À l’approche des élections législatives des 30 juin et 7 juillet, Margot Savin, co-secrétaire régionale des écologistes, revient sur les tractations entre partis et l’importance du vote. Elle met également en avant les mesures phares envisagées par le Nouveau Front Populaire.
Lyon Bondy Blog : Depuis lundi dernier, des tractations ont eu lieu. Il y a un nouveau Front populaire, avec les écologistes, les insoumis, les communistes et les socialistes. Cela a été un peu compliqué jusqu’à jeudi soir. Quel a été le point commun avec tous les groupes politiques ?
Margot Savin : Cela n’a pas été compliqué. Je pense que si nous nous étions mis d’accord en deux heures autour d’une table dans un bar sur le programme et sur l’ensemble des élus que nous allions présenter, toute la France entière, à juste titre, aurait été inquiète. Quatre jours, c’est quand même court, donc c’est très rapide. C’est plus court que d’anciennes tractations qui ont eu lieu par le passé. En même temps, c’est long pour les personnes qui attendent et souhaitent savoir ce que le Front Populaire va proposer. Quels sont les députés, les députés du Front Populaire qui vont être présentés dans toutes les circonscriptions ? L’attente a donc été longue, surtout pour les médias qui nous demandaient chaque jour ce qui allait se passer.
Lyon Bondy Blog : Donc il y a eu des tractations dès le dimanche soir. Ce sont les écologistes qui ont été reçus dans son QG à Paris ?
Margot Savin : Tout à fait. Ce sont les écologistes qui ont été à la manœuvre et qui ont joué le rôle de médiateurs entre toutes les forces politiques. Ils ont bien compris la demande de toutes les personnes qui manifestent et ont pris les devants. Nous avions une véritable envie d’union. Nous avons donc commencé naturellement à contacter l’ensemble des partis. Nous nous sommes rendus compte que nous avions un rôle à jouer pour réussir à réunir tout le monde autour de la table. Nous avons pris ce rôle avec beaucoup de responsabilités. C’est ce qui a été demandé par toutes les personnes qui ont manifesté dans la rue.
Étant donné la situation et le contexte politique, avec le risque de voir le Rassemblement national et les extrêmes droites entrer au gouvernement, nous n’avions pas d’autre choix que de faire en sorte que tout le monde puisse se réunir autour de la table. Ainsi, lundi après 12 h, l’ensemble des partis s’est réuni. Tout au long de la journée, il y a eu plusieurs rencontres bilatérales ou trilatérales.
À la fin de la journée de lundi, tous les partis se sont mis d’accord pour aller ensemble vers l’Union. Les premiers à rejoindre le QG ont été les communistes, suivis immédiatement par les Insoumis et, en dernier lieu, les socialistes. Cependant, il y a eu des rencontres préalables avec les communistes et les socialistes, puis avec les communistes et la France insoumise, ainsi que des appels parallèles. Il n’y avait pas vraiment d’ordre précis.
Finalement, toutes les personnes se sont retrouvées ensemble autour de la même table. Il y a eu des rencontres bilatérales à plusieurs moments dans la journée, parfois en parallèle. Il n’y a donc pas eu de premier ou de dernier.
LBB : Alors, il y a le retour de quelqu’un qu’on avait un peu oublié, c’est Monsieur Yannick Jadot. Que devient-il ?
Margot Savin : On ne l’a pas oublié puisqu’il est sénateur depuis les dernières élections, élu en Île-de-France. Il a joué un rôle important dans les négociations avec Marine Tondelier et Cyrielle Chatelain, notre présidente du groupe écologiste à l’Assemblée Nationale et députée en Isère. Ils ont tous les trois dirigé les tractations sur le programme avec les différents partis partenaires. Bruno Bernard et Olivier Bertrand, maire adjoint à Grenoble, ont également été impliqués.
Olivier Bertrand est délégué aux élections au niveau national et nous avons rappelé des personnes ayant l’expérience des négociations passées, comme Bruno Bernard. Ces personnes, dont Yannick Jadot, Cyrielle Chatelain, Marine Tondelier, Olivier Bertrand et Bruno Bernard, ont été essentielles dans les négociations sur les différentes modalités.
Il y avait des équipes de négociation distinctes pour le programme, les circonscriptions et les modalités de campagne, incluant le logo, le nom et l’organisation des meetings nationaux. Toutes ces équipes ont travaillé en parallèle pour être les plus efficaces possibles. Il ne s’agissait pas seulement de négocier les circonscriptions, mais aussi de discuter des modalités de campagne, des couleurs représentatives, etc. Ces discussions ont été nécessaires et urgentes, car nous n’avions pas le temps de les repousser.
LBB : Il y a 175 circonscriptions pour le PS et Place publique, 50 pour les communistes, 92 pour les écologistes et 229 pour les insoumis. Comment ce nombre de circonscriptions a-t-il été réparti ? Est-ce basé sur les résultats des élections européennes ou y a-t-il eu d’autres tractations ?
Margot Savin : Il y a plusieurs éléments à considérer. Nous avons repris l’accord de 2022 . Nous sommes partis sur le nombre de circonscriptions de 2022, car nous n’avions pas le temps de renégocier chaque circonscription individuellement. Il y a eu des demandes de réajustement et de rééquilibrage de la part du Parti socialiste et des autres partis en fonction des résultats des élections. L’objectif est de placer les bons candidats, ayant les compétences adéquates, pour remporter ces circonscriptions. Nous voulons être majoritaires à l’Assemblée après le 7 juillet, et pour cela, des ajustements étaient nécessaires au sein de tous les partis.
Par exemple, dans la circonscription 69-12 (Francheville, Irénée, Oullins, Pierre-Bénite), nous avons une médecin pathologiste issue de la société civile, porte-parole du collectif « PFAS » et membre de « Temps d’agir », choisie par les écologistes pour porter les enjeux locaux. Elle se présente contre Cyrille Isaac-Sibille, député sortant de la macronie et représentant du lobby des poêles Tefal.
Dans la circonscription 69-02, Boris Tavernier, un candidat du Front populaire, a été sélectionné. Il est connu pour ses actions en faveur des quartiers populaires et de la justice sociale. Ces décisions montrent notre volonté d’inclure des candidats issus de la société civile et en phase avec les enjeux locaux.
L’ancien candidat Hubert Julien-Laferrière ne se représentera pas, étant engagé dans la sauvegarde des grands singes. Dans la troisième circonscription, Marie-Charlotte Garin est attendue pour l’emporter. Elle a déjà porté des enjeux importants à l’Assemblée nationale, comme l’inscription de l’IVG dans la Constitution et des travaux sur le consentement.
En résumé, nous avons travaillé pour équilibrer les circonscriptions de manière à maximiser nos chances de succès, en intégrant des candidats compétents et en phase avec les attentes des électeurs.
LBB : Pour la place de Premier ministre, Olivier Faure a demandé à avoir un rapport de force, notamment celui qui a le plus de représentants à l’Assemblée nationale. Sandrine Rousseau s’est montrée plutôt positive à cette idée, tandis que Mélenchon était un peu moins favorable. Comment se passe ce débat au sein du nouveau Front populaire ?
Margot Savin : Le débat sur le ou la Premier ministre, et j’insiste sur le fait que cela puisse être une femme, n’est pas encore tranché. La priorité a été l’élaboration d’un programme. C’est ce que privilégient les Français, savoir ce qu’on leur propose concrètement. Nous proposons l’augmentation du SMIC à 1600 euros, l’école gratuite pour tous les enfants, un « ISF vert » pour financer la transition énergétique, et beaucoup d’autres mesures sociales et écologiques. Je ne pense pas que le nom d’un Premier ministre soit la priorité pour les Français. Ce qui compte, c’est ce qu’ils auront dans leur frigo à la fin du mois et ce qu’ils auront dans leur porte-monnaie. Il est crucial de les accompagner dans la transition écologique, de manière que cela se fasse avec eux et non contre eux, et de les soutenir surtout.
Aujourd’hui, rien n’a été acté. Si le Front populaire l’emporte lors des élections les 30 juin et 7 juillet, il faudra déterminer une personne consensuelle acceptée par toutes et tous au sein du Front populaire. Je n’ai aucun doute sur le fait que cela ne posera pas de problème.
LBB : Enfin, un peu de politique fiction. Si le 8 juillet tout se passe bien et que, par exemple, c’est un ou une écologiste qui devient Premier ministre, quelle sera la première mesure du nouveau Front populaire vis-à-vis de la population ?
Margot Savin : Dans le programme, il y a les quinze premières mesures à mettre en œuvre dans les quinze premiers jours. Tout d’abord, il y aura l’abrogation de la réforme des retraites, ainsi que des lois chômage, un décret qui doit être signé et publié par le 1er ministre pour restreindre davantage les droits chômage entre le deux tours, comme l’a annoncé le Premier ministre actuel. Ensuite, il y a l’augmentation du SMIC, la préparation de la rentrée pour qu’elle soit gratuite pour tous les enfants, comme je l’ai mentionné précédemment.
Il y aura également le blocage des prix de l’énergie, afin de protéger le pouvoir d’achat des Français. Le programme prévoit de nombreuses mesures réparties sur les quinze premiers jours et les cent premiers jours. Ensuite, il y aura des propositions législatives, notamment sur la gestion de l’eau. Nous avons déjà mis en place des actions au niveau de la métropole de Lyon pour faire de l’eau un service public, le moins cher possible pour les personnes qui ne polluent pas et consomment moins.
Nous avons l’intention d’appliquer ces actions au niveau national. Il y aura aussi un moratoire sur les grands projets inutiles et une interdiction des projets de méga-bassines. De nombreux sujets seront remis sur la table et réétudiés en fonction des besoins de la transition écologique.
LBB : Est ce qu’il y a un problème de proximité entre les politiques et les citoyens ? Et justement, est-ce qu’il faut rétablir ce lien ?
Margot Savin : Il faut rétablir ce lien, il faut rétablir la démocratie dans nos instances, à l’Assemblée nationale, mais aussi en local. Après on voit les citoyens. Quand vous allez dans des petites ruralités, dans des villages, ils ont confiance en leur maire, ils ont confiance en leurs élus municipaux, etc. Donc on voit que le problème, il n’est pas à ce niveau-là, mais qu’il est à un échelon supérieur.
Il y a une volonté de transparence de la vie publique qui est clairement à rétablir. Une réforme au niveau des médias qui est à porter .
Il y a également un rapport qui avait été rendu par le rapporteur de la commission sur l’attribution des chaînes de la TNT pour transmettre les fréquences à l’ARCOM, pour auditer tout cela. Ce rapport a été rendu, et des propositions devront être mises en oeuvre pour s’assurer la liberté de la presse, pour s’assurer de son indépendance et de s’assurer qu’aucun candidat issus des rangs des médias ou les milliardaires ont l’ensemble de leur patrimoine et font en sorte d’influencer la vie politique française. Il y a beaucoup de sujets sur lesquels il faut travailler. Il faut redonner de l’indépendance aux médias à remettre sur la table. Cela fait partie de la défiance aujourd’hui des citoyens envers les politiques, mais ils ont aussi envie de constater que les politiques qui les représentent soient issues de leur environnement, des personnes qui leur ressemble et issue de la Société civile, Et c’est aussi une des raisons pour lesquelles on va vers ça. C’est à dire qu’on investit plus des hommes politiques politiciens, de plus en )plus des personnes issues de la société civile, une médecin, un président d’association. Enfin voilà, on essaye de faire en sorte que les profils qu’on envoie à l’Assemblée représentent la société dans son entièreté..
LBB : Nous arrivons à la fin de l’interview. Avez-vous un dernier mot à ajouter pour expliquer pourquoi il est important d’aller voter ?
Margot Savin : Parce que notre destin en dépend. Chaque personne doit imaginer ce que pourrait être la vie sous un gouvernement du Rassemblement national, qui restreindrait les droits des personnes issues de l’immigration, des femmes et des personnes LGBT, et qui réduirait le pouvoir d’achat des Français. Ceux qui ont voté pour une augmentation du SMIC ne sont pas du Rassemblement national, mais du Front populaire.
Je veux dire à toutes ces personnes qu’il ne faut pas se résigner. Il est possible de faire en sorte que le Rassemblement national ne soit pas au gouvernement. Ce n’est pas une fatalité. Il est possible de donner une autre alternative avec le Front populaire, mais pour cela, il faut aller voter. Si on ne peut pas être présent, il faut faire une procuration. Nous avons fait un travail de terrain avec le hashtag « trouve ta circonscription » et des sites en ligne comme Front Populaire Procurations et voteécolo.fr pour aider à faire des procurations.
Si quelqu’un a des difficultés, il peut venir à nos locaux à Lyon, Grenoble et ailleurs pour demander de l’aide pour faire une procuration. C’est simple, il suffit d’aller à la gendarmerie, cela prend deux minutes. Nous trouverons quelqu’un pour porter la procuration. L’important est de faire en sorte que le Rassemblement national ne passe ni au premier ni au second tour.
Nous constatons que le Front populaire sera probablement face au Rassemblement national au second tour. Nous ne pouvons pas compter sur Macron pour faire basculer le vote, car son camp semble affaibli et incapable de gouverner ou de soutenir qui que ce soit. Le Front populaire devra probablement se débrouiller sans lui, et nous n’attendons pas son soutien.