Avant de s’arrêter aux matchs de handball qui ont eu lieu vendredi 24 mars, nous avons interviewé la responsable de la ligue féminine de handball Vanessa Khalfa. Elle revient notamment sur le processus de professionnalisation qui a été mis en place pour les équipes de deuxième divisions.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Vanessa Khalfa, je suis la responsable de la ligue féminine de handball depuis le 17 août 2020. C’est l’institution du handball féminin professionnel. Cette dernière comprend la première division, qu’on appelle la Ligue Butagaz Energie et la deuxième division qu’on appelle la d2f.
Pourquoi avoir fait le choix de professionnaliser les clubs de d2f ?
Ce choix est double, il vient des clubs dans un premier temps. Il faut qu’on se remette dans un contexte pas forcément simple, c’était celui du covid. La d2f a toujours été dans les sentiers battus. Ce n’est pas de l’amateur comme peuvent l’être les divisions en dessous de national mais ce n’est pas non plus du professionnel comme l’est la ligue Butagaz Energie. Personnes ne s’y intéressait. Lorsque le covid est arrivé, les clubs se sont réunis, et ont demandé à intégrer la ligue. C’est alors qu’ils nous ont sollicités. À ce moment-là, la fédération avait déjà comme ambition en 2024 de positionner la division 2 au sein de la ligue féminine de handball. On avait le temps de se préparer. Les accidents de la vie accélèrent les choses. On s’est réunis et on a donné notre accord. L’intégration a duré six mois. En juin, on fêtera nous un an de l’intégration de la d2f au sein de la ligue professionnelle. On est maintenant l’équivalent de la ligue nationale de handball, on a deux divisions.
La victoire aux Jeux Olympiques de l’équipe de France féminine a permis une augmentation du nombre de licences ?
Les JO sont la meilleure des vitrines pour les gens qui ne connaissent pas le handball. Au moment des JO, tout le monde s’arrête de vivre même ceux qui n’aiment pas le sport. C’est tellement médiatique que certains sports moins visibles sont mis en valeur. Pour les handballeurs, c’est une vraie fierté. Pour les non-handballeurs quant à eux, c’est aussi un vrai outil de médiatisation, de développement. On devient un modèle. Effectivement après cela impact notre championnat, les billetteries et des gens s’y intéressent. Cela impact également les licenciés. Vous n’imaginez pas la pression que l’on a sur ces JO 2024 qui ont lieu en France, dans le pays qui a le plus de titre au niveau du handball et avec deux équipes championnes olympiques. Il y a un virage à prendre, si ce n’est pas le handball qui va donner de la satisfaction au gens alors c’est peut-être le basket, l’escrime ou autre chose. On est dans un jeu concurrentiel. Lorsqu’on est un parent ou un enfant cela permet de savoir vers quel sport on va aller. C’est pour ça que c’est bien que cette d2 ait été intégrée avant 2024 pour structurer un peu le handball féminin.
Comment travaillez-vous pour essayer de médiatiser le handball féminin ?
Il y a trois ans en arrière, il y avait une médiatisation sur beIN sport qui était très intéressante parce que la chaine avait tout : elle avait les garçons, le championnat de France, le championnat de France féminin, les équipes de France ainsi que les coupes d’Europe. Ensuite, il n’y a pas eu d’accord trouvé entre la ligue féminine et beIN sports. On s’est retrouvé sans diffuseur. Par la suite est arrivé le diffuseur des sports en besoins de médiatisation. On a été et on est toujours la tête d’affiche de sport en France. C’est tout de même compliqué d’exister quand on n’a même pas un match par journée, on avait seulement 20 matchs dans l’année alors qu’on a 26 journées. On a donc décidé de créer notre propre média qui s’appelle HandballTV, on a travaillé avec la fédération, avec la ligue féminine et la ligue féminine. Il y a aussi tout le public de non-handballeurs à convaincre. Ou même de handballeurs non-spectateurs. On ne peut pas reprocher à quelqu’un de faire du handball mais de ne pas en regarder. Il faut qu’on les intéresse à ça, il faut qu’on continue à travailler et à travers effectivement la structuration de nos clubs, l’offre de nos clubs, les salles qui s’améliorent le spectacle produit, toujours lié aux résultats, on est très soucieux de la santé de nos clubs. Le sport féminin est un sport qui est très récent. C’est un sport qui je l’espère a de l’avenir. Il faut qu’on grandisse, qu’on écrive l’histoire. Et cette révolution, elle viendra de nous, on ne va pas nous laisser la place. Tout le monde cherche sa place. Il y a le foot et il y a le reste. Le rugby est allé chercher sa place, le basket est en train de la chercher, le hand aussi. Chez les filles c’est la même chose. Il va falloir que le paysage médiatique change, mais aussi que les mentalités changent. C’est le travail qu’on est en train de faire mais c’est à nous aussi, les acteurs de prendre cette place. On est du sport, dans un paysage audiovisuel, un sport féminin, un sport de championnat, un sport de salle donc il faut aller le chercher.
Les budgets des clubs féminins de handball sont supérieurs à ceux du foot, comment expliquez-vous cela ?
Qu’est-ce que le budget d’un club de foot féminin de nos jours ? C’est une masse salariale. Le PSG au global, l’attaché de presse peut faire autant du handball que du féminin. C’est la structure PSG qui embauche. Le budget ce sont les déplacements et la masse salariale. Nous notre budget ce n’est pas comme ça, par exemple à Dijon ou à l’ASUL, le responsable communication ne va pas faire à la fois Villeurbanne et l’ASUL. Ce n’est pas le même club. Ce n’est pas possible. De par l’histoire, le handball masculin a toujours été prégnant sur le handball féminin.
Depuis 1999, y-a-t-il une certaine effervescence autour du handball féminin ?
Il n’y a pas eu de modèle qui ont marché à l’heure actuelle. Lorsqu’on regarde, ce sont plus des clubs de ville que des clubs de marque. Là où sont positionnés les clubs de handball, masculin et féminin ce sont des petites villes. Quand ils sont dans des grandes villes, le féminin, ça ne fonctionne pas trop. Peut-être à Paris 92 et à Nantes. Lyon c’est une ville extraordinaire, Montpelier il n’y en a pas (de club féminin). Bordeaux, c’est aussi très poussif.
Les subventions pour l’ASUL Vaulx-en-Velin ont augmenté de 30 000€. Qu’en pensez-vous ?
Avec le département du 94, c’est une des seules métropole à le faire. On a très peu d’exemple qui donne autant dans la même division pour des garçons que pour des filles. On devrait faire reconnaitre l’égalité de statut entre les garçons et les filles. Ce que l’on n’aimerai pas c’est que le féminin devienne une « mode ». Il ne faut pas incorporer du féminin seulement pour se donner bonne conscience. Le handball féminin est un sport récent. Aujourd’hui, deux choses vont nous sauver : Dans un premier temps, il faut se prendre en main, nous ne sommes pas des victimes, on va se prendre en main. Nous les actrices et les acteurs de ce milieu-là on va se faire entendre, on va continuer à bien travailler et à le faire savoir. Dans un second temps, ce sont les générations futures. J’ai beaucoup d’espoir dans les générations qui vont arriver. Tout le monde fait du sport et a envie d’aller vers la performance. C’est nouveau. Cette génération, ça sera totalement naturel. Cela va devenir une normalité de faire du sport son métier pour une femme. Cette normalité, il faut être patient et attendre qu’elle arrive.
Pourquoi il n’y a pas de suivi derrière les bons résultats ?
Une finale de championnat du monde rapport environ 5 millions de téléspectateurs. Il n’y en a moins de 10% qui vont voir des matchs dans les salles. Dans le prochain rassemblement de l’équipe de France, il y a 14 ou 16 filles. 12 sont en ligue Butagaz Energie. Comment est-ce qu’on peut dire qu’on n’a pas envie d’aller les voir alors qu’on les as suivis aux JO ? Il y a beaucoup de personnes qui suivent l’équipe de France. Moi, je ne vais pas rater un match de basket en équipe de France mais je ne vais pas aller tous week-ends voir du basket. L’équipe de France est attractive, il y a aussi beaucoup de personnes derrière leur pays.
Pour le rugby féminin par exemple, de nombreuses personnes se sont levées pour regarder une demi-finale.
Oui, mais peu de monde a regardé les autres matchs avant. C’est un match à enjeux. Aujourd’hui, la première problématique qu’ils ont c’est que le rugby a une très forte médiatisation sur leur équipe de France. Notamment avec le service public qui est avec eux. Malheureusement, il n’y a pas de médiatisation du rugby féminin. Quand on parle du foot féminin, c’est la Ligue des Champions qui attire. Le PSG et l’OL feront des titres dans la presse. Au contraire, on entend beaucoup moins parler du championnat. On a la chance d’être un sport qui a une belle médiatisation mais qui doit en nécessiter encore sur l’équipe de France. L’évènement qui a lieu aujourd’hui, montre que le handball féminin existe. Un jour on jouera à 20h et les garçons quant à eux joueront à 18h. En d2, 3000 personnes sont venues voir Toulouse-Noisy au Fénix. Après ce match, il y avait Fénix-Chambery. 3000 personnes sur les 4800 possible. Le plus dur, c’est ouvrir la porte, changer les habitudes. On ne connait pas, on ne sait pas comment c’est, on a des aprioris, des clichés. Il n’y aura logiquement pas les mêmes chose qu’un match de Villeurbanne par exemple. Grâce Zaadi ne tire logiquement pas aussi fort que Nikola Karabatic. On ne demande pas ça. C’est un exemple que j’aime bien prendre. C’est les deux meilleurs ambassadeurs qu’il y a. Ce qui est dur c’est quand tu es habitué au sport et notamment le sport masculin parce que c’est ce que l’on te montre à la télé. Tu viens avec ton prisme masculin dire que ça ne va pas très vite, ça ne tire pas très fort. Oui, mais c’est ça, c’est habituer le regard au sport féminin.