politique de la relation » afin de lancer une pétition au début du mois pour s’opposer à une réforme « qui stigmatise une fois de plus les Français binationaux comme illégitimes ou suspects et l’ensemble des étrangers comme ennemi potentiel ».

La Maison des Passages a lancé sa pétition au début du mois en parallèle à de nombreuses autres initiatives sur le même sujet (on peut par exemple citer le collectif jamais déchu(e)). Cependant le collectif tient à souligner ses activités autour de la pétition. « On propose la rencontre des cultures, de découvrir — ce qui dans l’histoire fait sens commun ».

Pour Bruno Guichard, président de La Maison des Passages, et plus généralement pour le collectif, il est nécessaire de s’opposer à ce projet de loi. Premièrement parce qu’il va à l’encontre de la philosophie de leur association, en privilégiant la réaction sécuritaire, voire identitaire à une véritable politique de la relation. Il ajoute que c’est une démarche favorisant une politique d’exclusion beaucoup trop délétère pour le pays. D’autres solutions sont possibles, et l’ouverture à l’Autre semble être une réaction bien plus adaptée que ce genre de réponse symbolique. Enfin, M. Guichard souligne que « cette idée-là est issue du programme du front national. On est avec un gouvernement de gauche qui va piocher dans le programme du FN. »

Réponse symbolique ?

En créant une mesure supplémentaire visant à sanctionner les auteurs de crimes terroristes, le gouvernement répond au choc émotionnel créé par les attentats sur un versant symbolique plus que pour une nécessité judiciaire ou juridique. Selon M. Guichard ce projet remet en cause ce qui construit notre République. Pour lui la démarche est en désaccord avec le premier article de la constitution. Une partie de la population se retrouve ciblée selon ses origines, ce qui est une atteinte à l’égalité des droits. Rappelons que la France était, en 2010, le 5ème pays européen à célébrer des mariages mixtes avec 21 % des unions célébrées.

L’idée d’égalité devient une notion précaire quand une partie de la population se retrouve ciblée par une réforme, constitutionnelle qui plus est. La constitution est ce qui forge l’identité d’un pays, c’est le socle de son système judiciaire, la base d’un État de droit. Comment peut-on concorder la Déclaration des droits de l’homme avec cette démarche, remarque M. Guichard. La maison des passages ne nie pas qu’il y ait des questions sécuritaires nécessaires en France, mais « l’urgence viserait plutôt à fabriquer un véritable vivre ensemble, laïc et socialement reconnaissant de la diversité de notre société. »

« On est dans une démarche éthique là, pas politique »

Cela fait consensus, la proposition est symbolique. De plus elle pose la question d’une politique infléchissant ses décisions et ses actions sur du court terme. Il est certes important pour le gouvernement de répondre au malaise et aux inquiétudes qui traversent la population suite aux évènements de l’année qui vient de s’écouler. Cependant ce type de réaction tend à cristalliser un climat de crainte et de tension vis-à-vis des différentes communautés vivant sur le territoire. Bruno Guichard rappelle d’ailleurs l’angoisse qu’il a pu constater dans les quartiers où il intervient, et qui sillonne actuellement.la toile de fait divers.

Le but ici n’est pas de tomber dans le pathos ou la stigmatisation de masse. On ne sait pas encore vraiment à quoi va ressembler cette réforme de la constitution et comment, si elle est acceptée par le parlement, elle sera mise en application. Cependant, sur un point de vue éthique elle semble d’ores et déjà en désaccord avec le fondement même de la constitution qu’elle vise à faire évoluer.

Pour signer la pétition en ligne

 

5 réflexions sur « Contre la déchéance de nationalité, une posture éthique »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *