Commando sur la flotille : la manif lyonnaise

Retour sur l’attaque contre la flotille humanitaire au large de la bande de Gaza. A Lyon, les réactions ne se sont pas faites attendre. Récit d’une journée de protestations.

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Quelque part dans un bureau…

Tous les matins, au bureau, Ibtissem a l’habitude de consulter la page de Google Actualités qui selon elle résume assez bien les grandes news du moment. Un titre l’interpelle : « La Grèce et l’’Espagne convoquent les ambassadeurs d’Israël »(Libération.fr). Ni une ni deux, Ibtissem sait qu’elle devra lire cet article car elle comprend rapidement qu’il s’agit sans nul doute du conflit israélo-palestinien. La jeune femme se sent très concernée au sujet des palestiniens, peuple auquel elle s’identifie fortement.

Encore une fois, elle s’attendait à un énième massacre ou bombardement qui viendrait se rappeler au monde en inaction.

De nombreux morts palestiniens (femmes, enfants, civils et terroristes confondus)…Cela ne surprend même plus tellement l’actualité regorge de ce fait devenu, il faut bien l’avouer, divers.

C’est la routine, un marronnier dans les médias.

Sauf que là, la stupeur l’emporte sur Ibtissem…point de bombardement, point de morts palestiniens… Les victimes sont cette fois-ci issues du monde entier et ne cachent pas leur attachement pour la cause palestinienne. Il s’agissait en réalité de militants pro-palestiniens venus convoyer par voie maritime du matériel à but humanitaire à destination de Gaza : 380 Turcs, 38 Grecs, 31 Britanniques, 30 Jordaniens, 28 Algériens puis des Français, Australiens, Italiens, Indonésiens, Irlandais…(source : L’Express.fr). Une flottille qui a pris des allures de débarquement pour Israël qui se sent menacé constamment…D’où la formidable opération commando qui a suivi. Jusqu’ici Ibtissem n’avait vu cela qu’au cinéma…Qui, sérieusement, fait appel au meilleur de ses forces armées contre des civils armés de fortune (ou d’infortune quand on voit ce que Tsahal leur a réservé) ?

«Israël est coupable (…) d’utilisation d’armes létales contre des civils désarmés sur des bateaux qui étaient en haute mer, où ils jouissaient du droit de libre circulation, conformément au droit maritime»,  insiste Richard Falk, Rapporteur spécial de l’ONU pour les territoire palestiniens. Nul ne peut donc discuter l’illégitimité de l’action de l’armée israélienne.

Outrée, Ibtissem sent que la moutarde lui monte au nez. Elle souhaite que l’on réagisse et, à son niveau,  elle décide dans un premier temps de manifester son indignation en faisant circuler l’information via mail : « S’il vous plait ne me dites pas que je suis antisémite parce que je vous fait parvenir ce lien (= le lien de l’article de Libération). Au bout d’un moment il faut avoir les couilles de dire STOP à Israël ».

Quelque part dans un collège…

Mbarka s’apprête à commencer une nouvelle semaine de surveillance dans un établissement scolaire du second degré.

Fatiguée de son week-end, elle n’a pas les yeux en face des trous mais,  pendant qu’elle  se préparait encore une fois à l’arrachée, il lui semblait bien avoir entendu une information quelque peu troublante à la radio. Vraie professionnelle de la dernière minute, elle se retrouvait encore une fois à courir pour attraper un tramway répondant au doux nom de Désir.Préoccupée par la crainte d’arriver en retard, la jeune femme avait relégué cette info matinale dans un tiroir de son cerveau qu’elle ouvrirait une fois qu’elle serait arrivée à midi sur le lieu de son gagne pain. Mais à peine arrivée, une nuée d’ados affamés lui font oublier ce détail de l’histoire.

Fort heureusement, un SMS de son amie Ibtissem vient la rappeler à la réalité : « Tiens moi au courant s’il y a une manifestation pour la Palestine aujourd’hui ». Rafraichissement de mémoire  complètement indépendant de la volonté de Mbarka.La réponse de la jeune assistante d’éducation ne se fait pas attendre :  « Ok je regarde ça dès que je peux et je te dis ça ».  Mais Ibtissem n’avait pas l’intention de laisser traîner les choses et c’est alors que Mbarka s’apprêtait à avaler une pomme-noisette subtilement chapardée dans l’assiette d’un élève de troisième assis à sa droite, qu’Ibtissem répond d’elle-même à ses propres interrogations : « C’est bon j’ai l’info..c’est ce soir 18h30 à Hôtel de Ville ».

Les deux jeunes femmes conviennent par ondes GSM interposées qu’elles se retrouveront après leurs journées de travail respectives.

Environs de 19 heures, Parvis de l’Opéra :

Les deux amies se retrouvent avec effusions Rue de la République. Une fois les politesses d’usage échangées, elles se dirigent d’un pas décidé vers Hôtel de Ville. Pendant la traversée de la rue piétonne, chacune y va de son indignation.

Lorsqu’elles arrivent sur le lieu du rassemblement, elles constatent que beaucoup sont venus manifester leur colère quant aux évènements récents. Les cris et slogans de militants résonnent étrangement là où siègent  d’ordinaire ballets, opéras et grandes envolées lyriques. Ce jour là, on jouait  Casse-noisette si l’on peut dire… : « ISRAEL ASSASSIN…SARKOZY COMPLICE ». Drame en trois actes.

Les deux amies se mêlent aux manifestants : un public Walt Disney mais quand on regarde bien, on sent bien que c’est un Walt Disney sauce méditerranéenne.Les gens sont venus parés de drapeaux de leurs nationalités d’origine ainsi que de nombreux drapeaux palestiniens. Les turcs sont représentés en force. Seuls deux ou trois drapeaux français s’agitent ça et là. Il en aurait fallu plus , pensent-elles.

« Nous sommes tous des palestiniens »,  hurlent-ils à qui veut bien l’entendre.

Blacks et Beurs sans les Blancs, du moins c’est la nette impression qui se dégage lorsque l’on regarde l’assemblée qui continue à scander sa colère. Serait-ce un combat ne souffrant pas l’adhésion de tous ? Ou bien l’information a circulé en réseau fermé, excluant ainsi toute une catégorie de militants qui pourtant existent bel et bien et qui auraient voulu être de la partie ?

Les « OUH ! » et les sifflements répondent aux dénonciations des organisateurs qui éructent leur mécontentement et qui animent le mouvement par le biais d’un haut-parleur.

Les jeunes femmes sont d’accord pour dire qu’il y a du monde pour un évènement spontané et organisé à la dernière minute. Seulement quelques agents de police « encadrent » l’évènement qui ne montre pas l’ombre d’un débordement à l’horizon. Ibtissem et Mbarka lèvent la tête et constatent avec amusement qu’une dame manifeste de sa fenêtre du haut d’un immeuble.

Après un certains temps, les organisateurs décident de faire un mini-défilé qui les mènera jusqu’à la Place Bellecour. Les jeunes femmes suivent bien entendu le mouvement et constatent avec stupeur la non-présence des forces de l’ordre…Fort heureusement, le cortège a pu circuler sans encombres. La crainte de l’intervention de groupes identitaires aurait pu mettre de l’ombre au tableau…

Les mêmes slogans reviennent : « ISRAEL ASSASSIN » mais soudain, des takbirs (exhortation à dire « Allah wakbar ») se font entendre. Mbarka, pourtant de confession musulmane, glisse à Ibtissem « Aaaah, là j’adhère plus ! ». Elle explique à son amie qu’elle trouve dommage de mêler la religion à cela car du coup cela empêchait beaucoup de monde de  se sentir concerné par le combat et pourquoi pas d’intégrer le mouvement en cours de route. Curieux mélange des genres qui dessert la cause plus qu’autre chose…

Cependant, ce n’est pas ce qui a empêché les deux amies de rester jusqu’au bout. La manifestation s’est finie autour de Louis XIV qui de mémoire de statue n’a jamais vu autant de drapeaux étranger s’agiter devant lui…Certains racontent qu’il en est même venu à se demander s’il était bien dans son pays…

20 heures passées…fin des festivités…enfin pas pour tous

La manifestation s’est assez vite dispersée et tout cela sans le moindre heurt. Cela fait presque une heure que tout le monde est rentré chez soi (c’était lundi les gens attaquaient la semaine : ils n’allaient pas y passer la nuit)… sauf le maigre escadron de police armé jusqu’au dents qui avait été positionné près de la Rue de la République.

Ibtissem et Mbarka ne comprennent toujours pas pourquoi,  alors que les lieux sont maintenant  aussi désertiques que dans un western, les tortues ninja armées et casquées,  n’ont pas levé le camp plus tôt….

Au final, les deux amies, malgré la fatigue d’une journée de travail, tombent d’accord : elles ne regrettent pas d’avoir participé à cette manifestation mais encore une fois la question se pose pour elles : « Et après  ? »…

Mbarka Ben Haj Mohamed et Ibtissem Boufassa

La rédaction

Crée en 2008, la rédaction du Lyon Bondy Blog s'applique à proposer une information locale différente et complémentaire des médias traditionnels.

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