Musées et Numérique : Mac Lyon épisode 2

On le voit, les musées sont présents sur le web et tissent des liens avec les internautes. Je reprendrai les termes de Laurence Lessing, fondateur de Creative Commons, qui dit que nous sommes en train de passer de la « read-only » culture à la « read-write » culture. Voyons comment le Mac Lyon communique avec les publics. 

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Pour commencer, comment proposez-vous d’interagir avant la visite du musée ?
Muriel Jaby :  Tout d’abord, j’aimerais dire que l’interaction avec les publics est assez logique. Nous faisons déjà de la médiation auprès du public durant des visites commentées. Il n’y a donc aucune raison pour qu’il n’y ait pas de parallèle établi avec le monde numérique en dehors de la visite physique.
Au final, interagir avec les publics sur les réseaux sociaux n’est pas une révolution mais, à mon sens, il s’agit plus d’une mutation des pratiques numériques. Au sein du Musée nous le vivons comme tel.
Karel Cioffi : Tout à fait. Avant de venir voir une exposition, le public peut découvrir des textes et photographies de l’installation. Nous proposons aussi de faire des visites à 360 degrés des espaces d’exposition.

Faut-il tout montrer, avant une visite ?
M.J. : Ces visites virtuelles sont déjà proposées depuis 7-8 ans.
K.C. : La vraie question est : « qu’est-ce qu’on donne à voir et jusqu’où ?».
M.J. : Il arrive que nous décidions avec notre partenaire, VISITER LYON de ne pas montrer l’ensemble des espaces. Quand on a une grande exposition de type rétrospective, nous allons sélectionner des salles représentatives. Il faut garder une part de mystère pour la visite sur place. Il faut garder à l’esprit que nous exposons des artistes internationaux pas forcément connus du grand public comme Latifa Echakhch  ou Huang Yong Ping . C’est pourquoi, il est important d’illustrer le propos de l’exposition avec des images qui montrent au public ce qu’il va voir, sans pour autant tout dévoiler… Nous faisons souvent le choix de ne pas dévoiler 100% d’une exposition.

Concernant la collection du MAC Lyon, que montrez-vous ?
M.J. : Nous avons une contrainte physique du lieu. La surface d’exposition est de 2700 m2 alors que la collection contient plus de 1000 œuvres représentant une superficie supérieure à 40 000 m2. On ne peut donc pas la présenter en même temps que les expositions temporaires. Le choix qui été fait est le renouvellement permanent de nos espaces, et de s’appuyer sur les expositions temporaires pour notre politique d’acquisition. Cela engendre une frustration de ne pas pouvoir montrer toutes les œuvres de la collection. Nous réfléchissons sur ce problème mais nous sommes confrontés à un cruel manque de moyens financiers. Néanmoins, toute la collection est en ligne mais nous aimerions en améliorer la forme pour la valoriser au mieux.

Quels sont vos souhaits pour montrer cette collection ?
K.C. : Nous rêverions d’avoir un espace dédié sur place et équipé d’un mur multimédia ou de tablettes numériques. Nous pourrions alors faire découvrir la collection.
M.J. : Et de pouvoir montrer les liens avec entre artistes. Je pense au Cleveland Museum of Art, qui a mis en place un écran géant tactile qui permet de visionner et télécharger les œuvres de sa collection.

Est-ce que le musée a développé des applications pour tablettes numériques ?
K.C. : Oui, nous avons par exemple produit une application pour systèmes IOS et Android lors de la dernière exposition Combas. Soit plus d’une heure trente de contenus audio et vidéo téléchargeables gratuitement. C’est quelque chose que nous essayons de faire pour chaque exposition monographique. Cela nécessite un gros travail d’équipe avec le service des publics et l’équipe technique. Il y a eu près de 250 téléchargements sur Android et 2.000 sur IOS pour l’application dédiée à l’exposition Combas, un beau succès.
M.J. : Pour l’anecdote, on nous avait demandé pourquoi nous tenions absolument à proposer cette application sur Android également. Bien nous a pris d’avoir voulu toucher une variété d’équipements numériques plus large ! Un tel dispositif ne peut être systématisé pour chaque exposition -car le rythme de renouvellement des expositions – tous les 2-3 mois,-ne nous le permet pas. Mais c’est quelque chose que nous souhaitons poursuivre pour chaque grande rétrospective ou monographie.

Comment cela s’est-il passé avec Robert Combas pour créer le contenu de l’application ?
K.C. : Chaque artiste s’implique différemment. Le projet plaisait à Robert Combas, il a donc participé activement aux interviews pour enregistrer des séquences audio sur l’appli.
M.J. : Ben s’était aussi beaucoup prêté au jeu. Notre chance est de travailler avec beaucoup d’artistes vivants, les interactions sont donc possibles et nombreuses, surtout en amont de l’exposition.
K.C. :  Latifa Echakhch par exemple, nous a proposé des séquences audio et vidéo que nous avons mises en code QR dans les salles d’exposition.

Est-ce que l’audioguide a toujours lieu d’exister ?
M.J. : (Rires), nous n’en avons jamais eu en fait !
K.C. : Cela rejoint notre problématique de la collection difficile à montrer. Il faudrait un audioguide qui change à chaque exposition.
M.J. :  Au-delà de ça, je pense que l’audioguide ne correspond pas à la proposition du Musée d’Art Contemporain de Lyon. Nous sommes, depuis le début, un musée mouvant, très à l’écoute des besoins et des envies des artistes. L’art contemporain se prête moins également à un discours formaté. La relation spectateur-œuvre peut s’établir directement. Nous privilégions le domaine de l’expérience à un contenu très didactique.

Après une visite, comment maintenir la relation engagée avec le visiteur ?
K.C. :  Tout d’abord, chacune de nos propositions numériques est réalisée en fonction de l’artiste et de son exposition. Concernant Combas par exemple, nous avons mis en ligne sur Deezer des playlists de l’artiste et de l’exposition. Nous avons aussi proposé une « Image Battle » sur Tumblr. Chaque participant étant invité à poster des images, des vidéos et des sons que lui inspirait une œuvre de Combas. Au final, on obtenait une sorte de cadavre exquis . Avant la visite, nous avons aussi organisé une sorte de chasse au trésor numérique, avec des cordonnées GPS, permettant aux participants de gagner des places pour l’exposition. Là, il s’agissait plus de toucher un public qui n’est pas le nôtre habituellement et qui n’est pas encore venu. En l’occurrence il pouvait s’agir de passionnés de nature, des randonneurs par exemple.
M.J. : On peut considérer que nos supports numériques conviennent aussi bien à l’avant qu’à l’après-visite. Nous ne produisons pas différemment pour les deux.
Pour nous, l’important est aussi de collecter les cordonnées des personnes qui sont venues au musée et de les engager avec d’autres propositions. Nous avons une carte de fidélité, la carte Musée, proposée par la Ville de Lyon. N’oublions pas que nous nous adressons aussi à des publics qui ne se déplacent pas et qui nous contactent via le site. Ils sont demandeurs d’informations sur les expositions : dossiers de presse, ressources thématiques, etc.

Avez-vous perçu des changements dans la manière de visiter le MAC LYON ?
K.C. : Le musée reflète le mode de vie de notre société, tout simplement. On voit les gens échanger sur les réseaux sociaux pendant leurs visites. Certains live-tweetent par exemple.
M.J. : Notre souci va consister à voir comment faire partie de ce quotidien des pratiques numériques. Quelles propositions culturelles faire ? Comment s’insérer dans ces pratiques devenues banales ?

Cet article a été diffusé en premier sur Art Design Tendance : http://artdesigntendance.com/mac-lyon-partie-2/

La rédaction

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