Quelle place pour les associations dans le processus décisionnel?

Réunis autour du thème de la ville monde, des spécialistes étaient invités à débattre, à l’initiative de la Maison des Passages, sur la question de la place des associations dans les décisions publiques.

Gérard Claisse, vice-président du Grand Lyon et chargé de la participation citoyenne et du Conseil de développement dresse le décors : « L’élu lui-même n’est pas toujours directement compétent en matière décisionnelle », et pose le constat suivant : « La démocratie participative repose sur trois piliers : la représentation politique, la participation citoyenne et le débat public. En France, on se repose trop souvent uniquement sur le premier pilier ». Etant directement concerné en tant qu’élu, il précise le cadre dans lequel le citoyen peut intervenir : « dans l’élaboration du processus de décision, non dans la décision elle-même ».

Et de finir son intervention par une note plutôt encourageante en insistant sur le fait que le débat public pousse les élus à être plus « précis dans leur travail, en devant prendre en compte toutes les requêtes des parties représentées et concernées par le débat ». Cette première intervention ne manque également pas de lucidité puisque Gérard Claisse reconnaît bien la difficulté que représente le système français avec ses contraintes particulièrement lourdes tant financières que juridiques, administratives ou temporelles.

Marion Sauzay, directrice du centre socio culturel du Point du Jour dans le 5e arrondissement, affirme cependant que les choses deviennent plus simples lorsque l’on est « politiquement soutenu ». Et de continuer en prenant l’exemple lyonnais : « A Lyon, la marge de manœuvre est plus large qu’elle ne peut l’être ailleurs, car on est encouragé par la Région qui nous laisse notre autonomie, et par ce fait, une relation de confiance est entretenue. » Elle souligne ensuite l’importance du bénévolat et de ce que cela représente et de voir plus loin : « Au-delà du bénévolat, le projet doit être avant tout collectif pour avoir une vraie crédibilité aux yeux des élus. »

C’est ici qu’intervient Jacques Donzelot, maître de conférence en sociologie politique, en centrant son analyse sur le rôle étatique : « Aux Etats Unis, l’Etat est celui qui facilite, jamais celui qui impose. Il se dote alors d’un pouvoir incitatif. En France, l’Etat a un rôle d’émancipation et de protection. » Sans en rajouter sur la valeur plutôt contradictoire de ces deux notions, il poursuit : « Ce rôle protecteur ne facilite pas la propension à relier le pouvoir individuel au pouvoir collectif ».
Il cite en exemple le phénomène de l’empowerment. Cette notion représente la capacité d’un individu à se réaliser à tous les niveaux, économique, familial, professionnel, et surtout qui lui permet de trouver sa place au sein d’une communauté. Le sens profond reste que le collectif et la réussite individuelle vont de pair.

Dernière intervenante, Juana Flores, co-directrice de l’association Mujeres Unidas y Activas, militante pour les droits des femmes et des immigrés dans la ville de San Francisco. Elle dresse un portrait de son association et force est de constater que son action dépasse largement le cadre local : « Il existe une collaboration au niveau local, mais aussi au niveau régional et même fédéral ».

Parmi les objectifs de l’association, l’amélioration des conditions des travailleuses à domicile fait parti des priorités. Et là encore, la marge de manœuvre s’avère très importante. « Nous avons fait une proposition de loi pour que les femmes de ménage soient rémunérées à l’heure, et que des sanctions envers les employeurs soient appliquées si ce n’est pas le cas. La proposition est passée entre les mains du Sénat, jusqu’au bureau du Gouverneur qui a finalement mit son veto. Mais nous ne désespérons pas de faire passer cette loi prochainement avec le changement de Gouverneur ».

Une proposition de loi faite directement aux autorités compétentes ; voilà une liberté inconcevable en Hexagone pour quelque association. Et Juana Flores d’insister sur le positif de cette démarche malgré l’issue inaboutie : « Cela a décomplexé les femmes, qui avaient peur d’en parler auparavant. Cela leur a donné un motif d’espoir. » Mais l’association de Juana Flores n’en est pas à son coup d’essai. Une loi sur la violence domestique, et plus précisément au sein des ménages comprenant un ou une sans papier, avec toutes les pressions que cela peut engendrer, a été promulguée à l’initiative de l’association MUA.

« Le travail s’est fait avec la collaboration de médecins et d’avocats » nous explique Juana Flores. Les avocats ont ensuite proposé la loi au ministère de l’immigration. Elle insiste enfin sur la nécessité de s’unir, et de s’allier au niveau national mais aussi international pour, dit-elle « s’enrichir des expériences des autres ». Nul doute que la France a beaucoup de choses à s’inspirer de certains modèles.

Car à la question de la recherche de solutions concrètes pour améliorer le quotidien des quartiers difficiles, Jacques Donzelot nous cite le projet ambitieux de rénovation urbaine dans les banlieues pour les désenclaver et les relier à la ville. Problème selon lui : « Ce projet s’est mené sans la participation des personnes vivant dans ces quartiers. Pas grand-chose n’a changé dans la confiance que les gens ont en eux car le développement social n’a pas suivi la rénovation urbaine ».

 

Vincent Conil

La rédaction

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