« Ça sert à rien que je vienne au lycée si c’est pour me faire virer de cours ! »

Mbarka a rencontré deux élèves de lycée professionnel. L’un d’entre eux, Samuel, se fait souvent mettre à la porte de sa classe. Témoignage.

 tussor10_tSamuel fréquente un lycée professionnel de l’Est lyonnais. Il se décrit lui-même comme étant un élève tranquille, pas agité et ponctuel.  Certes, il n’est peut-être pas un premier de la classe à proprement parler mais son ami Hakim, un camarade de classe,  confirme le caractère plutôt agréable de Samuel. Issu d’un collège sans problèmes particuliers, Samuel y a réalisé une scolarité qu’il qualifie aussi de « tranquille », adjectif  très usité chez les jeunes. Il effectue par la suite une première année en lycée général qui ne s’avère pas très fructueuse. Il prend donc la décision de s’orienter en voie professionnelle supputant que celle-ci soit plus adaptée.

Or cette année, sa deuxième en lycée professionnel, s’avère être compliquée pour lui. La raison de tout ceci ? Samuel passe le plus clair de son temps à être exclu de cours. « Ça me fane ! », lâche-t-il d’un ton exaspéré. Déjà, avant que je ne rencontre Samuel, Hakim m’en parlait en ces termes : « Y’a un élève dans ma classe, il arrête pas de se faire virer de cours. C’est abusé ! ».

Samuel a la nette impression que l’un de ses professeurs qu’il a depuis l’année dernière  l’a pris en grippe. D’ailleurs, cet avis est partagé par l’ensemble de sa classe. Il raconte : «  Au début, ça allait bien. Tranquille. Et puis d’un coup, tout à changé. Les profs ont commencé à beaucoup parler de moi. Ils faisaient des réunions à mon sujet… ». Lorsque je lui demande ce qu’on lui reproche au juste, sa réponse est quelque peu curieuse : « Samuel sourit tout le temps, Samuel est un arnaqueur et un manipulateur : il sourit aux professeurs pour avoir des bonnes notes ».

Une telle réponse force le scepticisme et justifie une désagréable insistance de ma part auprès du lycéen : « Tu réponds aux profs ? Tu leur manques de respect ? T’es insolent ? Absentéiste ? Tu mets le bazar en cours ? ». Toutes les réponses à mes questions se font par la négative. Même après un dernier « T’es sûr ? » inquisiteur. Hakim abonde par ailleurs dans son sens avec insistance.        Samuel a clairement l’impression que c’est sa personnalité ou sa façon d’être qui dérange, plus que de réels manquements à son comportement.

Le lycéen pointe du doigt un professeur en particulier. Selon lui, il lui demande souvent « d’arrêter de parler » alors qu’il aurait carrément renoncé à s’exprimer durant ses cours. Les raisons qui motivent les mises à la porte de cet élève ne sont pas toujours explicitées : «  Mon prof dit que je parle alors que je ne dis rien…A force de me faire engueuler et virer de cours je ne pose même plus de questions, je participe plus à ses cours. J’ai même pas les mêmes droits que les autres ». La crainte de s’attirer les foudres de son professeur incite donc Samuel à une certaine passivité en cours et quand il essaie tout de même, il s’entend répondre : « Samuel, c’est bon…tu comprendras l’année prochaine »…

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La fréquence des exclusions de cours que subit Samuel a de quoi interpeller. Hakim témoigne que parfois ce professeur va même jusqu’à intervenir durant les cours de ses collègues pour venir en extraire Samuel : « Des fois ce prof entre dans le cours de Mme X, qui n’a rien à voir avec son propre cours, il vire Samuel de la classe de Mme X  et  il retourne à ses occupations. Comme ça. On sait même pas pourquoi ». Quand je lui demande si Mme X réagit à cela sa réponse est assez révélatrice : « Nan, elle s’en fout, c’est une stagiaire elle ». L’ancienneté semble autoriser certaines choses.   Il arrive aux élèves de la classe de protester, quasiment à chaque fois. Cependant, ils sont vite limités par les menaces de retombées sur eux : «  Si tu ne veux pas le suivre toi aussi …».

Les échanges avec Samuel révèlent essentiellement que se sont d’éventuels bavardages qui motivent ses exclusions à répétitions. Le reste étant laissé à la seule appréciation du professeur avec lequel il y a conflit : « Une fois, sur 55 minutes de cours, j’ai bavardé un peu avant la sonnerie et je me suis fait exclure de cours ». Hakim pense que ce professeur « cherche la petite bête » : « Même quand il fait rien, on a l’impression que le moindre petit truc va être l’occasion de le mettre dehors ».  Le proviseur a pu constater que les rapports d’incident n’émanaient, pour la majorité, que d’un seul professeur. « Mon prof voulait demander trois jours d’exclusion de l’établissement pour moi. Le proviseur a refusé ».

Les conséquences sur la scolarité de Samuel se font lourdement sentir. L’année dernière il  avait su maintenir un niveau correct dans la matière de ce professeur. Cette année, ses notes sont en chute libre : « Au dernier contrôle, il m’a mis moins 2 parce que je lui avais dit que je ne comprenais rien à l’interro ». Moins deux points à un contrôle où il a eu 4 sur 20…Selon Samuel, le quotidien avec ce professeur est une catastrophe : « C’est hardcore » souligne-t-il.

Il y a aussi la manière dont les choses sont faites qui indisposent Samuel. L’exclusion se fait par un « Dégage ! » totalement inapproprié dans la bouche d’un professeur. L’évocation de cet écart de langage rappelle à Hakim qu’un jour, ce même professeur a adressé un élégant « Ferme ta gueule » à Samuel…

Le lycéen se sent stigmatisé et a le sentiment de faire l’objet d’un traitement particulier : « Il n’y a qu’avec moi qu’il se comporte comme ça ». Chez lui, le sentiment d’injustice est très fort et provoque une réelle démotivation scolaire : « Ça sert à rien que je vienne en cours si c’est pour me faire virer à chaque fois ! ». Le lycéen n’a pas vraiment tort puisqu’on arrive au final à une situation absurde ou l’élève passe le plus clair de son temps hors de la salle de classe. Samuel évoque même la possibilité de changer de lycée car effectivement, d’une année sur l’autre, selon les matières, les élèves récupèrent les mêmes professeurs de sorte que si l’un se braque sur un élève, ce dernier a peu de chance de se refaire une virginité.

Le cas de Samuel amène à s’interroger sur les conditions qui justifient une exclusion de cours. Selon Eduscol, le site du Ministère de l’Education Nationale destiné aux personnels de l’Education,  l’exclusion de cours doit être « justifiée par un comportement inadapté au bon déroulement d’un cours » et  « l’exclusion ponctuelle doit demeurer exceptionnelle ». Reste à définir ce qu’est un comportement inadapté car il peut varier d’un enseignant à l’autre…

 

Le thème de l’exclusion de cours sera discuté dans l’émission « Sauvés par le gong » jeudi 17 mars de 19h à 20h  sur Radio Trait d’Union (89.8 FM). L’écoute est également disponible sur le web grace à un mini player présent sur le www.rtufm.com.

Auteur : Mbarka Ben Haj Mohamed

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