par Le grand complot mondial n’a jamais été prouvé
On est donc ici plus proche d’une mythologie qui recycle des représentations éculées, comme celle ancestrale des juifs fourbes et manipulateurs. Ce terme de complotisme englobe de multiples groupes. On peut éventuellement lui reprocher d’être un terme fourre-tout et par son manque de précision, de perdre en crédibilité. Ce qu’il faut retenir avant tout, c’est que le conspirationniste cible historiquement et aujourd’hui encore les juifs en priorité. D’ailleurs, la négation de la Shoah fait partie des thèses les plus répandues chez les « conspis ». Et si certains complotistes assurent qu’ils ne sont pas antisémites, ils diffusent des idées qui ont été élaborées par des antisémites et propagent les thèmes favoris de l’ultra droite.
(illustration) L’abbé Barruel : pour lui, la Révolution française n’est pas le fruit du peuple, mais d’un complot maçonnique organisé depuis des décennies.
Le conspirationnisme est ancien et « bien connu des sciences sociales », selon Emmanuel Taïeb. Un phénomène qui s’est accentué depuis la Révolution Française, le pouvoir n’étant plus incarné par un seul homme est devenu comme un lieu vide. Le besoin de le ré-habiter par l’idée d’un pouvoir secret s’est donc installée plus fortement à ce moment-là.
Le 20ème siècle aura été propice à l’alimentation de cette théorie, avec entre autres temps forts le Protocole des sages de Sion, l’Assassinat de Kennedy, le 11 Septembre… Pour ce dernier événement par exemple, s’il est légitime de se poser des questions à la vue des multiples mensonges de l’administration américaine, personne n’a jamais prouvé que ces attentats résulteraient des services américains eux-même. A posteriori le gouvernement et des multinationales qui alimentaient le réseau des néo-conservateurs américains ont tenté de profiter des attentats du 11 Septembre par le mensonge sur les armes de destruction massive. Mais ce complot s’est fait démasquer, discréditant l’idée d’un complot mondial unique et exclusif.
Dans cette vidéo, des conspirationnistes tentent de prouver que les juifs sont derrière les attentats du 11 septembre. Pourtant, Q33NYC ne correspond à aucun vol de la funeste journée et cette « preuve » du complot a été démontée il y a des années… avant même les attentats du World Trade Center. |
En France, l’État est également la cible systématique du complotisme : il serait totalement contrôlé par des forces occultes. Une position qui nie totalement la capacité d’action, le libre arbitre, les forces sociales, le pouvoir des citoyens et des salariés. Pour les « conspis », le peuple n’a pas la possibilité d’agir sur son destin.
Une remarque venant de la salle s’est faite entendre lors des questions à Emmanuel Taïeb. Elle explique peut-être le manque de répercussion qu’a le discours de déconstruction du complotisme : « le pouvoir entretien lui aussi le complotisme », a expliqué un spectateur de la conférence, « en ne proposant pas d’offre politique alternative mobilisatrice » et en « entravant l’action sociale des citoyens ». C’est de cette dépossession que germerait le conspirationnisme…
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Pourquoi les complotistes sont-ils attirés par ces théories ? Souvent très sûr d’eux-mêmes, ils pensent appartenir aux initiés possédant une contre-lecture, tandis que les autres seraient des moutons, bêtement aveugles et dominés. Il est donc très difficile d’avoir un impact sur leur croyance et de démonter leurs arguments un par un. Leur théorie leur apporte à la fois un réenchantement du monde, qu’ils pensent enfin comprendre dans sa globalité. Mais également un désenchantement, puisqu’ils sont totalement impuissants face aux pouvoirs occultes.
Contrairement aux idées reçues, le complotisme n’est pas plus répandu chez les classes populaires. En effet, les études prouvent que les cadres et les personnes diplômées sont également touchés par ces croyances.
Cet article ne vous a pas convaincu ? Il est effectivement très difficile de convaincre en quelques paragraphes, tout comme le chercheur Emmanuel Taïeb n’aura pas convaincu l’ensemble de la salle en à peine 2 heures de discussion. Si les réflexions sur les attentats n’en sont qu’à leur balbutiement, cette conférence marquait la conclusion d’un temps, celui de « l’après Charlie » immédiat. La date du 7 janvier 2015 restera gravée dans l’imaginaire des français. Une crainte : que l’avalanche d’affaires politiques et les vrais mensonges d’État additionnés au non-respect des promesses électorales n’aggravent le discrédit des politiques, poussant à une frustration qui, couplée à la dépolitisation générale conduisent à plus de pensée complotiste… et à de la violence contre des boucs émissaires.
Sylvain Ortega
En complément de l’article, la vidéo Opération Lune. La course à la Lune… un complot ?
