Côte-D’Ivoire à Lyon : regards croisés de la jeunesse militante ivoirienne

Guilhem a croisé les réponses aux questions qu’il a posé à des membres engagés de la communauté ivoirienne de Lyon. Petite prise de température …

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Face à la crise que traverse la Côte-D’Ivoire depuis le 28 novembre 2010, la communauté ivoirienne de Lyon et Rhône-Alpes se mobilise pour faire entendre sa voix. Des militants ivoiriens, responsables lyonnais des mouvements de jeunesse des partis que sont la LMP (La Majorité Présidentielle) et le RHDP (Rassemblement des Houphouetistes pour la Démocratie et la paix), fortement impliqués dans l’organisation et la tenue des élections à Lyon, nous donnent ici  leurs points de vue sur la situation post-éléctorale. Y’a-t-il des répercussions sur la communauté ivoirienne de Lyon ?

Photos :  Eddie Wazzi Guipié.

Les interrogés :

  • Bakary et Abdramane ; mouvement de jeunesse (RHDP Rassemblement des Houphouetistes pour la Démocratie et la Paix)

 

  • Eddie Wazi Guipié : Doctorant enseignant en science politique. Chargé de la Jeunesse à la Majorité Présidentielle (Pro-Gbagbo)

 

 

Quel bilan faites-vous des élections ?

Bakary et Abdramane : « Elles se sont bien déroulées. Avec un taux participation record en Afrique.  Aussi tous les observateurs nationaux et internationaux ont, dans la quasi-unanimité, relevé le bon déroulement du scrutin. Mais elles apparaissent pour nous comme étant un moyen de sortie définitive de la crise en Côte-D’Ivoire avec comme corollaire, la dotation du pays d’institutions légitimes ».

Eddie Wazi Guipié : « Le bilan est totalement négatif. Nous avons attendu 5 ans pour organiser ces élections et le résultat est catastrophique. La communauté occidentale nous a poussé dans une logique qui veut qu’on ait des élections juste pour en avoir, c’est-à-dire dans un contexte non pacifié. Pour preuves, l’ensemble des accords signés par les belligérants prévoyaient le désarmement des rebelles. Ceux-ci ont su manœuvrer en reportant ce désarmement aux calendes grecques. In fine, on aboutit à une situation avec un pays divisé en deux dont une partie est toujours sous contrôle direct des rebelles. Tout ceci ne pouvait que biaiser les résultats. Quand vous voyez les scores de Ouattara dans le Nord, fief des rebelles, vous comprenez tout de suite que les électeurs étaient conditionnés par la peur, le chantage et par  la violence … Au demeurant l’attitude de la communauté occidentale laisse perplexe : c’est la première fois qu’on voit un tel degré de pression pour des élections en Afrique. Ceci n’est pas dénué de tout intérêt ».

 

Comment jugez-vous la situation en Côte d’ivoire ?

Bakary et Abdramane : « La situation est clairement une tentative de confiscation de l’expression souveraine du peuple de Côte-D’Ivoire. Son choix s’est porté sur Mr Alassane Dramane Ouattara lors du second  tour des présidentielles du 28 novembre 2010. Le refus de l’acceptation du verdict des urnes par Mr  Laurent Gbagbo alors qu’il s’y était formellement et solennellement engagé devant le peuple Ivoirien a conduit le pays dans la situation que nous connaissons tous aujourd’hui.

Mais avant de poursuivre il est bon d’apporter un éclairage sur la conduite du processus électoral lui-même. Celui-ci a été conduit par une Commission Electorale Indépendante ( CEI ) dont la composition a été entérinée et même souhaitée par Laurent Gbagbo lui-même lors de la signature en mars 2007 de l’Accord Politique de Ouagadougou (APO) initiée par Laurent Gbagbo. Par ailleurs, s’étant rendu compte que les résultats provisoires venant des bureaux de vote ne lui étant pas favorables, il s’est automatiquement lancé dans des accusations grossières de fraudes alors que les résultats n’avaient pas été proclamés par la CEI, organe dûment habilité à le faire. Aussi face à la détermination de la CEI d’aller au bout de sa mission, l’on a pu voir une scène de désolation mais surtout ridicule sur l’ensemble des télévisions du monde avec des représentants du camp Gbagbo au sein de la CEI empêchant physiquement la proclamation des résultats dans le seul et unique but d’épuiser le délai de 72 h imparti à la CEI pour la proclamation des résultats, afin de la dessaisir et de  saisir le conseil Constitutionnel, qui notons le bien est acquis à Laurent Gbagbo. Il s’en suit une démarche toute aussi cavalière d’annulation des résultats  de neuf Départements Administratifs acquis depuis le 1er tour à Alassane Ouattara, et tout ceci le lendemain de la désaisine de la CEI par le Conseil constitutionnel qui proclamera Laurent Gbagbo vainqueur de ce scrutin.

Face à cette forfaiture, le monde entier a dit son indignation et surtout réaffirmé son attachement profond au principe démocratique fondamental qu’est le respect de la volonté des peuples.

Eddie Wazi Guipié : La situation est tendue mais elle reste éloignée de ce que décrivent les médias occidentaux. Les tirs groupés contre Gbagbo sans discernement ni même échange contradictoire ne font que renforcer les partisans de Gbagbo à croire en la  justesse de leur cause. Souvenons-nous de la position de ces mêmes médias lors des assassinats de Lumumba et de Sankara, ils ne sont pas des modèles de respect de déontologie .Mieux ,ils appartiennent à une savante industrie de l’intoxication. A Abidjan et dans le reste du Pays, les choses sont calmes, les Ivoiriens ne veulent que la Paix…

 

Comment se sont passées les élections sur Lyon ?

Bakary et Abdramane : Dans une ambiance très fraternelle aux allures de fête nationale. Tous les délégués des deux camps échangeaient, se chahutaient dans la courtoisie.

Eddie Wazi Guipié : Les élections se sont remarquablement bien passées à Lyon concernant les deux tours. Vous savez, la communauté ivoirienne est petite et nous nous connaissons tous. Nonobstant cette fraternité, nos votes ont été annulés par le superviseur de la CEI, Mr Bamba Yacouba pour le motif que le vote n’a pu bien se dérouler à Paris. Il est intéressant de constater que c’est la « jurisprudence Bamba » qui a conduit le Conseil Constitutionnel à annuler les votes dans les sept départements concernés par des fraudes massives.

 

La communauté ivoirienne de Lyon est-t-elle divisée ?

Bakary et Abdramane : Sincèrement je ne crois pas car mes rapports avec mes compatriotes sont restés intacts.

Eddie Wazi Guipié : Nous ne sommes pas divisés et nous ne pourront l’être. Nous aimons tous notre pays. Un seul credo : respectons les règles que nous nous sommes choisies.

 

D’après vous, que va-t-il arriver ?

Bakary et Abdramane : Je pense que c’est un défi qui est lancé à la démocratie, à l’ensemble du monde libre mais surtout un test d’ancrage démocratique pour l’Afrique toute entière. Du coup il est bon pour la survie de la démocratie en Côte-d’Ivoire et partout sur le continent africain que la communauté ivorienne en premier avec l’appui du monde entier prenne ses responsabilités en imposant par tous les moyens le respect du verdict des urnes.

Dans le cas contraire, il se prépare en Côte d’Ivoire ce qui est arrivé dans tous les pays où la négation flagrante de la volonté populaire n’a pas été respectée ,c’est à dire clairement un risque très élevé de génocide et le scénario se déploie progressivement au regard de toutes les violences qu’il y eu ces derniers jours sur les partisans de Mr Ouattara..

Eddie Wazi Guipié : En l’état actuel des choses la situation reste volatile, nous souhaitons que le candidat Ouattara s’incline devant la décision du Conseil Constitutionnel et qu’il se prépare pour les législatives.

 

Et vous ?  Que pensez vous faire ?

Bakary et Abdramane : Nous restons mobilisés pour que la volonté du peuple de Côte-d’Ivoire soit respectée entièrement et que la victoire de Mr Alassane Ouattara lui soit reconnue par Mr Gbagbo. Je profite d’ailleurs de l’occasion pour lancer un appel à l’ensemble des démocrates vivant à Lyon de se joindre au meeting que le  Rassemblement des Houphouetistes pour la Démocratie et la Paix  prévoit certainement le 9 janvier 2011 Place Bellecour. Nous croyons néanmoins que la raison finira par l’emporter  sur  M Gbagbo afin d’éviter à la Côte -d’Ivoire des violences inutiles.

Eddie Wazi Guipié : Nous militons pour la paix et le respect des institutions. Les ultimatums de la Communauté occidentale ne nous impressionnent guère. Nous ferons front pour faire prévaloir le droit et la légitimité du président Gbagbo.

A l’image de ce qu’il se passe en Côte-D’Ivoire, il semble qu’à Lyon aussi, les deux camps ne sont pas prêts à baisser les bras et sortent confortés dans leurs prises de positions. Les écarts de lecture  autour de ces évènements restent  tout de même importants .  Cependant, il semblerait que les relations entre les membres de la communauté ivoirienne de la région restent positives. Est- ce dû au « privilège » de la distance géographique ? Cela va-t-il durer ?

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