Tribunal de Grande Instance de Lyon, comparution immédiate, le 21 avril 2017
Johan* approche de la trentaine. Anika* vient juste d’entrer dans la vingtaine. Lui est jugé pour vol en réunion de colis postaux et recel des contenus, elle pour complicité de vol en réunion. Tous les deux travaillaient à La Poste au moment des faits, sur la même chaine de tri de colis et enveloppes. C’est La Poste qui les a pris en flagrant délit, si l’on peut dire : alerté par certains de leurs clients, ils ont mis en place des ‟appâts‟, de faux colis avec des téléphones à l’intérieur qu’ils ont ensuite surveillé. C’est ainsi que Johan et Anika ont mordu à l’hameçon, se sont fait prendre sur le fait et ont fini entre les mains de la police. Entre ces deux là et La Poste, pas sûr que la confiance ait de l’avenir…
Tous les deux ont reconnu les faits. Anika déclare cependant qu’elle ne volait pas elle-même les objets : elle prêtait son sac pour les dissimuler et les sortir de l’entrepôt ou bien cachait Johan lorsqu’il subtilisait des colis ou enveloppes.
« Pourquoi avoir fait ça ? » demande la juge à Johan. « J’avais des problèmes d’argent, de loyer impayé. J’ai fait ça deux fois et la troisième je me suis fait prendre ». Ce qui étonne la juge : « des problèmes de loyer ? Vous gagnez 1200€ environ et vous êtes hébergé chez un membre de votre famille non ? – Oui mais je loue une chambre 400€ par mois à côté du boulot, sinon j’habitais trop loin ». Une autre question lui est posée à propos du contenu d’un colis retrouvé dans son véhicule, il s’explique : « ce colis il était juste dans ma voiture et je l’ai pas rendu. – Pas rendu ça s’appelle voler, monsieur » rétorque la juge. « On va pas se mentir madame, tout le monde vole à La Poste » lance plus tard Johan, ce qui suscite quelques rires étouffés parmi le public. « Oui oui, tout le monde vole à La Poste » répète-t-il, en direction du public cette fois.
« Pourquoi avoir fait ça ? » demande la juge à Anika. « Je ne sais pas. C’est bête. – C’est plus que bête, c’est un délit ». La Juge lit les témoignages élogieux de sa famille et de ses anciens collègues récoltés lors de l’enquête : « on a quand même du mal à croire que vous ayez pu vous laisser utiliser comme ça ».
La procureure demande 10 mois de prison ferme avec mandat de dépôt à l’encontre de Johan, 5 mois avec sursis pour Anika. Le problème pour Johan, c’est son casier judiciaire déjà rempli de quelques affaires. « J’ai quitté [une ville de l’ouest] et je suis venu à Lyon pour laisser derrière moi mon casier, trouver un travail » déclarait-il d’ailleurs un peu plus tôt. « Eh bien, vous ne l’avez pas laissé totalement derrière vous ce passé », objecta la juge. Si le casier d’Anika, lui, est vierge, la procureure prend soin de souligner qu’elle a « une véritable responsabilité pénale dans cette affaire » que ne saurait excuser « sa jeunesse et sa naïveté ».
Leurs avocats respectifs font ce qu’ils peuvent, mais les faits sont reconnus. Celle d’Anika précise néanmoins : « dans sa jeunesse et sa naïveté, elle n’a pas voulu dénoncer Johan à la hiérarchie ou à la police. Le dénoncer, c’était aussi se mettre d’autres employés à dos ».
Le tribunal les reconnait coupables des faits qui leur sont reprochés. Le jugement suit les réquisitions de la procureure : pour Anika 5 mois avec sursis, pour Johan 10 mois de prison ferme avec mandat de dépôt. Cela veut dire qu’il dormira dès cette nuit en prison, à Corbas. Il n’a pas l’air d’avoir compris : « Euh… 10 mois, ça veut dire que j’y vais tout de suite ? – Oui – Quoi ? Vous ne pouvez pas être plus clémente ? – Non je ne peux pas », conclut lapidairement la juge avant que l’escorte policière ne les ramène dans les cellules du tribunal.
Au suivant.
* les prénoms ont été modifiés