Bouchra Beno : « Tout donner pour ceux qui nous aiment ! »

À vingt-sept ans, elle est la chef de file incontestée de la scène lyonnaise et représente une nouvelle génération d’humoriste en pleine éclosion. Son ascension vers le Jamel Comedy Club, où elle a désormais ses quartiers, fait rêver la jeunesse lyonnaise. Après un passage à l’Olympia, en juin dernier, avec la troupe du Point Virgule et une victoire au festival du Marrakech du rire en 2013, l’humoriste Bouchra Beno se confie au LBB.

 

Bouchra le nouveau phu00E9nomu00E8neRelate-nous les premières scènes de ta vie d’artiste…  

Petite, je me trouvais moche, mais j’étais une fille joyeuse. Je suis issue d’une fratrie de quatre filles et j’étais en quelque sorte le grand frère. Je faisais les blagues à la maison. Voyant que je ne séduisais pas la gent masculine, j’ai décidé de plaire tout simplement aux gens par le rire. Et en grandissant, l’idée de monter un jour sur scène s’est encrée en moi. J’ai participé à l’émission Starting Over en 2004 sur TF1, produite par Évelyne Thomas. Le principe était de me faire passer de l’état de garçon manqué à celui d’une femme avec des cours de maintien, de diction… Après, on m’a proposé une scène au Don Camillo dans le cadre du programme. Ce fut un échec. Le metteur en scène avait un problème avec mon ego.

L’émission a-t-elle été un tremplin ?

Après l’émission, j’ai été perturbée par la mesure des choses. Les critiques étaient positives certes, mais tout allait trop vite pour moi, qui adore l’anonymat. Le programme a été un flop total, mais je ne me rends pas encore compte de l’impact qu’il a eu sur les gens. Je ne sortais plus de chez moi pendant quatre mois jusqu’à ce que mon père me lance le défi de monter sur scène et ça a été formidable ! J’ai envoyé la vidéo à Jean-Michel Joyau qui est responsable au Jamel Comedy Club. C’est lui qui m’a donc repérée. Ma première prestation, le 19 février 2013, n’était pas extraordinaire, la suivante meilleure. Le directeur artistique qu’on surnomme « Lapin » a aimé ma prestation. On m’a fait jouer six mois là-bas pour me perfectionner. J’ai fait le Marrakech du rire en 2013 où j’ai gagné Les jeunes talents du rire. J’y ai pris part cette année encore dans la troupe officielle. J’ai participé au casting des impertinentes : celles qui vont être les futures Florence Foresti. Un concept crée par Anne Roumanoff. On était cent soixante-quinze au début et on a fini à neuf. J’ai finalement gagné le prix du public. Le meilleur est arrivé en juin 2014, quand j’ai été appelée par Jean-Marc Dumontel pour jouer à l’Olympia et Bobino avec Le Point Virgule.

Penses-tu que c’est plus difficile d’atteindre un tel niveau pour les jeunes issus des quartiers populaires ?

J’ai vécu vingt ans à Vaulx-en-Velin. On y trouve des personnalités très fortes. Là-bas, c’est marche ou crève. On est obligé d’en ressortir grandi. Je n’avais pas le droit d’être féminine. J’ai dû chercher des facultés que je ne soupçonnais pas et je me suis battue avec des garçons (rires). Au-delà de tout ça, il y a beaucoup de positif à travers les associations culturelles présentes sur place comme on le voit avec Cheia Milouda et Vaulx Premières Planches, qui essaient de sortir les gens de la morosité. J’ai recommandé Nassim Bombo au Graine de Star Comedy Club qui est lui-même vaudais et qui m’a ensuite recommandé Rman. Au contraire la porte est grande ouverte aux jeunes banlieusards. Tout dépend de ce qu’on en fait. Si c’est pour faire de la provocation, ce n’est pas la peine. Plus il y en a et mieux c’est.

Avec Bouchra sur scu00E8ne« Il faut être avec le public »

On associe souvent ton image à celle de Rman ou Nassim Bombo…

J’apprécie et je suis flattée car je les estime énormément. Ce qu’il y a d’amusant, c’est que dans les soirées où les gens ne sont pas chauds, on essaie de savoir qui va faire le moins de bide pour moins se sentir seul. On se donne beaucoup de force les uns et les autres. D’autant que j’ai adoré les spectacles de Rman « L’effet papillon » et « Welcome » de Nassim qui ont été des réussites. Pour des premiers jets, ils ont été magnifiques !

Quelle est ton approche du public au sens large ?

D’abord le rire c’est la vie. J’ai de la peine pour celui qui n’a pas le rire facile. Les gens dans le public sont comme mes amis. Je pars dans l’état d’esprit où je suis face à des gens qui sont dans mon salon, que ce soit à l’Olympia ou devant quarante personnes au Graine de star Comedy Club. Je suis moi-même, je pars dans un esprit de bienveillance. Avant, quand il y avait quelqu’un d’un peu agressif n’était-ce que du regard, j’avais un peu le même automatisme. Il y a quelques jours pendant le spectacle une fille me lorgnait avec une expression peu bienveillante et moi aussi je ne pouvais m’empêcher de la regarder. C’était physique. La seule chose qui m’a aidé à gérer c’est la réaction d’un jeune homme qui se tordait de rire juste à côté. J’avais le choix entre deux énergies dans la salle qui m’était proposé. C’est une idée de base : il faut être là pour ceux qui nous apprécient et ne pas les dénigrer.

Quelle Bouchra peut-on voir dans les coulisses ?  

Quand je suis dans les coulisses, je suis un bout en train. C’est moi qui lance les vannes etBouchra Olympia détends l’atmosphère. Quand on m’annonce et que je vais monter sur scène, le stress monte. Le fait qu’on parle de moi me met mal à l’aise. Mais c’est l’adrénaline que je trouve géniale…

Un premier spectacle et une nouvelle Bouchra

Et pour l’Olympia, c’était comment ?

En juin 2014, avec Le Point Virgule ce spectacle à l’Olympia est passé très vite, ce jour-là j’avais tellement de choses à penser : les costumes, les featurings avec d’autres artistes. Je n’ai pas pu apprécier le moment. Et puis ce n’était pas le spectacle de Bouchra, c’était celui de toute une équipe. Par contre sur la scène du Jamel Comedy Club, j’ai le temps de prendre tout mon plaisir. Elle est géniale. Dès que ça commence à être gros, je prends du plaisir.

Tu as un spectacle en cours d’écriture…

Mon spectacle ne s’identifiera à aucune communauté, maghrébine ou autre. Il faut voir autre chose, qu’on puisse rigoler de tout. Florence Foresti, on ne connaît pas ses origines ! Je n’ai pas besoin de faire un spectacle pour les Maghrébins. En fait, il s’adressera aux hommes, tout en parlant de femmes. Je vais aller sur un terrain ou personne ne m’attendra. J’écris et je teste mes textes au Graine de Star Comedy Club. C’est mon premier spectacle, on m’a d’ailleurs mis la pression pour que je m’y mette. Mais il faut reconnaître que tout s’est enchaîné très vite pour moi.

Le rire, une ouverture vers l’humanitaire

Dans l’élaboration de tes spectacles, y a-t-il une appréhension par rapport à certains publics, susceptibles d’être choqués par tes vannes ?  

Les premières fois je pensais que les femmes voilées avaient ce genre d’appréhensions et je me suis rendu compte que c’étaient celles qui étaient les plus ouvertes au rire. Sur les réseaux sociaux, elles me soutiennent beaucoup. Elles adorent rigoler et elles sont elles-mêmes marrantes. C’est elles qui rient le plus. À Marrakech, aussi.

Et les messieurs ?

C’est plus mitigé. Il y a quelque temps, des jeunes de banlieue essayaient de me déstabiliser, mais j’arrive à leur faire respecter mon travail en allumant la lumière de la salle sans pour autant les prendre en otage avec des altercations. Il faut amener les choses avec le sourire. J’ai l’impression que le fait qu’une femme fasse rire gêne plus que si c’était un homme. Ces derniers se sentent déstabilisés face à l’humour féminin. C’est un milieu très misogyne surtout au niveau de la programmation. Je suis pour la féminisation de l’humour. Je rêverai de voir plus de femmes sur scène et qu’on les soutienne toutes !Bouchra et Jamel Debouzze

Tu aimes relier le rire et l’humanitaire…    

J’aime soutenir les enfants du monde comme l’association « J’ai envie de vous dire ». Je n’ai pas encore lancé mon spectacle. Je ne peux pas encore faire de sketchs au profit de causes humanitaires, ce que j’aimerais. J’ai cependant déjà joué à HCC Humanity. Si on peut réunir des gens autour d’une cause, c’est important. Au niveau de la vie de tous les jours, que l’on soit dans la pauvreté, le mal-être ou la souffrance, le rire nous permet de voir les choses différemment. Dieudoné en parlait très bien à une autre époque dans un sketch à propos du cancer de son ami. Il a réussi à faire rire sur un sujet triste. De tels exemples nous permettent de nous dire que nous ne sommes rien et que tout se règle finalement. Commencer par le rire, c’est un très bon début…

J’ai Envie De Vous Dire | Association Solidarité pour le handicap au Maghreb – Fouzi BOUZAHAF

Mohamed Braiki

Natif de Lyon et enfant des Minguettes, je suis diplômé de Lettres de la Fac de Lyon 2 et l’EFAP Rhône Alpes. J’ai roulé ma bosse dans des rédactions lyonnaises comme la radio Lyon Sport 98.4, Le Progrès, Foot 69.fr, Tribune de Lyon et Lyon Capitale. braikimohamed@yahoo.fr

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