Bamba Dof : « On peut toujours rire de tout »

Bamba Dof est un jeune humoriste lyonnais qui s’est lancé en mars 2019. Étudiant en psychologie, il témoigne sur sa vision de l’humour aujourd’hui et sur son évolution.

Lyon Bondy Blog : Pouvez-vous nous parler de votre spectacle ?

Bamba Dof : Mon spectacle, « Bamba au rhum » parle de ce que je connais, du haut de mes 19 ans. Je parle surtout de ma famille, de mes années à l’école et de mon métissage puisque je suis à moitié sénégalais. Pour le nom de mon spectacle, j’avais pris contact avec un programmateur de salles et j’ai joué au « Contrepoint » une petite partie de mon spectacle. Le soir, le directeur artistique de la salle m’a dit d’appeler mon spectacle « Bamba au rhum ». Il trouvait ça drôle comme je ne bois pas d’alcool. Je n’ai vraiment pas aimé, mais après réflexion je me suis dit que c’était pas mal en fait !

LBB : Réussissez-vous à allier études et humour ?

B.D : J’y arrive, mais c’est compliqué parce qu’on a un peu l’impression de faire les deux à moitié. Je sors de cours, je vais en interview, c’est génial ! Je ne vois pas mes études comme un plan B, c’est quelque chose que j’ai envie de faire. J’ai autant envie d’être sur scène que de continuer mes études. J’aime apprendre tout ce qui me passe sous la main, et continuer les études me permet de découvrir tous les jours des trucs géniaux auxquels je n’aurais jamais pensé.  Ça complète bien ma façon de vivre. En tout cas, je n’ai pas de priorité pour l’instant.

LBB : Pourquoi avez-vous voulu vous lancer dans l’humour ?

B.D : Depuis tout petit, je rêve de monter sur scène et de faire rigoler les gens. J’étais fan de Jamel Debbouze et si je ne l’avais pas vu sur scène, je ne sais pas si je l’aurais fait. Puis j’ai eu un déclic quand j’étais en première, je sortais du lycée, je rentrais chez moi et je ne faisais rien. Je voulais arrêter ça et je me suis dit que j’avais l’âge pour me lancer, même si j’étais un peu jeune ! J’ai donc écrit mon premier spectacle et je suis monté sur scène. Mais j’avais tellement peur que je n’en ai même pas parlé à mes parents. Mon père ne sait toujours pas que je fais des spectacles !

LBB : Pensez-vous, comme on entend souvent, qu’on ne peut plus rire de tout aujourd’hui ?

B.D : Je ne suis pas d’accord avec ça. On peut rire de tout, mais il y a trop de paramètres à contrôler et c’est impossible. On ne peut pas comparer aujourd’hui à avant, c’est comme dans la musique. Les gens comparent le rap de maintenant au rap des années 90 en disant qu’avant, il y avait des vrais textes, de la vraie musique. Les gens regardent juste au mauvais endroit. Il y en a qui font les mêmes sons que dans les années 90, mais on n’a plus envie d’écouter de la musique des années 90 faite après les années 90. C’est pareil pour l’humour.

LBB : Vous comparez le rap avec le stand-up ?

B.D : Oui, le rap et le stand-up ont été créés pour dénoncer. Dans le stand-up, il y a toute une notion de musicalité qu’il n’y a pas forcément dans le théâtre ou des choses comme ça. Le stand-up est un art très beau, mais il est trop souvent rabaissé au fait que ce sont des mecs de cité qui n’ont jamais fait d’études et qui racontent leur vie en essayant de faire rigoler les gens. Si on étudie les textes de ceux qui font du stand-up, je suis sûr qu’on trouverait des choses magnifiques.

LBB : Avec toutes ces affaires de plagiat, notamment Gad Elmaleh, est-ce toujours possible d’être original aujourd’hui ?

B.D : Gad Elmaleh est une personne qui m’a beaucoup inspiré au début. Ça m’énerve vraiment d’apprendre que ce qui m’a fait le plus rire, il l’a pompé sur un autre, mais ce qui m’énerve le plus, c’est sa mauvaise foi. Mais le plagiat a toujours existé, sinon on n’aurait jamais inventé la propriété intellectuelle. C’est dommage qu’on en arrive à ce que l’art soit sujet à autre chose qu’à l’innovation. Il faut que j’écrive quelque chose qui se démarque de ce que j’ai fait, mais je me dis rarement qu’il faut que je sois original.

LBB : Et donc, à l’opposé du plagiat, vous êtes-vous déjà censuré pour votre spectacle ?

B.D : Oui, je me suis déjà censuré, mais je ne crois pas en la censure. Je pense que si on se censure, c’est par peur de ne pas l’assumer. Mais je m’en fiche de ce que pensent les gens de moi, je fais ce que j’ai envie de faire et je me fie très peu au regard des autres. Si je me suis censuré, c’est justement parce que j’avais peur de ne pas assumer ma blague. C’est comme pour mon métissage : si je fais une blague sur les noirs, ça sera drôle, mais si je fais une blague sur les blancs, ça sera du racisme.

LBB : Est-ce qu’aujourd’hui, vous pensez qu’il y a besoin des réseaux sociaux pour réussir ?

B.D : Le plus dur aujourd’hui, c’est de se former un réseau. Et se faire un réseau uniquement via le spectacle vivant, c’est presque impossible. Il faut aller voir les gens dans la rue et leur donner des tracts. Maintenant, grâce aux réseaux sociaux, il n’y a même plus besoin que les gens viennent aux spectacles. Après, sur tous mes abonnés Instagram, il y en a à peine 30 qui sont venus me voir en spectacle. Mais ce qui est dommage c’est que les programmateurs ne regardent plus le talent, mais le réseau que l’on peut ramener. J’ai peur que l’on s’intéresse de moins en moins au talent et de plus en plus à l’argent que l’on peut ramener.

LBB : Les réseaux sociaux sont donc à double tranchant ?

B.D : Je pense. Ce qu’on aime, nous les êtres humains, c’est le contact social. On est fait pour vivre avec les autres et, de plus en plus, les écrans remplacent les humains. Entre la télévision qui devient le centre du foyer et les réseaux sociaux, il y a une dématérialisation du contact humain et je trouve ça horrible, ça me dégoûte. On me dit que je suis de la génération Internet, mais je n’ai aucune envie d’être assimilé à ça. On a besoin du contact humain et il n’y a rien de mieux que de pouvoir assister à un spectacle en réel.

LBB : Vous avez des projets futurs en tête ?

B.D : Je n’arrive pas à voir sur le long terme et je suis incapable de dire ce que je ferai l’année prochaine. À côté des spectacles, je fais beaucoup de choses et je fais partie d’une association qui s’appelle « Donner des ailes » . Elle est formidable et aide les plus démunis, distribue des repas chauds, des vêtements et organise des voyages alimentaires, comme en Algérie cet été.

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