Salon de la photo, Paris. Laura était parmi le public de la conférence ‘’Photojournalisme et journalisme’’, elle nous rend compte des déclarations et des questionnements des invités, tous acteurs majeurs des médias et du photojournalisme d’aujourd’hui.
Edwy Plenel, présent au titre de co-Fondateur de ‘’MediaPart’’, ouvre le bal en précisant le rôle de chacun, photojournalistes et journalistes. Lui voit le photojournaliste comme « un témoin », et le journaliste d’investigation comme «le procureur des faits existants». A l’heure où la presse papier et TV use le conditionnel fréquemment (‘’un corps aurait été retrouvé’’, ‘’Dsk aurait été vu aux Bahamas’’…) le photojournaliste se place comme premier spectateur de l’actualité. Ayant l’obligation de se déplacer pour réaliser son travail, il est aussi celui qui touche au plus près les conflits d’aujourd’hui.
Risques & dangers
Dans ces pratiques journalistiques, les métiers des médias sont en danger. Et ceux du journaliste et du photographe plus spécialement : danger du texte, danger de la situation, danger des influences, et enfin les difficultés financières liées à la crise actuelle qui touche bien sûr aussi la presse. Ainsi, toujours selon E. Plenel, ‘’la presse se prive de ses deux meilleurs éléments’’, parce que subversifs, anticipatifs, critiques, les journalistes et photojournalistes sont à une place charnière aujourd’hui. Les photographes présents rappellent que le photographe lui même se trouve souvent désarmé face à une situation vécue, qui ne sera malheureusement pas retranscrite dans les médias dans sa plus simple vérité. Selon Patrick Robert, ‘’le photographe ne contrôle pas l’usage que le magazine va faire de sa photographie’’.
Un exemple d’engagement
Ainsi le duo que forment Sébastien Des Landes, journaliste, et Hervé Lequeux, photographe, a cherché à s’emparer de ce regret en proposant un reportage complet, un travail réparti sur plusieurs années à diverses rédactions. Ensembles ils sont allés à la rencontre de ‘’la jeunesse française’’. La jeunesse, oui, mais celle des quartiers, plus précisément de la banlieue parisienne. En résultent des images fortes, dénuées de tout clichés misérabilistes, et témoignant d’une implication quotidienne du photographe auprès des personnages de son reportage. Le journaliste, Sébastien Des Landes, lui aussi conçoit son implication sur le long terme, tout en soulignant l’importance de la distance avec le sujet. On parle, lors de la conférence, d’une ‘’distance éminemment généreuse’’.
Voici un extrait du reportage de Sébastien Deslandes :
« […]Les jeunes de banlieue, à quelques exceptions près, semblent donc avoir un avenir tracé. Devenir les nouvelles petites mains de l’économie française. Leur avenir professionnel est réduit à occuper les emplois les plus précaires et souvent les plus pénibles. Il est d’ailleurs frappant d’observer le manège matinal dans ces quartiers et les horaires où la ville s’agite. Incomparables. Dès 5h, une file rythmée d’hommes surtout, et de femmes, aussi, prend la direction de la gare. Les voici en ordre de bataille, ce sont les préparateurs de commande en grande surface, les plongeurs en cuisine, les astiqueurs des parquets des bureaux parisiens. Il faudra attendre 14h pour avoir de nouveaux signes de vie lorsque les jeunes « en galère » se réveilleront et descendront.[…] »
Une manière de rappeler, au sein d’un salon de la photo commercial et bondé, que le journalisme doit rester un média d’analyse et non pas uniquement un média de commentaires.
Lors des interventions du public au débat, certains se demandaient pourquoi ils ne pouvaient voir les reportages photographiques présentés – d’une grande qualité – dans les pages de nos plus grands quotidiens, sous le simple prétexte qu’ils n’étaient pas ‘’vendables’’. Eh bien peut être parce que parfois, la presse prend son lecteur pour ce qu’il n’est pas, et l’imagine en amateur de sujets people et à sensation, au moment où la société a plus que jamais besoin d’être décryptée.
Journaliste : Laura Tangre