De l’Amérique du Sud aux banlieues françaises, le futsal a mué et s’est fait une place conséquente dans le paysage sportif français. Son succès est tel que des joueurs de foot à onze optent pour le jeu en salle. Des dirigeants et des joueurs de grands clubs lyonnais nous expliquent ce phénomène. Enquête.
Introduit dans l’hexagone dans les années soixante-dix, le futsal a connu un succès grandissant dans les quartiers populaires. Le foot à cinq offre des arguments non négligeables pour des pratiquants avides d’un jeu rythmé et intense. Pratiqué sur une surface plus restreinte, l’aspect collectif y prend tout son sens. Le championnat de France de futsal a été lancé lors de la saison 2009-2010. Le temps où les joueurs se retrouvaient seulement dans le cadre des MJC est bien loin. Les clubs se structurent à tous les niveaux et développent leurs effectifs en créant des sections jeunes et des équipes féminines.
En 2012, on comptait trois équipes rhodaniennes en première division nationale : Lyon Footzik, AS Charréard Vénissieux futsal et Lyon Olympique Futsal.
Benoît Lacazette (30 ans) entraîneur-joueur de Lyon Footzik (2ème division nationale) et licencié à Ain Sud en foot à onze livre son analyse sur cet engouement constant :
« Certaines personnes y arrivent volontairement parce qu’elles ont vu du futsal à la télévision. D’autres ont été invitées par des amis ou adhèrent après avoir fait des petits matchs entre copains. Ce qui fait la différence, c’est le fait d’être davantage acteur du jeu alors qu’au foot à onze on peut rester cinq minutes sans toucher le ballon. »
Il note qu’il y a une augmentation également au niveau de l’UNSS (Union Nationale du Sport Scolaire) avec les collégiens et les lycéens mais également dans le cadre des universités. Et pour le technicien, les réseaux sociaux ont également joué leur rôle.
« Plus de places pour les jeunes au font à onze »
A Vénissieux, le club de l’AS Charreard Vénissieux Futsal compte 150 licenciés pour un budget de 10 000 euros. Entre 2004 et 2012, il a évolué plusieurs années en première division nationale. Après la descente de l’équipe fanion en division d’honneur (niveau régional) en 2012, le club a été restructuré pour accueillir de nouvelles catégories. Celine Mabie qui vient d’arriver il y a quelques mois de Guyane accompagne son fils Emryss (9 ans) lors d’un entraînement. Elle reconnaît que cette discipline revêt beaucoup d’avantages notamment lorsqu’on doit faire face au manque de places dans les clubs de foot à onze : « Il faut s’y prendre en mai pour les inscriptions. Au niveau de l’organisation c’est un peu difficile. »
La mère du jeune licencié insiste sur le fait de pouvoir « jouer qu’il pleuve ou qu’il neige » surtout pour un enfant venu des DOM TOM.
Monsieur Rabah, le père de Haroun et Bachir loue les vertus d’une discipline qui contribue à former au foot à onze. Ce fut le cas pour le joueur du Toulouse FC Wissam Ben Yedder qui a évolué plusieurs années au club de Garges Djibson (Première division) avant de devenir une star de la ligue 1. « S’ils veulent rester au futsal, ça ne me dérange pas dit le père de famille. Si les gamins sont épanouis, tant mieux. On n’en est plus à un sport de quartier. Il faudrait cependant plus de moyens et de considération de la part des mairies pour ces clubs. »
Les parents sont donc passés d’une solution de repli contraignant à un compromis avantageux.
« Les plus jeunes s’y intéressent beaucoup renchérit Benoît Lacazette, mais le passage définitif du foot à onze au futsal se fait plus tard entre 18 et 20 ans. C’est plus tôt qu’avant où on y allait à 22 ans en moyenne. Il y a une hausse au niveau de la prise de licence et même de la prise de conscience. »
Le directeur sportif de l’AS Charreard Vénissieux Futsal, Wissem Wislah (22 ans) rappelle qu’à l’origine le futsal est un sport de quartier.
« Les gens qu’on voit au futsal ont toujours eu l’habitude d’évoluer dans un petit périmètre. On le voit aussi au Brésil dans les favelas. Jouer dans ces périmètres est très bénéfique. Mais attention même si le foot à onze et le futsal sont des disciplines distinctes, la pelouse et ses espaces finit par manquer. »
Les féminines entrent en jeu
L’équipe féminine de l’AS Charreard Vénissieux Futsal compte des éléments âgés de 19 à 28 ans. Elles sont étudiantes, ou employées et sont venues s’épanouir tout en jouant sans appréhension. Le meilleur fait d’arme des Vénissiannes est une victoire lors de la coupe du monde des clubs de futsal 2015 à Nantes.
Leila Ecoffet (26 ans) qui est à agent d’entretien pratique le foot à onze depuis douze ans. Elle joue à l’AS Charreard Vénissieux Futsal depuis deux ans tout en évoluant également au FC Lyon : « Ici, on est nombreuses et libres en tant que femmes. On joue même contre des garçons et c’est la preuve de notre épanouissement. »
«Le meilleur moment de l’année c’est l’hiver dit-elle car il n’y a plus d’inconvénients. On ne se pose plus de questions sur l’équipement. On vient comme on est sans le souci du froid. Par contre, l’été il fait vraiment chaud ! »
Le futsal féminin est encore marginalisé dans la région au point que les compétitions officielles sont presque inexistantes. Si bien que les licenciées font le doublon avec le foot à onze comme Marion Dalzoto (29 ans) ancienne joueuse de l’olympique lyonnais, désormais au FC Lyon. Elle est plus mesurée quant à l’évolution de la situation : « en trois saisons, il n’y a jamais eu de championnat mis en place. Pendant la trêve, on affronte les équipes masculines de district (niveau départemental). On est encore dans l’ombre alors que le foot à onze explose chez les féminines. »
L’engouement pour le futsal sert la cause d’une discipline qui dynamise les quartiers difficiles mais aussi plus aisés. Il s’ouvre désormais à un public de plus en plus large. Malgré de nombreuses difficultés à braver au niveau des créneaux horaires des gymnases ou des subventions, l’avenir s’annonce prometteur.