Privé de CAP-cuisine parce qu’il ne mange pas de porc !

En tant que musulman, Mohamed cuisine le porc mais n’en mange pas. Un interdit qui est aussi un handicap dans un métier où l’on goute les plats que l’on prépare.

La religion et l’enseignement ne font pas bon ménage, surtout sur les bancs de l’école publique française. Mohamed vient de l’apprendre à ses dépends lors d’une sélection au GRETA (Groupement d’établissements) de Vénissieux. Après avoir obtenu son CAP-Pâtisserie en 2007, le jeune homme n’a qu’une idée en tête : agrémenter son CV d’un nouveau diplôme : le CAP-Cuisine. À 27 ans, cette formation lui est rendue possible par le dispositif CARED (Contrat d’aide au retour à l’emploi durable) mise en place par la région. Et à en croire le jeune homme, « c’est une super opportunité d’acquérir une expérience professionnelle et de déboucher sur un CDI après sa formation. » Oui, mais le rêve a un prix.

J’apprends que sur près de 100 candidatures envoyées à l’établissement seules 12 à 14 personnes goûteront au gâteau. Le 27 août, coup de bol ! Mohamed est reçu à un entretien… aux questions bien cuisinées : « Lors de mon entrevue, on m’a demandé si ça me dérangeait de toucher le porc. » La réponse de Mohamed est sans équivoque : « Non, ça me dérange pas. J’ai vécu presque trois ans en Australie et j’ai travaillé dans un restaurant vietnamien. Le menu était composé de Chagio, Goi gun, Goi dudu ou Dinthi, des plats à base de porc. »

Un peu que ça sort de l’ordinaire de voir un musulman préparer du porc ! Mais comment, en est-il arrivé la ? Ben sachez juste qu’en 2003 après avoir raté deux fois son bac, Mohamed s’envole pour Singapour. Quelques mois plus tard au lieu de rentrer au bercail, il part à l’aventure pour l’Australie ! « A mon arrivée, j’ai été hébergé une semaine puis j’ai dormi dans un parc durant cinq jours, la peur au ventre. J’ai finalement trouvé un travail de vendeur de tapis autour du stade de Sydney. Là-bas, je rencontre Moise, un indien avec qui j’ai fait de la colocation. Puis, j’ai fini par bosser comme vendeur/livreur dans un magasin de fruits et légumes. Grace à mon job, j’ai fait la connaissance de Luke, il est chef au Red Lantern, le resto vietnamien. Il m’embauche et c’est avec lui que j’apprends la cuisine. J’ai même eu la responsabilité de proposer de nouveaux desserts. »

Au bout de presque trois ans, l’aventure prend fin. « Il fallait absolument que je rentre en France pour revoir mon père. » Son chef, Luke, lui donne sa bénédiction et lui demande d’apprendre la gastronomie française. « Si je n’avais pas quitté l’Australie, j’aurais même pu être formé par un chef français qui vivait là-bas ! », se souvient Mohamed.

Une chance avortée quand on connaît la suite en France. « La responsable du CAP cuisine m’a demandé de me présenter auprès d’un des restaurants partenaires de la formation pour obtenir un poste. Malheureusement, le chef ne voulait que des personnes qui mangent de tout. Comme par exemple, une omelette au jambon. On ne s’est pas entendus. Moi, ça ne me dérange pas de préparer et de cuisiner cette viande mais je n’en mangerai pas ! », me lance-t-il.

Suite à cette rencontre, Mohamed apprend qu’il est rayé des listes de la formation. « Quand, j’ai reçu la lettre de refus, j’ai tout de suite appelé la responsable de formation au GRETA. Elle m’a dit texto : « Si vous ne mangez pas de porc, ça ne sert à rien de faire un CAP cuisine. – Ça veut dire quoi ?, lui rétorqué-je. Qu’aucun musulman n’a le droit d’apprendre la cuisine française ? » Elle n’a pas su me répondre. Il y a eu un silence. » Ce matin, nous avons contacté par téléphone la responsable du CAP cuisine. Elle n’a pas souhaité répondre à nos questions pour le moment.

Aujourd’hui, Mohamed poursuit ses recherches pour continuer sa passion car il souhaite ouvrir « un salon de thé à la française ». Et n’écarte pas l’idée de retourner travailler en Australie…

Naïma Daïra et Azzedine Benelkadi

La rédaction

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