Le secteur du BTP connaît un fort déficit de main d’oeuvre, il fait appel aux femmes et Niclette est l’une d’elles.
Voir des femmes sur un chantier du bâtiment ne devrait plus être une curiosité. Elles investissent peu à peu ce lieu fortement marqué du sceau masculin, et dans lequel elles doivent s’affirmer et se faire une place reconnue par tous, à commencer par leurs propres collègues hommes. Pour en savoir un peu plus, j’ai rencontré Niclette femme de 25 ans, qui m’a fait part de son expérience, féminine jusqu’au bout des ongles m’accueillant en jupette et petit débardeur.
Elle est actuellement en formation à l’AFPA de St-Priest dans le cadre d’un contrat de professionnalisation de 9 mois, alterne trois semaines sur le chantier de l’hôpital de la croix-rousse et une semaine en centre de formation. Mais avant d’en arriver là, Niclette est passée par un test de sélection regroupant 7 filles et 5 garçons. Notez que les filles sont déjà plus nombreuses à se présenter. Au final, seule Niclette ira en formation, certains ne sont pas retenus et surtout beaucoup abandonnent.
Elle avoue qu’il faut être soutenu par son entourage proche, mais qui le plus souvent dissuade en exprimant clairement son désaccord : » c’est fatigant, comment tu vas t’occuper de ton fils après le travail ? ». Les hommes me disaient : » tu seras trop fatiguée comment vas-tu donner du plaisir à ton mari ? ». Edifiant non ?
Pourtant la jeune femme ne se décourage pas, car c’était déjà son projet professionnel : « j’ai toujours voulu être peintre ou maçon »; et elle voulait le faire car elle a l’exemple d’une de ses amies, peintre en bâtiment. Motivée, elle l’est : « tout métier quand on l’aime, on y arrive », et reconnaît que c’est un métier physique, fatigant mais pas plus que la restauration ou l’aide à domicile auprès de personnes âgées, secteurs dans lesquels elle a déjà travaillé.
Pour elle « toute femme peut le faire ». Quand je lui demande quelles sont les qualités requises pour exercer ce métier, ne figure pas la force physique, mais la motivation, une bonne compréhension et la rapidité. Selon l’apprentie, les femmes sont très motivées, moins rapides que les hommes, car remarque-t-elle « on prend plus le temps car on veut que ce soit bien fait, on fait attention à tout », une faiblesse qui cache un atout, un sens du détail. Quant à ses relations avec ses collègues hommes, « il faut être ferme, pas trop sinon ça va pas et savoir rigoler de temps en temps », et pour une femme sur un chantier « il faut toujours faire attention aux hommes « , elle doit constamment être sur le qui-vive car entend nombre de grossièretés mais avoue ne presque plus relever. Beaucoup de ses collègues « mâles » ne comprennent pas qu’elle fasse ce métier, qui ne permettrait pas à leurs femmes de l’exercer.
Niclette s’estime heureuse, elle est malgré tout dans une bonne équipe où les relations de travail se passent bien tant avec les hommes qu’avec ses deux coéquipières. Elle envisage alors un avenir en béton dans ce secteur, après l’obtention de son diplôme de maçonne-coffreuse, la jeune femme veut gravir les échelons et un jour se retrouver dans les bureaux pour devenir « une grosse tête », comme ses collègues et elles se plaisent à dire.
D’autant que les conditions sont très favorables, la fédération française du bâtiment en mal de main d’oeuvre poursuit sa campagne de séduction auprès de la gente féminine (forums pour l’emploi, communiqués…). Elle souhaite accueillir 20 000 femmes d’ici 2009 dans ce secteur regroupant une grande diversité de métiers et bénéficiant d’une forte identité professionnelle. Les perspectives d’évolution y seraient nombreuses, pouvant aller jusqu’à la création de sa propre entreprise. Ce bastion d’hommes se féminise, loin encore de la parité, mais nul besoin d’un texte de loi pour la décréter, elle se fera… contexte économique oblige.
Fouzia Othman