Vendredi, l’ex-membre du groupe Sniper revenait à Lyon pour présenter son nouvel EP « Le temps est compté » dans le cadre d’une tournée française et en attente de l’album « Dualité », qui sort en juin prochain. Un évènement après une prise de recul régénératrice. Les fans lyonnais ont retrouvé un artiste profond et fidèle à lui-même.
Dans la culture urbaine, Blacko apparaît comme un électron libre. Ne serait-ce que par sa voix et un style reggae qui se prête très largement au flow des plus grands artistes hip-hop.
Karl Appela, de son vrai nom défend avec hardiesse un rap conscient. L’artiste d’origine réunionnaise a pris part à l’ascension du groupe mythique Sniper avec Tunisiano et Aketo avant de le quitter en 2008. Son parcours en solo est celui d’un reggaeman engagé dont les textes expriment une profondeur à part. Personne n’a oublié ce fabuleux duo enregistré avec Soprano en 2007 « Ferme les yeux et imagine-toi » extrait de l’album du rappeur marseillais « Puisqu’il faut vivre ».
Blacko et DJ E-Rise, la bonne formule
Après un opus sorti en 2010 « Enfant du soleil » qui avait été boycotté par son label de l’époque puis offert gratuitement sur le web au public ; et un EP « Instant Kaf » en 2011, il présente un nouveau projet : « Le temps est compté ».
Cet EP avec sept titres — dont un featuring avec Joey Starr — est présenté comme un véritable retour.
Rencontré dans les loges au moment des balances, Blacko explique :
« C’est une carte de visite pour ceux qui ne me connaissent pas. Je suis rappeur et reggaeman. J’ai ramené dans le rap les fondamentaux du reggae. Ce qui veut dire : passer un message positif car en ce moment dans le rap, il n’y a pas de thème. »
Ce retour est celui d’un artiste qui a grandi à la grande époque du rap français avec NTM, Secteur A ou l’Américain Method Man (Wu Tang Clan). Un projet préparé avec DJ E-Rise, producteur de renom qui a longtemps travaillé avec La Fouine, ou Soprano et avec qui il forme un véritable binôme.
« Avec DJ E-Rise, on se connaît depuis l’âge de 19-20 ans, concède Blacko. Plus jeunes tous les deux, on essayait de s’incruster dans des plans avec Secteur A ou Joey Starr. Aujourd’hui, j’ai besoin de cette complicité. Il y a des vrais moments de vie en dehors du travail même avec mon manager. Sans ça, ça ne fonctionne pas. »
Un album parti dans les temps
Le premier extrait Le temps est compté a déjà marqué le public. Le clip a été visionné cinq millions de fois sur You Tube :
« Je n’ai pas encore réagi à l’accueil surprenant des médias et du public, avoue-t-il. À la maison de disque, on ne s’attendait pas à ça. On se disait que ce serait bien de faire 500 000 vues avec “Le temps est compté”. C’est parce que ma musique n’est pas que “street”, elle est pour tout le monde. Grâce à tout ça, je vis un très bon moment. »
« Avec Sniper, on est venu plusieurs fois à Lyon. Le public est chaud et puis la ville porte bien son nom puisqu’elle rugit en concert. » S’enthousiasme le rappeur.
Le Ninkasi Kao est considéré comme une des meilleures plateformes locales pour tester ses projets auprès d’un public lyonnais très exigeant. Ce vendredi, on voyait des bonnets reggae et des dreadlocks, mais aussi beaucoup de passionnés de rap. Les deux styles allaient fusionner sur la scène et dans la salle.
D’entrée Blacko exprime une énergie à part. Sautillant et bondissant sur la scène, il apporte une inspiration nouvelle. Son extravagance communicative se différencie de ce qui est proposé d’habitude. Le public adhère aux nouveaux titres présentés comme « La rue c’est pas ma mère », « Accroché à mes rêves » ou « Préviens-les ». L’enthousiasme et la chaleur en arrivent à surprendre Blacko et DJ E-Rise dès le début du concert.
À défaut des punchlines, des heartlines !
L’ex Sniper a offert un medley des meilleurs titres de Bob Marley en interlude. « No woman, no cry » a raisonné dans le Ninkasi comme dans un grand stade. Même « Ferme les Yeux et imagine-toi » fait lever les mains en l’air. À défaut d’être le titre du chanteur, il y a des couplets et des refrains qui illuminent une carrière.
Le moment le plus attendu du concert est ce titre qui porte l’album et dont les couplets sont des leçons à eux seuls. Dj E-Rise fait un clin d’œil à Blacko et lui glisse : « Là je crois qu’ils vont tous chanter ! »
Le concert s’achève sur le remix « Coco » qui est à la base un hit de l’Américain O.T Genasis qui prône la drogue dure. Agacé par ces paroles, le rappeur réunionnais les a changées pour en faire un texte préventif et conscient.
Michael et Abdel sont venus spécialement de Dijon pour soutenir l’artiste : « Blacko c’est toute notre enfance. Avec Sniper, ça rappelle de sacrés souvenirs. C’est sa voix qui a toujours fait la particularité du groupe. Il a un style qui lui permet de tout faire : aussi bien de la trappe ou du reggae. Après sept ans d’absence, ce ne peut être qu’un bon retour. »
Et de conclure :
« Pendant le spectacle, on sentait vraiment que les gens l’attendaient. Lui a pris plaisir et il est resté le même. Et puis comment oublier sa voix ? »
Le temps est compté :