Parler de «l’apartheid israélien» relève du combat démocratique.

Le 2 Mars à 18h devait se tenir à l’Institut d’Etudes Politiques (IEP) de Lyon une conférence dédiée à Israël. La problématique centrale était très polémique; la question était de savoir si cet Etat appliquait l’apartheid ou non. Afin de répondre à cette question, deux étudiants nous ont fait part de leurs points de vue. Le premier, Wasseem Ghantous, ancien étudiant palestinien de l’université de Haifa est un membre de l’association Baladna pour le droit à l’éducation des palestiniens d’Israel et le deuxième, Mbuyiseni Ndlozi, est doctorant d’une université d’Afrique du Sud.

Cette conférence avait été organisée dans le cadre de la Semaine contre l’Apartheid Israélien, organisée dans le monde entier depuis 2005.

La réunion devait au départ avoir lieu à l’université Paris VIII puis à l’Ecole Nationale Supérieure de Paris et même à l’Ecole des Hautes Etudes de Science Sociales qui ont chacune fermé leurs portes. Ces réactions ont pour origine des pressions orchestrées par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) et le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA) qui parlent toutes deux de risques de «troubles à l’ordre public» et d’incitation «à la haine envers l’Etat juif».

A Lyon, même problème, cette conférence – relayée par Génération Palestine, le Collectif Critique de Réflexion et d’Actions Sociales et Solidaires et l’Union Juive pour la Paix (UJFP) – s’est vue refusée l’accès à l’IEP et même au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation (CHRD).
En effet, dans un communiqué envoyé à 16h30 le même jour, le directeur de l’IEP de Lyon, Gilles Pollet, exprime son choix d’annuler l’événement « devant les risques avérés d’atteinte à l’ordre public ». Malheureusement, on ne sait si des organismes tels ceux de Paris l’y ont obligé à prendre cette décision, ou bien s’il a choisi lui même d’envoyer ce communiqué.

Et bien, finalement, nous sommes tous allés dans la cour de l’université Lyon II sur les quais, dans le noir, autour de bancs, avec un froid qui gentiment nous rappelait la nuit qui arrivait.

Ce fut Georges Gumpel de l’UJFP qui le premier s’exprima.
Il montra sa déception face à une université telle que l’IEP et un établissement comme le CHRD qui ont choisis d’interdire la venue d’une conférence relative aux droits de l’Homme et aux crimes contre l’Humanité. Cela peut s’avérer même ironique et contradictoire. M. Gumpel parle alors de «trahison des clercs» (citant l’écrivain J. Benda, qui en 1927 définissait les intellectuels qui avaient échangé leur quête de vérité pour un engagement politique, entraînant alors leur public dans une mauvaise subjectivité). On cherche alors « à limiter notre compréhension » des évènements.
Il déclare alors que l’on «voit que les gens ont accepté, et collaboré d’eux mêmes», parlant de M. Pollet, à l’image de la déportation de la Seconde Guerre Mondiale.

Puis c’est au tour de l’étudiant de Jésusalem, Wasseem Ghantous, de prendre la parole.
Il nous témoigne directement du traitement que lui et ses camarades palestiniens vivaient chaque jour à l’université de Haifa. Déjà, il n’y a pas d’université arabophone à Jérusalem ayant un niveau égal aux universités hébraïques de la ville, ces dernières bien plus grandes et ayant un meilleur enseignement.
Alors c’est le début du combat universitaire pour Wasseem. Il nous dit que les études supérieures en Israël commencent à 21 ans, après le service militaire obligatoire des Israéliens de 3 ans, ou bien à 18 ans pour les juifs orthodoxes qui en sont dispensés. Mais pour les Israéliens arabes, qui ne font donc pas le service militaire et qui ont leur diplôme d’enseignement secondaire à 18 ans, ils doivent attendre 3 ans avant d’aller dans une université dans le pays où ils résident. De plus, les élèves qui ont fait leur service militaire dans l’armée israélienne ont 2 fois plus de chances d’obtenir un logement étudiant que les étudiants arabes.

Il ne faut pas oublier ces pressions psychologiques vécues quotidiennement, lorsque les professeurs se permettent de tenir des propos purement racistes en classe (par exemple : «les arabes ne sont pas évolués, ce n’est pas une civilisation»). De plus ces étudiants vivent sans arrêt dans la peur, car ils peuvent être « arrêtés sans aucun jugement ni preuve, même des journaux ont du fermer boutique ». Il y a dès lors une «pensée unique juive» qui empêche quiconque de penser autrement, que l’on soit arabe ou non.

Enfin, c’est au tour de l’intervention de Mbuyiseni Ndlozi faisant partie du mouvement BDS (Boycott-désinvestissement-Sanction).

Il commença dès lors son parallèle avec la situation Africaine de l’apartheid. Cette notion a pris racine en 1948 quand été mise en place cette séparation politique, économique, sociale et géographique législative entre les Blancs et les autres peuples vivant sur ces terres. C’est alors que les populations de «couleurs» furent insultées continuellement, exclues totalement alors qu’elles ne voulaient que vivre sur les terres où elles étaient nés. Le gouvernement Afrikaner dit « blanc » avait pris ces mesures dans le but de s’installer continuellement et de se détacher des puissances coloniales considérées comme trop répressives.

Le monde a commencé à réagir dans les années 60, avec l’«interdiction de se rendre aux Jeux Olympiques pour l’Afrique du Sud», et surtout des boycotts venant des puissances européennes. Alors une conscience noire commençait à naitre autour de l’idée de « justice, de liberté et d’égalité » à faire appliquer dans le pays. Les pressions mondiales et les nombreuses manifestations des populations locales ont alors obligées les politiques à abroger petit à petit les mesures raciales qui avaient été mises en place.

M. Ndlozi fait alors un rapprochement avec ce phénomène et la situation actuelle d’Israël. A la différence que «Israël va terminer ce que l’Afrique du Sud n’a jamais pu faire», c’est à dire «une société exclusivement juive» ; en repoussant d’abord les populations arabes, comme les Afrikaners l’avaient fait en Afrique du Sud. Il est difficile aujourd’hui d’expliquer la situation en Israël, car l’on est tout de suite étiqueté d’ «antisémite, ou que l’on ne veut pas qu’ils vivent», ce qui est évidemment «faux» !

Un boycott citoyen pourrait réveiller le monde, et «montrer à ces politiques qui sont sensés nous représenter (que) les populations refusent les traitements infligés aux arabes israéliens». Car il est normal d’appliquer sur cette terre, les notions universelles de «justice, de liberté, et d’égalité».

«Ceci est un appel à la vigilance» au regard de nos droits et libertés nous dit Mr Gumpel. En effet, lorsque l’on connait les libertés fondamentales que nous possédons normalement en France, il est aberrant d’être témoin d’interdiction de rassemblement comme celui ci.

La conférence s’est déroulée dans la paix, il n’y a eu aucune violence, aucune personne blessée, au contraire il y a eu des rires, des sourires, des personnalités très vivaces, et bien sur aucun « trouble à l’ordre public », c’est là que l’on voit à quel point…le savoir est une arme.

Journaliste : Shérazade

La rédaction

Crée en 2008, la rédaction du Lyon Bondy Blog s'applique à proposer une information locale différente et complémentaire des médias traditionnels.

Voir tous les articles de La rédaction →

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *