À Lyon, le mouvement zéro déchet balance sur les prospectus

Un groupe Facebook « Balance ta pub Lyon » entend lutter contre les prospectus qui sont distribués dans les boites aux lettres munies d’un « Stop pub ». Ils se servent du réseau social pour interpeller directement les annonceurs.  

 

Mettre le projecteur sur les prospectus, pour dénoncer le non-respect de la volonté de celles et ceux qui n’en désirent pas. C’est ce qu’ont décidé de faire des militants du mouvement zéro déchet à Lyon en créant un groupe Facebook intitulé « Balance ta pub Lyon ».

Le principe ? D’abord prendre en photo les imprimés publicitaires reçus dans sa boite aux lettres malgré l’autocollant « Stop pub » apposé dessus, puis poster la photo sur le groupe. Enfin, taguer les enseignes figurant sur les publicités, pour être sûr qu’elles reçoivent le message de mécontentement. Le tout publiquement, pour attirer le plus possible l’attention.

Inspiré d’une initiative strasbourgeoise, le groupe a été lancé en janvier par des membres de l’association Zéro Déchet Lyon. Ouvert à tous, il compte aujourd’hui plus de 220 membres, adhérents de l’association ou simples sympathisants de la cause du zéro déchet. De nouvelles photos de prospectus sont publiées quotidiennement, témoignant de ce que beaucoup appellent « leur récolte du jour ».

Christine Le Guilloux, bénévole de l’association et administratrice du groupe, admet « qu’il ne faut pas noircir le tableau » au sujet de ces publicités car « les ″Stop pub″ sont de plus en plus respectés » par les distributeurs. Pourtant, ces photos postées journellement attestent que « c’est encore loin d’être toujours le cas ». D’où, pour elle, l’intérêt d’agir : « on veut pointer du doigt justement ceux qui s’en moquent, rappeler que le ″Stop pub″ n’est pas uniquement là pour faire joli, il est l’expression d’une volonté qui doit être respectée ».

 

Jusqu’à 450 € d’amende

C’est aussi l’occasion pour l’association de rappeler que les dépôts d’imprimés publicitaires dans une boîte aux lettres arborant le petit autocollant constituent une contravention, passibles d’une amende de 450 €. En tout cas selon l’analyse que fait l’association Zéro Waste France du code pénal et de son article 633-6. Celui-ci mentionne :

« Est puni de l’amende prévue pour les contraventions de 3ème classe le fait de déposer, d’abandonner, de jeter ou de déverser, en lieu public ou privé, […] des ordures, déchets, déjections, matériaux, liquides insalubres ou tout autre objet de quelque nature qu’il soit, si ces faits ne sont pas accomplis par la personne ayant la jouissance du lieu ou avec son autorisation ».

Les membres du groupe sont aussi incités à contacter par email ou téléphone les annonceurs, pour redoubler la force du message. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Martin, 25 ans, chargé de projet dans le milieu associatif. Soucieux de l’environnement, il a rejoint le groupe il y a quelques semaines parce qu’il cherchait « depuis longtemps une solution au problème du non-respect de [son] ″Stop pub″ ». Il a contacté directement une entreprise et il a eu un retour qu’il juge positif : « j’ai pu joindre le community manager de la boite, qui s’est excusé et m’a dit qu’il allait faire passer le message à son prestataire ».

D’autres semblent moins réceptives : « certaines entreprises locales m’ont répondu que je serais bien contente d’avoir le prospectus le jour où j’aurais besoin d’une pizza ou de vendre un bien immobilier », peste Christine Le Guillou.

L’embarras des entreprises locales

Car pour les professionnels, la question est sensible. Surtout chez les petites entreprises locales qui veulent se faire connaître en proximité et qui ont recours aux flyers comme mode de communication. Prises entre un outil perçu comme incontournable et la conscience des désagréments qu’il peut engendrer, certaines s’interrogent.

Frédéric, un professionnel de l’immobilier venu sur le groupe donner son point de vue, déclarait ainsi : « au sein de l’agence que je représente, nous essayons de minimiser les nuisances papiers dans les boîtes aux lettres, mais nous ne pouvons totalement nous abstenir […]. Mon dilemme est celui-ci et peut paraître cynique, mais si mon agence décide de ne plus distribuer et que nos concurrents continuent, quelles autres solutions pour communiquer aux propriétaires nos services et opérations ? » Des propos qui entrainèrent une discussion cordiale avec d’autres membres du groupe.

Joint ensuite par téléphone par le Lyon Bondy Blog, il rajoute : « le problème c’est que rien ne vaut la prospection de proximité et de terrain, même la pub sur les réseaux sociaux. Et c’est sans doute encore plus vrai pour les PME locales, les restaurants, etc., qui eux n’ont pas forcément d’autres moyens que le flyer pour se faire connaitre ». Une situation qui peut inciter certains à glisser un prospectus dans les boites aux lettres de ceux qui pourtant n’en veulent pas. Frédéric en tout cas s’en défend : « lorsque nous faisons nous-mêmes la distribution de nos flyers, on ne met rien s’il y a un ″Stop pub″ ».

De leur côté, les deux entreprises leaders de la distribution d’imprimés publicitaires, Adrexo et Mediapost, qui travaillent notamment avec les grandes marques, restent elles droites dans leurs bottes. Elles adoptent la même ligne de défense : ce sujet n’est pas nouveau et le respect des ″Stop pub″ est une priorité. Chez Adrexo, « des consignes sont données en ce sens aux agents, elles sont rabâchées, ressassées. Nous sommes très stricts là-dessus car il s’agit du respect du consommateur », nous répond Stéphanie Grodard, directrice Marketing de l’entreprise.

« L’image de votre société en prend un coup »

Et face aux commentaires de certains qui accusent les distributeurs de « boiter » même dans les boites aux lettres munies d’un « Stop pub », elle réplique que ce n’est pas dans l’intérêt de l’entreprise : « notre but est que l’imprimé publicitaire de notre client soit apprécié. Si on le met dans les mauvaises boites aux lettres, on va avoir l’effet inverse ».

Un avis que partagent bon nombre de membres du groupe, dont un qui souligne le fait qu’« outrepasser cette étiquette [Stop pub, ndlr] ne peut avoir qu’un effet négatif sur moi, en aucun cas je ne changerais d’avis et l’image de votre société en prend un coup ». Frédéric, l’agent immobilier, se dit au demeurant aussi convaincu de l’effet « contre-productif » que cela peut engendrer.

Dès lors, le respect du « Stop pub » serait-il dans l’intérêt de tous ? Il est certain en tout cas qu’il en va de l’intérêt de l’environnement. Les pouvoirs publics rappelaient que 800 000 tonnes d’imprimés publicitaires ont été distribués au total en 2015. Soit 30 kg par foyer, qu’il faudra recycler ou incinérer avec les ordures ménagères, ce qui représente un coût à la fois financier et environnemental.

Or, l’ADEME estime que les « Stop pub » ont un fort potentiel pour éviter la production de déchets à la source. Dans une étude de 2016, elle indique que ce simple autocollant permettrait de réduire de 13 kg la quantité de déchets produits en un an par une personne. Ce qui aurait en plus un effet ″boule de neige″ positif : « en réduisant la quantité de prospectus papier distribués, il permet à terme de réduire aussi l’impression de prospectus. Dans ce cas de figure, l’ensemble des impacts associés au cycle de vie du prospectus sont évités : sylviculture, fabrication du papier, impression, conditionnement, distribution, fin de vie ».

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