Sourd-malentendant et directeur musical !

Portrait de Johan, sourd-malentendant de naissance qui va progressivement compenser son handicap en s’extériorisant grâce à la musique. Découvrez son parcours tout en percussions.

En me rendant sur la place des Charpennes vendredi dernier, pour mon rendez-vous avec Johan Lloret, je me demandais comment cet homme sourd-malentendant de naissance avait bien pu faire pour devenir aujourd’hui directeur musical d’un groupe de percussions. Est-ce une manière différente de ressentir dans son corps ce que l’ouïe ne capte plus ? Lorsque j’arrive à sa rencontre, Johan vient de sortir d’un cours de percu qu’il donne à des jeunes : « Des basses et des aigus, ce qu’un sourd perçoit le plus facilement. » Profitant du beau temps à la terrasse d’un café, il se met alors à me raconter son parcours.

Le 19 mars 1971, à Oullins, Johan naît prématurément. Son poids exceptionnel de 700 gr sera la cause d’une perte d’audition de 50 %. Inscrit dans des écoles traditionnelles jusqu’à l’âge de 15 ans, sa scolarité est difficile et chaotique. Alors pour pallier à sa surdité, Johan trouve une autre passion : il s’exprime à travers le dessin en intégrant l’école Émile Colh, à Lyon, dans le cadre d’une formation professionnelle. Il parviendra au niveau de peintre illustrateur.

En fin de compte sa surdité n’est pas un handicap rédhibitoire. En tant que fils de musicien, il développe d’autre sens et s’oriente vers la batterie, la percussion – qu’il pratique depuis la petite enfance. S’il concède qu’en général « un malentendant est plutôt replié sur lui-même », il n’en est pas de même pour lui : dès l’âge de 16 ans, Johan s’extériorise tout doucement, commence à se produire sur scène. À 20 ans, on le repère et lui propose d’intégrer un groupe en tant que batteur. De ces différentes rencontres et sa curiosité d’élargir ses connaissances musicales, il trouve la motivation pour travailler plus particulièrement les percussions (orientales, africaines, latinos, brésiliennes).

Puis c’est au tour de cet ancien élève en échec scolaire de devenir professeur : « La première fois que j’ai donné mon 1er cours de batterie, il fallait transmettre mon savoir, s’exprimer en public… » Il pensait alors qu’il ne pouvait pas apporter aux autres. Mais passées les premières angoisses, il réussit à surmonter ses difficultés en encadrant un groupe en tant que chef d’orchestre. De caractère introverti, Johan dit encore aujourd’hui que « l’handicap du sourd, c’est le doute, le manque de confiance » et c’est seulement au moment où il a commencé à transmettre, qu’il s’est senti capable d’apprendre aux autres, de s’extérioriser. Il s’aperçoit alors qu’il existe pour les autres.

En 1996 et 1998, lors des défilés de la Biennale de la danse, on lui confie la responsabilité de former l’équipe musicale de percussions du quartier de la Croix-Rousse. En parallèle, on lui propose d’animer différentes structures associatives ou des centres sociaux, des espaces jeunes, périscolaires… En 2002, Johan est engagé par la salle des Rancys avant d’être engagé en 2006 par la Ville de Vénissieux. On lui propose d’être responsable de la direction musicale (compositeur, arrangeur, formateur).

Mais cette responsabilité ne l’a pas écarté pour autant de ces jeunes qui, comme lui, contournent leur handicap par une activité artistique. Il continue de donner des cours hebdomadaires à des jeunes adolescents non-voyants et handicapés au sein de différentes structures : Grapillon à St-Foys-les-Lyons et à l’École des aveugles de Villeurbanne. Il encadre ces groupes avec l’aide des éducateurs spécialisés, pour former unebatucada (percussion brésilienne). Un contact enrichissant qui demande plus de subtilité et de patience.

Ce sont ce genre d’expériences qui lui ont permis de devenir aujourd’hui directeur musical du groupe de percussions Bandana, tout en continuant son parcours de batteur au côté d’autres artistes. Qui aurait pu croire un jour qu’il vivrait maintenant entièrement de la musique !

Par Miriame Chorfa

Pour retrouver les liens de ces groupes :

www.batucadabandana.com

www.grupocamba.com

 

La rédaction

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