Saci Laidi ou l’art de marier les cultures

Saci Laidi a l’art de mélanger harmonieusement les genres et d’établir un pont artistique entre cultures françaises et maghrébines. Rencontre.

La première fois que j’ai vu une peinture de Saci, j’ai été pour ainsi dire troublée. C’était à la Maison de Quartier de la Darnaise aux Minguettes (Vénissieux). A cette époque, il y a près de deux ans, j’étais à la recherche de mon passé, de mes origines, ici, en France. Le tableau en question représente un arbre. Au niveau des branches figure la moitié d’une phrase: « Quand on ne sait pas où l’on va… » et sous le tronc « …qu’on sache d’où l’on vient ». Ce tableau exprimait ce que j’éprouvais, le sentiment d’être issue d’une éternelle  génération « zéro » qui ignore tout ou presque de ces origines en France.


Le temps passant, je n’y ai plus pensé jusqu’au jour où je rencontre par hasard, il y a quelques semaines, le fameux peintre. Je lui parle du tableau qui m’a marqué. J’apprends que c’est dans le cadre d’un atelier caligraphie mené à la Maison de Quartier qu’il a été conçue. J’apprends également que son atelier se trouve à deux pas de chez moi et que je passe tout les jours devant sans le savoir. Je décide d’aller y faire un tour. Son atelier se trouve au dessus de la boutique de retouche de vêtements de sa femme. Lorsque j’entre, il est en train de faire un portrait à partir d’une photo: « C’est pour une commande ».

Le premier sujet qu’il évoque est l’atelier dans lequel il collabore: « L’atelier existe depuis 2004 mais il risque de disparaître » dit-il d’un air inquiet. « Il y a huit inscrits, des adolescentes et des mamans. Grâce à ces séances, elles arrivent même à reproduire les Tournesols de Van Gogh. Elles arrivent rapidement à faire des toiles. D’abord pour chez elles mais depuis elles en font cadeaux ».

Je lui demande comment la peinture est venue à lui: « C’était à la fin des années 1970, nous étions un groupe de copains. On s’entraînait à peindre, c’est venu comme ça, l’un entraînant l’autre. On s’est retrouvé à la Maison des Jeunes à M’Sila, en Algérie. On a appris à peindre tout seuls. Un jour j’ai été invité à un mariage à M’Sila. J’ai retrouvé dans la salle un tableau que j’avais peint il y a vingt-six ans, ça m’a fait bizarre ».

Je jette un coup d’oeil de temps en temps sur les toiles accrochées sur les murs et commence à m’évader en regardant les paysages désertiques de sa région natale :
« On peignait ce qui nous manquait. Je viens d’une région semi-désertique. Alors on peignait des fôrets, la végétation qu’on n’avait pas. Aujourd’hui, mon désert me manque alors je le peins. J’ai toujours peint ce dont je rêvais ».

                                                       

Je lui demande alors depuis combien de temps il vit en France:
« Je suis arrivé en 1998. J’étais prof de français en Algérie. Arrivé ici, j’ai mis la peinture en veille pendant environ six ans. Il fallait que je gagne mon pain. Je vivais d’abord à Lille. Le temps de s’installer, il fallait trouver une situation stable et valider mes compétences dans le domaine de l’enseignement. Je suis devenu professeur pour adulte en Français Langue Etrangère (FLE). J’ai commencé à Lille puis à Lyon. J’ai travaillé dans beaucoup de structures. C’est un métier précaire car l’action n’est pas toujours reconduite. J’ai plusieurs casquettes mais à force je n’ai plus de casquette ».

« Mais vous êtes peintre! lui dis-je... « Oui, mais je donne aussi un coup de main à ma femme dans son entreprise, je m’investis beaucoup. J’ai eu deux vies : là-bas pendant quarante ans et ici depuis. Je compare les deux vies, ça devient de mieux en mieux là-bas qu’ici. J’y ai ma famille et ici ce n’est pas un monde qui est fait pour moi. Mais tout le monde ne pense pas comme moi, ça pourrait choquer d’ailleurs, par rapport aux Harragas par exemple. Ce sont les jeunes qui partent. Ils rêvent de paillettes mais en arrivant ici. le rapport au temps n’est pas le même, tout le monde est stressé ici ».

Comment êtes-vous arrivé à la Darnaise?
« J’ai arrêté la peinture en Algérie pendant la décennie noire (période de guerre civile, ndlr ). Plus personne ne s’intéressait à l’art. Ici, je me suis remis à peindre quand mon désert me manquait, ensuite c’était ma langue qui me manquait alors je me suis mis à la caligraphie. Je me suis dit pourquoi ne pas associer les deux ? Du coup on a mis en place un atelier: « L’art de conjuguer la calligraphie à tous les tons et à toutes les modes » en référence à un manuel scolaire (l’art de conjuguer les verbes à tous les temps et à tout les modes).

Je fixe alors un tableau qui représente Michael Jackson avec un  mot écrit en arabe, nous sommes loin des oasis dans le désert ! « Lis ce qui est écri tme demande-t-il. « Je ne sais pas lire en arabe ». – « Lis quand même de bas en haut ». C’était écrit en français « l’éternel ». « Dans toutes les calligraphies, il y a un message. Je travaille le fond comme la forme, l’esthétique et la calligraphie. C’est un trompe l’oeil. Un mixe entre le français et l’arabe, le mot se lie dans les deux sens et dans les deux langues. Pour moi c’est la conjugaison entre ma vie professionnelle  et ma langue maternelle ».



 

 

 

 

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Saci LAIDI
90 rue Chevreul
69007 Lyon

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Rafika Bendermel

La rédaction

Crée en 2008, la rédaction du Lyon Bondy Blog s'applique à proposer une information locale différente et complémentaire des médias traditionnels.

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