Né à Djibouti, Nour Ibrahim Mohammed a récemment été « invité » par la préfecture du Rhône à quitter la France. Ce dernier possède pourtant un passeport et une carte d’identité française. Un nouvel imbroglio administratif qui risque de faire perdre à Nour tous ses droits. Explications.
« Je n’ai pas dormi durant deux nuits suite à ce courrier. » Le choc d’abord, puis le stress. Comme pour exorciser cette nouvelle, l’homme qui « n’imagine pas encore prendre sa retraite » me raconte minutieusement son histoire. « Je suis né en 39 à Djibouti alors que le pays était encore un territoire français. J’étais donc Français. » Il me tend son passeport français, aujourd’hui périmé et me montre tous ses documents rangés avec soin dans une chemise plastifiée. « Au début des années 60, j’ai choisi de partir travailler en France, à Lyon précisément. » Ce fils d’ancien combattant de l’armée Française, est rejoint par son épouse quelques années après. « Malheureusement, ma femme n’est pas parvenue à s’acclimater. Elle avait le mal du pays et a décidé de repartir à Djibouti. Je suis donc resté seul à Lyon pour continuer à travailler. »
1977, année de l’indépendance djiboutienne
La fin des années 70 arrive, et avec elle, l’indépendance de Djibouti. En 79, Nour prend un mois de congés pour se rendre à Djibouti, désormais indépendante. A son retour en France, il apprend que son épouse attend leur premier enfant. « Je suis donc reparti 4 mois à Djibouti pour la naissance de mon enfant. Au bout de quelques temps, mon passeport arrivant à expiration, j’ai pris rendez-vous avec le consul français à Djibouti. » C’est à ce moment que tout bascule. Le jour du rendez-vous, Nour est appréhendé sans raison par des agents de la police djiboutienne qui l’accuse de trahison vis-à-vis du jeune Etat indépendant. Il n’arrivera jamais à refaire son passeport et se retrouve bloqué à Djibouti durant plusieurs années. Mais face aux problèmes économiques croissants et à la violence que connaît le pays, il se résout à demander un passeport djiboutien qui lui permettra de rejoindre la France, en 2002.
Une nationalité française en question
A ce moment, Nour ne se doute pas une seule seconde qu’il a perdu la nationalité française. En effet, faute d’information, ce dernier n’a jamais su qu’après l’indépendance de Djibouti, il avait une année pour demander aux autorités compétentes la confirmation d’être établi dans la nationalité française. De retour à Lyon, il retrouve un travail sans difficultés. Malgré tout, l’homme tient à régler une bonne fois pour toute son problème de renouvellement de papiers. « En 2003, j’ai décidé de renouveler ma carte d’identité auprès des services de l’état civil de Vaulx en Velin . C’est là que j’ai appris que j’avais perdu ma nationalité française. »
Les rendez-vous à la préfecture s’enchaînent. « En 2005, une fonctionnaire de la préfecture m’a annoncé que mes papiers français n’avaient aucune valeur. Mais pourtant, je continuais à travailler, à cotiser, à être inscrit à la sécurité sociale !»
Le septuagénaire comprend alors la gravité de sa situation. Aux yeux de l’administration française, Nour n’est plus Français mais Djiboutien. Son seul recours est de demander une demande d’asile politique à l’OFPRA. Demande refusée. Il repart à la préfecture de Lyon, fait une demande de titre de séjour. Nouveau refus. Pour obtenir gain de cause, il se paye même les services d’une avocate. « J’ai dépensé 3000 euros pour rien ! » Le couperet tombe finalement en décembre dernier. Désormais suivi par une avocate spécialisée, Nour vit depuis dans l’angoisse d’être contrôlé par les forces de l’ordre… mais conserve l’espoir d’un dénouement heureux.
Auteur : Pascale Lagahe