Nous poursuivons notre cycle d’entretien politique « CLIC pour 2014 » dans le but est d’interroger l’ensemble des candidats du Grand Lyon pour les municipales 2014 avec cet interview d’Aurore Ninino candidate à Lyon 3ème pour le parti solidarité et progrès. Pour l’interroger, Sebastien Gonzalves et d’Etienne Aazzab du Lyon Bondy blog, et Sylvain Metafiot de forum de Lyon, épaulés à la technique par Patrice Berger de radio Pluriel.
Mme Aurore Ninino vous êtes candidate aux élections municipales de Lyon en 2014 pour le parti Solidarités et Progrès qui ne présente qu’une seule liste dans le 3ème arrondissement. Pourquoi ne pas présenté des candidats dans tous les arrondissements de Lyon ?
La raison est assez simple : nous n’avons pas les moyens financiers de présenter une liste dans chaque arrondissement.
Alors pourquoi choisir le troisième arrondissement ?
J’y habite et j’aime beaucoup cet arrondissement car c’est un quartier extrêmement divers entre la Guillotière et Montchat : nous avons, dans un seul arrondissement, toute les différents composants de la société. C’est donc un arrondissement très riche.
Pouvez-vous nous présenter le parti Solidarités et progrès, encore peu connu des Lyonnais ?
C’est vous qui le dites. Il y avait un local de ce parti à Lyon, avant même que je sois né, et j’ai 29 ans. Cela fait donc un moment que les Lyonnais on pu rencontrer et discuter avec nos militants dans les rues de la ville. Notre visibilité et de notre existence politique tient énormément au fait qu’on va à la rencontre de la population sur la voie publique. Actuellement notre parti est présidé par Jacques Cheminade qui a été candidat à la présidentielle de 2012.
Où vous situez-vous sur l’échiquier politique français ?
On se dit gaulliste de gauche mais on n’aime pas trop les étiquettes car elles sont plus définies d’un point de vue formelle que sur le plan des idées. C’est la grande maladie de la politique d’aujourd’hui : on pense beaucoup en terme de parti, de positionnement, d’alliance et finalement on oublie le lien avec la population. Alimenter une réflexion chez nos concitoyens sur des idées, des projets, polémiquer même, mettre les débats sur la voie publique tout cela n’existe plus beaucoup dans les partis classiques.
Avec quel autre parti politique seriez-vous prêt à diriger la ville de Lyon ?
D’un point de vue personnel, je n’apprécie pas trop les extrêmes car il y a chez eux quelque chose de très violent, physiquement ou même dans l’expression verbale, qui ne me correspond pas du tout.
Avec qui faire alliance ? C’est très étendu car cela se ferait sous une forme d’adhésion à un programme. Le système de parti est dépassé et il n’a plus lieu d’être aujourd’hui. Ce qui compte ce sont des individus qui vont sortir de ces structures là et vont devoir avoir le courage de casser certaines règles du jeu et une certaine tradition de faire de la politique.
Quels sont les principaux thèmes du parti Solidarité et Progrès pour cette campagne municipale ?
Beaucoup de projets que nous souhaitons réaliser pour les municipales seront dépendants d’une transformation de notre architecture bancaire et financière au niveau national. Les communes, petites ou grosse, mais encore plus dangereusement les petites, sont dans une situation où, finalement, il n’y a plus grand chose qui leur permette de vivre. Et cela à cause d’un système financier devenu complètement fou.
Dexia en est l’exemple le plus scandaleux. Cette banque, vers laquelle les collectivités territoriales étaient orientées pour trouver du financement, a généré les fameux emprunts toxiques et fait contracter des prêts à des communes et des collectivités territoriales avec des taux d’intérêts variables qui aujourd’hui frôlent les 30 %. Cette banque a en partie fait faillite et les États français et belges l’ont renfloué pour la sauver. Et il vient de se passer la chose la plus scandaleuse qu’on pouvait imaginer. Des collectivités locales, comme le département de Seine-Saint-Denis ont porté plainte contre Dexia pour stopper le paiement de ces emprunts toxiques. Eh bien le gouvernement a fait passer dans le projet de loi de financement du budget 2014, l’article 6o qui intervient pour empêcher les communes de lancer de nouvelles procédures judiciaires contre Dexia et annuler de façon rétroactive les poursuites déjà initiées. Résultat, toutes les procédures normalement en cours devraient être arrêtées et, à terme, il sera impossibilité pour les collectivités de se retourner contre Dexia. En compensation, l’État propose une cagnotte dans laquelle les collectivités devront piocher pour payer ces emprunts jusqu’à ce que mort s’en suive.
Et pour Lyon ?
Il faut savoir que dans le projet Lyon-métropole, que Collomb a manigancé avec Mercier, il y a l’objectif de récupérer les emprunts toxiques du Rhône qui avoisinent les 480 millions d’euros. Et ça on va l’avaler. Quand on parle de l’avenir de la ville de Lyon il ne faut pas seulement parler du territoire mais réfléchir sur tout ce qui va définir sa capacité de développement, et les questions financières sont des questions essentielles. Nous souhaitons couper ces banques en deux et le maire de Lyon, qui a un poids au niveau national, devrait, pour l’avenir de sa ville, s’engager à faire pression sur le gouvernement français pour qu’il change sa politique. On doit vraiment mener la bataille contre le monde de la finance comme nous l’avait promis notre président actuel.
Êtes-vous pour ou contre le projet de métropole ?
À l’heure actuelle je suis contre parce que ce projet se place dans un certain environnement qui ne me convient pas. L’objectif de cette métropole affichée par Gérard Collomb c’est de faire de Lyon une grosse puissance dans le monde des grandes villes internationales. Or je pense que Lyon ne doit pas devenir un bunker qui survit avec un territoire rural alentour qui périclite. Au contraire elle doit être une ville qui dynamise, inspire et soutient tout ce qui l’entoure. On ne souhaite pas une métropole qui pille mais une métropole qui développe. Actuellement il n’ y a pas l’environnement nécessaire pour que cette métropole puisse exister.
Vous vous donnez pour mission de prolonger au niveau local le combat contre la finance folle entamé au niveau national. Mais pour se développer, Lyon doit pouvoir financer ses projets sans assommer ses habitants d’impôts ni vendre tous ses atouts à des groupes privés ou bailleurs de fonds étrangers. Comment proposer un budget équilibré sans hausse d’impôt, sans emprunt et sans vente d’actifs ?
C’est là où devient intéressante la question d’une transformation de notre système bancaire tant au plan national qu’international. On doit retrouver la capacité d’émettre du crédit public pour financer les grands projets, les grands investissements, comme le contournement ouest, qui sont nécessaires pour Lyon. En effet, sur ces questions d’aménagement du territoire qui dépassent la cadre de la commune un bureau du plan devrait pouvoir générer du crédit pour alimenter ces grands chantiers. Cela ne doit pas être seulement à la base fiscale de la zone géographique d’assumer ces choses là.
Concrètement, quelle politique fiscale voulez vous appliquer ? Êtes-vous favorable au programme d’austérité généralisé de l’économie française ?
Je n’aime pas l’austérité. Aujourd’hui on est obligé de faire de l’austérité parce que nous ne voulons pas changer la règle du jeu. Dans une période où les difficultés des gens pour vivre s’accroissent je pense qu’il faut faire beaucoup de choses mais certainement pas d’austérité. C’est pour cela que nous nous appuyons sur cette nécessité de remettre du crédit en place. Ce crédit doit pouvoir relancer une dynamique économique, de production, d’emplois qualifiés qui vont permettre de créer de la valeur ajoutée. C’est pourquoi on défend l’industrie : Lyon ne doit pas être qu’une ville de services et de finance mais aussi une ville qui produit et dans laquelle les gens puissent travailler, se loger s’occuper de leurs enfants et avoir une vie digne.
Continuerez-vous la politique de grands travaux mené par l’actuel maire de Lyon (quartier de confluence, l’aménagement des berges du Rhône, le quartier de la Part-Dieu, l’hôtel-Dieu) ?
Je les continuerai mais je suis loin être d’accord avec tout ce qu’a fait Gérard Collomb. Je pense que la question des logements est une nécessité : on doit continuer de construire des logements qui soient accessibles et permettent aux gens de vivre dignement après avoir payé leur loyer. Mais il y a eu énormément d’argent investit dans des projets que, personnellement, je n’aurais pas fait : le tunnel mode doux ou l’aménagement des berges du Rhône même si elles sont très agréables. Il y a quand même un fossé entre ce type d’investissement de prestige et une population qui vit difficilement. Quand on est dans une période faste où on ne sait pas quoi faire de son budget refaire les berges du Rhône pourquoi pas, mais pas dans une période de crise. Je vois un fossé énorme entre le rythme de vie, l’état d’esprit de cette municipalité actuelle et les difficultés quotidiennes dans la vie des gens. J’estime que c’est ce fossé là qui explique que la population ne se sente pas représentée et donc soit ne va plus voter, soit cède à une colère qui pousse à voter pour le Front national, ce qui mène nulle part.
En tant que candidate du 3ème arrondissement, que pensez-vous du projet d’amélioration du quartier de la Part-Dieu ?
Je ne suis pas fan du projet de Gérard Collomb de faire de la Part-Dieu la nouvelle City de Londres. Personnellement la City ce n’est pas ma copine, je n’aime pas du tout ces grands centres d’affaire, de finance et de sièges sociaux. Cela crée une ville à l’intérieur de la ville avec ses propres règles du jeu. C’est quelque chose de très froid, de très mort. Ils veulent faire de nouvelles tours parce que ça fait joli dans le ciel lyonnais mais je ne pense pas qu’on soit obligé de faire comme le quartier de la Défense à Paris. En revanche, on peut faire d’autres choses plus intéressantes avec cet argent, comme soutenir des secteurs productifs. Prenez Fagor Brand qui vient de déposer le bilan et ce qui a été entreprit pour la reconversion. Plutôt que de faire des tours à la nouvelle « City-Part-Dieu » on pourrait soutenir ces secteurs là qui assurent la vie de beaucoup de gens.
Que pensez-vous de la volonté, dans un souci de transparence démocratique, de moraliser la vie politique en dévoilant le patrimoine des élus ? Si vous êtes élue, dévoilerez-vous votre patrimoine et obligerez-vous vos collaborateurs à faire de même ?
Personnellement il n’ y a pas de problème car il n’y a pas grand chose à révéler. Cela dit, je ne juge pas un homme politique par rapport à ce qu’il a mais par rapport à ce qu’il fait. Et de toute façon j’imagine qu’il y a encore de bonnes combines pour ne pas tout dévoiler.
Quelles secteur économique favoriseriez-vous pour aider au développement de la ville de Lyon ?
J’aiderais, en règle générale, les entreprises innovantes car l’avenir ce sera les entrepreneurs qui font le pari d’aller vers une transformation, soit de leur façon de produire, soit de ce qu’ils produisent. Pour les PME-PMI innovantes on peut allouer des aides fiscales afin de les aider sur plusieurs années à lancer et développer leur activité. Nous pensons aussi qu’il faut investir assez massivement dans les transports, que ce soit dans les transports en commun ou les travaux d’aménagement.
Des exemples ?
J’ai suivi toute l’étude sur l’anneau des sciences et je serais plutôt favorable à un périphérique ouest mais à condition de ne pas installer de péage. La mise en place d’un péage annulerait les avantages d’un contournement ouest car ceux qui n’ont pas d’argent ne paieront pas et continuerons à rentrer dans la ville par les voies gratuites. De plus, ce périphérique ne doit pas se faire au détriment du développement des transports en commun. Nous défendons énormément l’investissement pour générer de nouvelles lignes de métro car c’est un moyen de transport de grande capacité et régulier. Ce sont des investissements lourds mais qui impactent la ville sur le long terme. Par exemple, dans le quartier de Confluence on aurait dû continuer la ligne de métro plutôt que faire le tramway.
C’est aussi une volonté écologique de vouloir favoriser le transport commun ?
Tout à fait, c’est la façon dont j’aborde la question de l’écologie : mettre tout les moyens disponibles dans des projets dont on sait qu’ils améliorerons le cadre de vie.
Pour les transports urbains on peut inciter les gens à prendre les transports en commun sans être obligé de créer, à l’inverse, des situations invivable pour les automobilistes comme la suppression des places de parking. Je suis plutôt pour inspirer les gens à aller vers le mieux et pour cela il faut de l’argent pour construire des parkings relais et des connexions fortes avec le métro.
Lyon a connu l’émergence de différents grands événements culturels. Que représente la culture pour vous ?
Malraux disait « la culture est la réponse lorsque les gens se demandent se qu’ils font sur Terre ».
La culture est tout simplement la colonne vertébrale d’un individu.
Pour vous, la culture, c’est juste faire découvrir des grands peintres…
« Juste », non. Si on le faisait, ça serait déjà bien. C’est aussi démocratiser la culture. Par exemple, les deux orchestres, celui de l’Opéra et celui de l’auditorium, certaines personnes n’y vont jamais. Il y a un budget important à Lyon pour la culture. Mais la question est de savoir comment on amène cette culture-là vers les gens. Pour beaucoup, la culture n’est pas une habitude.
Si vous êtes élue, vous allez donc privilégiez la culture dite « bourgeoise » au détriment d’autres cultures ?
Je ne sais pas si je la laisserais de côté, mais disons qu’il y a des choses très profondes dans ce qu’on appelle habituellement la culture classique. Malheureusement, elle est réservée à une élite et je n’aime pas ça. C’est pour cela qu’avec les moyens actuels, j’enverrais des quatuors à la sortie des usines ou des écoles. Aujourd’hui, une partie de la population n’a accès qu’à la connerie qu’on nous balance à la télé.
Et donc la culture lyonnaise n’aurait pas sa place (Guignols, la fête des Lumière…) ?
Si, Si. Je ne suis pas aussi rigide que ça (rire). Guignol aurait sa place. J’aimerais même qu’il tape un peu sur Collomb (rire), ça ne lui ferait pas de mal.
Pour vous, la politique est un art ?
Oui mais pas dans le sens où on joue quelque chose. Dans le sens où c’est quelque chose qui fait partie de nous. La société, le monde, le quotidien, nous en faisons partie. Nous en sommes même acteur et créateur.
Que pensez-vous des associations de quartiers ? Permettent-elles un lien social ? Faut-il les aider d’avantage ?
Oui mais cela dépend des associations, je ne les connais pas toutes. Par exemple, je connais une association qui a assurée un suivi important après l’accouchement d’une amie. C’est un exemple qui démontre le rôle très important de ces associations dans la société. Ce n’est pas négligeable et ce n’est pas sur ce genre d’associations qu’il faut appliqué l’austérité économique.
Ces associations permettent-elles un équilibre, favorisent-elles la paix sociale ?
Une bonne association doit réunir des gens différents autour d’une même passion (ex des gens d’une association spécialisée dans les maquettes de trains). Des gens différents qui se retrouvent et discutent ensemble.
Les gens qui pensent tous pareils, c’est un parti politique…
Oui mais alors c’est un parti politique « politicard ».
Quel est votre avis sur les Jeux vidéo ?
Je n’y ai jamais joué. J’ai eu une console plus jeune, mais en fait je ne trouvais pas ça intéressant. Ce que je n’aime pas, ce sont les choses qui rendent la violence gratuite. Certes, tous les jeux vidéo ne rendent pas violent. Contrairement à l’art, un jeu vidéo est fini. Vous évoluez toujours dans un environnement qui a été déterminé par d’autres. Vous ne pouvez jamais sortir de la règle du jeu déterminée.
À cause des jeux vidéos, les ados sont « en danger de mort » ?
Je pense que le jeu vidéo, dans l’état actuel de la société, ne fait pas du bien. Les jeux vidéos de guerre violents sont à la base des programmes militaires qui apprennent à désinhiber et à tuer.
Vous voulez donc interdire ce genre de jeux vidéos ?
Les jeux vidéos violents oui, jusqu’à 18 ans. Après les gens sont matures et font ce qu’ils veulent. L’adulte est capable de faire la part des choses ce qui n’est pas le cas à neuf ou dix ans. Il ne faut pas jouer à l’apprenti sorcier avec nos enfants.
Les réseaux sociaux sont-ils un moyen de communication pour vous ?
Personnellement je ne les utilisent pas du tout mais oui s’en est un car il y a énormément d’utilisateurs de ces réseaux. Après, il y a à boire et à manger : le soucis de ces réseaux sociaux c’est que derrière la façade il y a peu de réflexion, vous mettez « j’aime » sur sujet et puis deux minutes après vous mettez j’aime sur un truc complètement contradictoire avec ce que vous avez mis avant.
Vous parliez de limiter l’accès aux jeux vidéos violents à des enfants. Seriez-vous près à limiter l’accès aux réseaux sociaux aux enfants ?
Je ne me suis pas posée la question. Je ne sais pas si c’est possible. J’ai des amis professeurs et ils me disent que c’est un fléau. En période de cours, notamment.
Une des questions qui préoccupent le plus les Lyonnais, c’est la politique de la petite enfance, et notamment les places en crèches. Que préconisez-vous ?
Il faut faire plus de crèches. Je ne vois pas trop d’autres solutions. Il faut générer plus de lieux d’accueil.
Des crèches municipales ou privées ?
Municipales, je suis attachée au service public, même si cela a un coût supplémentaire. Mais c’est aussi une qualité de vie supplémentaire. Aujourd’hui, il y a des situations compliquées pour certaines mamans, qui doivent gérer des assistantes maternelles ou choisir une boite privée pour laquelle on paye chère à la fin du mois. Dans une ville, les enfants sont l’avenir. Le système D n’est pas tenable.
Sur la reforme de la semaine de quatre jours. Que préconisez-vous ?
Je pense que l’idée des quatre jours et demi n’est pas une mauvaise idée. Après, pour du périscolaire, il faut des moyens. Pour en avoir discuté avec une personne qui travaille dans le domaine musical, le suivit est un peu chaotique. Il y a aussi la question du financement. Car l’idée centrale de l’Éducation nationale, c’est que tout le monde soit dans les mêmes conditions. Si vous avez des communes qui ont des moyens et qui payent cette fameuse demie journée, très bien, mais si, dans d’autres communes, ce sont In fine les parents qui sont sollicités, cela veut dire que tous les enfants ne sont plus à la même enseigne… La semaine de quatre jours et demi, oui, mais avec des moyens. Et pour cela, il faut une politique nationale. Et avec de vrais moyens, cette demie journée doit vraiment servir à quelque chose, leur faire découvrir l’art, la botanique… Cela peut être un temps très enrichissant, un temps d’éveil à la vie.
Selon vous, avec des exemples concrets, quelles sont les insuffisances de la politique sociale lyonnaise ? Sur l’hébergement d’urgence par exemple ?
Je ne connais pas trop ce sujet. Par contre, la situation à Lyon montre que la pauvreté grandit. Le secours populaire disait récemment qu’il a besoin de plus en plus. En mesure d’urgence, il faut essayer de trouver des gymnases, etc.
Mais ce sont des solutions à court terme…
Oui, c’est vrai. Mais pour des solutions à long terme, il faut inverser la courbe de pauvreté en France. Que les gens retrouvent de quoi vivre de leurs propres moyens. C’est une question qui va très loin. Celle de l’accueil d’urgence, de l’aide alimentaire est que si il y a une aide qui ne met pas les gens sur une piste, il y a un moment où les gens sont détruits de l’intérieur, touché dans leur dignité. Il faut donc remettre en place une politique de plein emploi. C’est dans notre constitution, le droit de travailler. Ce droit est essentiel pour rester des individus dignes.
Comment faire pour atteindre ce plein emploi ?
La réponse n’est pas à l’échelle de Lyon. Premièrement, il faut reprendre un certain contrôle sur nos finances, c’est à dire notre capacité à émettre du crédit. Il faut trier dans nos finances car il y a une part légitime et une autre qui est du pur pillage financier. Il faut faire le ménage. A partir de là, il faut relancer la machine économique basée sur des grands projets, des aménagements du territoire, de la recherche, en sollicitant les PME. Le gros de l’emploi, malgré les courbettes faites aux grands groupes, ce sont les petites et moyennes entreprises qui le créait. Il faut favoriser la création d’entreprise qui puisse sortir de terre, et pour cela, il faut que les banques suivent. Aujourd’hui, le problème est que les banques suivent les entreprises sans risques. Ceux qui ont l’idée et la motivation, c’est la croix et la bannière.
Pour revenir sur la politique sociale, que faire de ces familles Roms ou autres, comme les Albanais, pour qui on ne trouve pas de solution, que ce soit à court ou moyen termes ?
À Lyon, on ne peut pas faire grand chose. Il faut gérer l’urgence comme on peut. La situation est telle car l’Europe nous a vendu un rêve : « Des pays européens qui se tiennent chauds, des pays qui ne se font plus la guerre car ils sont dans une belle Europe… ». Sauf que l’Europe, nous ne l’avons pas construit. Il y a une Europe financière, une Europe du libre échange afin d’exploiter la main d’œuvre qui comptait moins chère au sein de la même zone monétaire mais nous n’avons pas développer les pays. Et, en fait on se retrouve avec une immigration intérieure au sein de l’Union européenne ou les plus pauvres bougent car ils n’ont plus grand chose à perdre chez eux pour arriver chez ceux qui sont encore un peu au-dessus du lot. Mais la France ne va pas rester au dessus du lot très longtemps. Je pense qu’on va se faire manger au même tarif que les Grecs, les Italiens ou les Portugais et les Espagnols. C’est pour cela qu’il faut redéfinir l’Europe. Les grands projets en cours n’apportent pas grand chose. La ligne TGV Lyon-Turin, qui est actuellement présenté comme un projet isolé, est à la base l’élément de la mise en place de la connexion Lisbonne-Kiev qui était censée bâtir un développement terrestre de l’Ouest à l’Est. En somme, avoir quelque chose de physique qui construit un niveau de vie pour chacun, et ça, l’Europe ne l’a pas fait. Du coup, on se retrouve aujourd’hui avec une Europe qui a fait circuler beaucoup d’argent, qui a créé des bulles à droite à gauche, mais qui n’a pas accrue le niveau de vie général.
Préconisez-vous la sortie de l’euro pour la France ?
Oui, car l’Euro a été conçu comme un cache-misère. Les problèmes qu’on a aujourd’hui on les aurait eu même sans l’euro mais en faisant l’euro on a mis un petit cache devant : avec le discours « on a fait une monnaie unique, tout se passera bien ». On a ôté la capacité d’émettre du crédit public qui est une conséquence directe de ce processus d’union économique et monétaire. Cela dit, ce n’est pas sortir de l’euro qui réglera le problème. On avait déjà une monnaie commune avant l’euro concernant les échanges à l’intérieur de la zone européenne. Une monnaie c’est un outil. Là l’outil ne marche pas bien donc il convient de le changer. En changeant la monnaie on changera l’état d’esprit, c’est pour cela qu’on se bat. Il ne faut plus concevoir l’état monétaire comme une valeur en soi mais comme un outil permettant d’avoir une valeur réelle qui passera par le développement d’un pays et l’accroissement du niveau de vie des gens.
Pour conclure, quant au volet sociétal, quelle est votre position par rapport au mariage homosexuel ?
C’est drôle car on m’a déjà posé cette question lors des élections législatives, l’année dernière.
Vous avez changé d’avis depuis ?
Non. Mon avis est qu’appeler ça « mariage » ça ne m’importait pas vraiment. La vraie question qu’il y a derrière est celle de la famille, de créer des foyers. Si on se met dans une perspective de permettre à des personnes de même sexe de créer un foyer il faut qu’ils aient une base, un lien officiel qui soit reconnu. Vous l’appelez « mariage » ou ce que vous voulez, je m’en fiche. En revanche, quand on est dans cette dynamique de permettre à des homosexuels d’avoir des enfants – et je n’y suis pas opposée – il faut leur permettre d’avoir un foyer qui soit bâti avec une responsabilité des deux parents envers les enfants. C’est cela le mariage classique.
Je me méfie aussi des faux débats. La super réforme bancaire, promise par François Hollande, est passée au même moment que le mariage homo. Personne n’a vraiment fait attention à la réforme bancaire mais tout le monde était enflammé sur le mariage homo. J’estime, en partie, que sur ce sujet là, la communauté homosexuelle a été utilisée comme une diversion pour attirer l’attention des gens sur un fait de société, alors que la question fondamentale devrait être : comment avoir un travail et nourrir sa famille, que l’on soit hétérosexuel ou homosexuel ?
Si vous êtes élue maire de Lyon vous procéderez à des mariages homosexuels ?
Oui, je pense.
Que préconisez-vous comme solutions face à l’insécurité, notamment concernant l’augmentation des actes antisémites et anti-musulmans ?
Je ne sais pas s’il y a une réponse facile à cette question.
Une des solutions pourrait-elle être, selon vous, l’augmentation de la vidéosurveillance ?
Non, je n’y crois pas.
Pourquoi ?
Parce que quand vous vous faites agresser, vous vous faites agresser trente secondes, une minute. Si on a l’enregistrement vidéo, c’est bien, et alors ? Vous avez une preuve, vous allez pouvoir rechercher les méchants mais le mal est fait.
Quelles seraient vos solutions ? Augmenter la police, les médiateurs sociaux ?
J’estime, tout d’abord, que ces violences arrivent dans une société malade, généralement en crise, comme la notre. De fait, la solution facile pour les gens pas très malin est de chercher un bouc émissaire. Le mec sur qui on tape on ne sait pas vraiment si c’est de sa faute mais ça fait du bien de taper dessus. Les violences envers une communauté ou une autre viennent d’un climat général.
Personnellement j’ai toujours favorisé le contact humain. La sécurité ce n’est pas de mettre un flic qui tape sur quelqu’un, c’est bâtir un climat général de confiance, de discussion…
Concrètement, pour bâtir ce climat que faut-il faire ?
Il faut des hommes et des femmes. Je ne sais pas quoi faire dans le détail mais le facteur déterminant c’est l’état d’esprit général d’un pays dans lequel les médias ont un rôle important. Je pense qu’il n’est pas difficile de recréer un état d’esprit de vivre ensemble à partir du moment où l’on va de l’avant. En revanche, quand on a une société qui stagne où tout le monde se regarde en chien de faïence, à être suspicieux, à savoir ce que lui a que moi je n’ai pas, etc. il y a tout un tas de folie qui se greffent sur cet état là. Il est donc important de remettre en marche le cœur de la vie économique où l’on peut vivre de son travail sans avoir l’impression de se faire avoir à chaque nouvelle réforme, à se faire taxer de nouveau.
En parlant de réforme, que pensez-vous de celle de la justice concernant la politique pénale ?
Je ne l’ai pas suivi donc je ne peux pas vous dire.
Cette volonté de vouloir désengorger les prisons surpeuplées et d’éviter l’application systématique des peines planchers, que vous inspire-t-elle ?
Le problème de la prison est qu’on ne fait rien pour réintégrer les prisonniers dans la société. La prison doit être un lieu de changement sinon elle ne sert à rien. Aujourd’hui, lorsqu’on sort de prison on retourne généralement à son business, on est laissé à soi-même. La prison doit être un lieu où l’on donne une chance. Les prisons françaises sont surpeuplées…
Et avec des conditions sanitaires et d’hygiène déplorables.
Oui, je trouve cela honteux. On trouve des rats également dans certains commissariats… La prison n’est pas la voie facile, cela ne règle rien. Il y a de très profonds problèmes dans ce pays qu’on ne peut pas régler comme ça, lors d’une municipale. C’est l’état esprit d’une population qui se projette dans un avenir où on se fera balader par nos hommes politiques. L’homme politique a un rôle d’inspirateur, d’exemple. Le problème est qu’il ne montre pas vraiment l’exemple. C’est aussi pour cela qu’il y avait tant d’attente envers François Hollande et qu’il y a eu beaucoup de déception. Une déception aussi forte peut créer des monstres.
Vous estimez que Lyon est une ville sûre ou qu’elle baigne dans l’insécurité comme le présente certains médias ?
Je ne sais pas. C’est difficile comme question car on a tendance à l’analyser de son point de vue personnel : je me suis fait chahuter plus ou moins gratuitement il n’y a pas si longtemps que ça. Parfois, quand on rentre chez soi on ne se sent pas trop en sécurité. Après, je ne pense pas que Lyon soit pire qu’ailleurs mais quand on a une dégradation de la population – des gens pauvres, qui dorment dans la rue, qui se droguent, qui boivent, qui sont détruits, qui ont leur capacité de jugement altéré – on ressent une certaine peur envers eux.
Que pensez-vous de la construction du grand stade à Décines ?
C’est une arnaque, une escroquerie. Je me souviens encore quand on nous disait « pour le grand stade vous ne paierez aucun euro ». C’est exemple typique de copinage qui aboutit à expulser des gens pour rien.
Si demain vous êtes élue vous arrêtez la construction du stade ?
Il faut être élu vite car ils vont se dépêcher pour terminer la construction même si la première pierre vient d’être récemment posée. C’est une surface énorme, au moins cinquante hectares, 60 000 personnes… C’est scandaleux.
Vous ne pensez pas que cela va donner du travail au gens ?
Non je ne crois pas. Certains vont bosser dessus pendant deux trois ans, c’est tout. Après il faudra vendre des tee-shirts de l’OL…
Par ailleurs, ce stade sera desservi par un tramway alors que les supporters viendront en voiture.
Cela favorise les transports urbains.
Oui mais dans ce cas-là il fallait faire un métro. Le tram ne servira à rien. En plus c’est un transport de surface donc il est dans la circulation ce qui interdit une fréquence très importante. On gaspille des sous…
Plus généralement, que pensez-vous de la politique sportive de la ville de Lyon ?
Lors d’un conseil municipal à la mairie centrale il y a quelques mois, un élu Vert a fait une intervention très intéressante en disant qu’à Paris le PSG n’était plus subventionné. J’estime que Lyon devrait faire de même. On devrait arrêter de subventionner les gros clubs qui génèrent beaucoup d’argent et favoriser le sport amateur, lui donner les moyens de se déplacer, de s’entraîner dans des infrastructures. Le sport c’est très formateur, notamment les sports d’équipe. Cela permet de construire un groupe, de construire une pensée collective. Malheureusement, le sport professionnel, notamment le football ce n’est pas tout à fait ça : c’est un sport business où les joueurs gagnent des sommes astronomiques.
Si nos auditeurs souhaitent vous contacter que doivent-ils faire ?
Nous avons un blog : lyon.solidaritetprogrès.org
Ainsi qu’un numéro de téléphone : 06 28 75 06 80
En vidéo : 3 questions à Aurore Ninino
Entretien avec Jacques Cheminade