Le jeudi 2 juillet à 11 h 30, le quartier de la Duchère a vu disparaître par implosion la tour 230, la troisième tour détruite depuis 2003. Cette destruction, consécutive à la politique définie dans le cadre du Grand Projet de Ville, a pour objectif d’améliorer le cadre de vie et permettre la rénovation urbaine du quartier. Le projet Lyon La Duchère estimé à 750 millions d’euros, est financé aux deux tiers par des partenaires publics tels que la Ville de Lyon, la Métropole, la Région, l’ANRU… Pour les habitants, cet évènement suscite émotion et souvenirs.
En moins d’une minute, la dernière tour des 1000 qui a servi de logement pour des milliers de personnes s’est transformée en un tas de ciment et a fait remonter un nuage de poussière (pour un coût estimé à 4,8 millions d’euros). Beaucoup de personnes se sont rendues à la Duchère pour assister au spectacle. Les anciens habitants de la barre 230 ont fait part de leurs sentiments de nostalgie car elle représente une période extrêmement importante dans leurs parcours personnels. Une ancienne habitante du quartier témoigne :
« Le changement c’est bien. Mais je sens quelque chose. Maintenant, c’est mieux parce que le bâtiment où je vis est neuf. Mais avant on était bien parce qu’on était nombreux. Avec les voisines… C’est ça qui fait mal ».
« Maintenant on est tous séparés »
En 2003, le quartier de la Duchère comptait 12 500 habitants dont 80 % de logements sociaux. Des appartements dans de nouveaux immeubles ont été proposés aux anciens résidents des trois tours qui ont été démolies depuis le début de projet.
Pour une femme de 49 ans qui a vécu plusieurs années de sa vie dans les tours « des milles », dont 7 ans au 230, les changements ne devraient pas s’arrêter maintenant :
« Franchement ça me fait très mal au cœur. D’un côté, c’était bien d’habiter là-bas. Je suis dans le neuf, et c’est bien aussi, je préfère maintenant. Ça change, c’est un nouveau quartier. On espère seulement que ça va changer les choses. Il y avait un laisser-aller quand même au dernier moment, qu’on a dû payer cher. On était envahi par les punaises, par les cafards… La dernière année, c’était catastrophique ».
Si la plupart des anciens habitants de la tour ont été relogés dans des appartements d’une meilleure qualité, les souvenirs d’une vie collective les attristent. Les anciens voisins essayent toujours de se voir, car il est difficile de s’habituer au nouveau climat de voisinage dans les bâtiments neufs. « C’était mieux avant… On avait beaucoup d’amis là-bas. On aimait ces gens-là comme une famille. Maintenant on est tous séparés ».
Une femme, arrivée du Kosovo dans les années 1990 a vécu 13 ans dans le bâtiment :
« Pour moi c’était bien, c’était mon premier appartement quand je suis arrivée du Kosovo. Je n’ai jamais eu de problèmes là-bas. Je suis triste, parce que c’est dur. Ça change beaucoup de choses : dans les bâtiments neufs, les gens sont différents. Maintenant, je suis dans un appartement qui est neuf, mais je trouve que c’était mieux avant. Même si c’était vieux, nous étions de bons amis avec mes voisins. C’est triste ».
« Ça nous a mis en difficulté financière »
Une habitante d’une cinquantaine d’années qui a passé 18 ans dans la barre 230 nous explique les difficultés financières dans les logements neufs :
« On était les derniers à sortir. On était comme une petite famille là-bas. Il y avait des difficultés, mais des points positifs aussi. Avec ce relogement, je trouve qu’ils n’ont pas tout respecté. Je fais partie du collectif 230 (NDLR collectif d’anciens habitants de la tour), et nous sommes nombreux à avoir des difficultés pour payer les loyers. Près de 60 % des familles se trouvent en difficulté de paiement dans le neuf. Les appartements sont mieux, mais maintenant on a peur de regarder la boîte aux lettres tous les mois. Ça nous a mis en difficulté financière ».
Le quartier est aujourd’hui plus animé, beaucoup de structures associatives se sont implantées. Lucie, une jeune habitante d’un quartier voisin est pleine d’espoir. Elle est habituée à venir passer son temps libre avec des amis à la Duchère et elle voit clairement un changement :
« Je n’aimais pas trop la tour, et je trouve que c’est 10 fois mieux qu’avant. Avant je ne pouvais pas y aller toute seule, ma mère m’y interdisait. Il fallait absolument que je sois accompagnée par mon frère ou mon père. Maintenant, on voit clairement qu’il y a un changement d’ambiance et ça fait du bien ».
Et un habitant de conclure :
« Je trouve que c’est une bonne chose, ça marque la fin d’une époque. Avec la démolition, les nouveaux bâtiments vont attirer les nouveaux clients qui ne viennent pas forcément de la Duchère. On va avoir une meilleure mixité sociale, et puis ça va peut-être diminuer la délinquance, on ne sait jamais ».
C’est tout le mal qu’on leur souhaite.
Alain Pourtier de l’OPAC du Rhône revient sur le projet Lyon La Duchère :itw-Alain-Pourtier-OPAC
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Jelena Dzekseneva
avec Jonathan et Dimitri Bonnet
© Image de Une : Jonathan Bonnet
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