Dimanche 10 mai, près de 150 personnes s’étaient réunies place Antonin Poncet afin de commémorer l’abolition de l’esclavage, datant du 27 avril 1848, à l’appel du Collectif du 10 mai, réunissant de nombreuses associations travaillant pour le devoir de mémoire.
L’abolition de l’esclavage serait-il un sujet has been ? Ou pire, pas assez médiatique ? Au vu du nombre, très léger, de personnes présentes lors de la marche du 10 mai commémorant l’abolition de l’esclage, on peut se poser légitimement la question. « Cela m’a choqué que ça ne se passe pas dans toutes les villes. Il y a beaucoup d’Africains et d’Antillais mais pas beaucoup de « Blancs ». Il y a vraiment peu de monde », s’indigne Maeva, étudiante, dont le père est d’origine guadeloupéenne.
Un homme remarque : « J’étais là pour le rassemblement pour le génocide arménien. Il y avait près de deux mille personnes dont Gérard Colomb, maire de Lyon et les maires des communes des environs, alors que la France n’est pas concernée par ce génocide. On cherche les fautes ailleurs pour ne pas reconnaitre les siennes ».
La loi rappelle pourtant que : « Les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l’esclavage la place conséquente qu’ils méritent. » Si le législateur reconnait la nécessité de l’enseignement, sur le terrain la réalité est tout autre. Pour preuve, Emilie, une étudiante en Master à Science Po Lyon s’étonnait de la marche : « C’est une thématique dont on parle peu. Il y a plein de gens qui sont sensibles à ces questions mais il n’y a pas assez d’informations sur le sujet. On parle de l’Histoire et de ses conséquences mais peu de choses ont changé en regardant ce qui se passe aux Antilles, toute la contestation vient de là, je pense »
Un drapeau flottait parmi d’autres, au dessus de la foule. Ne comprenant pas sa signification, je demande au jeune garçon qui le tient, son sens. Brilvio, 13 ans, m’explique : « Il s’agit du drapeau de l’Angola, c’était une colonie portugaise jusqu’en 1975. Le rouge c’est pour le sang versé par les Angolais pendant la colonisation et l’indépendance. Le noir symbolise le continent africain, le jaune-or pour les richesses du pays. La roue c’est pour l’industrie et les ouvriers, la machette pour les paysans et l’agriculture et l’étoile est le symbole international du progrès et de l’avenir ». J’étais assez impressionnée par ses explications ! Comme quoi la mémoire n’est pas oubliée par tous.
Son père, Ya Mutale-Balume est le vice-président du Comité du 10 mai de Lyon. « Rétablir la mémoire de l’esclavage dans son intégralité est nécessaire. Il faut rappeler qu’il y avait d’immenses intérêts économiques en jeu. Les Révolutionnaires ont aboli l’esclavage en 1794 mais Napoléon l’a rétabli pour soutenir la guerre. Il y a une honte entretenue autour de l’Histoire de l’esclavage par les descendants. Il faut y faire face pour pouvoir relever ensemble les défis. Défi pour la construction multiculturelle de la France, au lieu de vivre ça de façon communautariste ».
Certes notre pays est multiculturel et reconnaitre cette spécificité est essentiel pour éviter les dérives du communautarisme en rendant à chacun sa place.
Quelles conclusions pouvons-nous tirer ?
Sabiha Ahmine, conseillère régionale, ex-adjointe à la mairie de Lyon, présidente honoraire du Centre d’Histoire de la résistance et de la Déportation, déclare : « Nous ne pouvons lutter contre les discriminations s’il n’y a pas de travail de mémoire. Nous avons une mémoire collective commune et non individuelle en France. Je travaille dans la continuité de ce combat. On aurait pu arrêter l’action s’il n’y avait pas des associations de valeur, courageuses qui continuent à relayer le message. A travers l’histoire de la mémoire, il y a une reconnaissance pour les jeunes générations, pour la construction d’un vivre-ensemble, sinon il n’y a plus de repère. Ce combat est libérateur pour la diversité. Ce n’est que comme ça qu’on peut construire une solidarité active ».
Auteur : Rafika Bendermel