Fête le Mur frappe fort contre l’exclusion

L’association investit les quartiers populaires depuis bientôt trois décennies, faisant du tennis un levier pour l’égalité des chances. Implantée dans toute la France, elle a proposé un accompagnement sportif, ainsi que culturel, éducatif et professionnel, à des dizaines de milliers de jeunes.

Lorsque Fête le Mur entre sur le terrain, il n’y a pas que les balles qui rebondissent : les jeunes des quartiers populaires prennent aussi leur élan. L’association créée en 1996 par Yannick Noah, seule victoire française en simple messieurs à Roland Garros, a commencé avec très peu de sites. Depuis, elle a gagné en force de frappe. Elle en compte désormais 76 sur le territoire national, dans l’Hexagone comme outre-mer. Huit sont abrités par l’Auvergne-Rhône-Alpes, dont quatre au sein de la métropole lyonnaise. Vaulx-en-Velin, Vénissieux, La Duchère et Gerland ont tous accepté le pari de l’inclusion sociale par le sport. « Chaque site est autonome et est sous la coupe d’un responsable, avec une équipe d’un, deux, trois ou quatre éducateurs qui intervient sur le terrain » décrit Thierry Bret-Morel, l’un des cinq coordinateurs régionaux qui se répartissent ce maillage. Responsable de l’implantation vaudaise pendant dix ans environ, il a lui-même été à la place de ces acteurs de proximité.

Thierry a intégré la structure en 1997. « J’y suis depuis le début » s’enorgueillit-il, ce qui lui a valu d’assister à « l’explosion de Fête le Mur, il y a 7 ou 8 ans, peu avant la Covid ». Des jeunes, il en a vu grandir. « On voit passer beaucoup d’enfants, et quand on les retrouve par hasard, des années plus tard, qu’on voit comment ils nous parlent, qu’ils se souviennent de nos prénoms et de ce qu’ils ont fait avec nous, on se dit qu’on a compté » sourit-il. Son ancienneté l’a d’ailleurs placé au cœur de l’évolution des objectifs de l’organisation. Il raconte que « l’idée était au départ de démocratiser le tennis, pour l’apporter dans les quartiers dits sensibles, de permettre aux enfants de pratiquer un sport réputé élitiste ». Cette pratique reste aujourd’hui centrale, mais sert avant tout de passerelle pour un accompagnement plus large. Au développement par le sport se sont donc ajoutés deux autres volets, autour de l’insertion professionnelle et d’animations culturelles ou éducatives. 

Début février, à l’occasion du Tournoi Régional, 120 jeunes des sites d’Auvergne-Rhône-Alpes se sont rencontrés à Lyon autour de matchs, d’ateliers éducatifs et d’activités culturelles, dont un spectacle de magie. © Fête le Mur

Les trois thématiques principales regroupent une quinzaine de programmes, qui visent l’épanouissement des petits et des grands « Fêtelemuriens ». Les activités vont de l’aide aux devoirs, avant ou après le tennis, aux ateliers diététiques avec des professionnels de l’alimentation, en passant par des pièces de théâtre et des visites de musées. Des job dating sont organisés pour les plus âgés. « L’accompagnement des jeunes vers l’emploi va prendre de plus en plus d’importance, c’est l’un des objectifs prioritaires de l’association » précise Thierry. S’il est évident que ce genre d’événement ne s’adresse pas aux enfants – les cadets de certaines antennes ne dépassent pas les 5 ans – il conclut un long parcours. « Les jeunes n’arrivent pas à 17 ans mais plus tôt, et après on les garde, note le coordinateur, il faut mettre en place différentes choses qui les motivent, qui les marquent, pour qu’on puisse arriver à ce dernier programme ».

Vers le court et au-delà

Pour initier les habitants des banlieues à la raquette, le dispositif fonctionne souvent en coopération avec les centres sociaux. Il peut parfois intervenir dans des écoles, sur le temps périscolaire. Les bénéficiaires, ensuite encouragés à intégrer l’antenne locale de l’association ou un club partenaire, ont accès à une licence de la Fédération Française du Tennis (FFT) gratuite. Mais comment améliorer son coup droit ou son revers sans avoir la possibilité d’affronter d’autres joueurs qu’ils ne connaissent pas ? C’est là qu’entre en jeu le programme « Compétition éducative », grâce auquel sont organisés des matchs entre plusieurs sites. Ces rencontres ont lieu au niveau départemental ou lors de grands « Tournois Régionaux ». Celui disputé depuis des années à Lyon, au centre de la Ligue de Tennis, se tiendra dorénavant au Puy-en-Velay. Un déplacement qui cherche à « éclairer d’autres secteurs » explique Thierry. La métropole lyonnaise accueillera en revanche le « Tournoi National », prévu à Bron du 4 au 6 juillet en présence de Yannick Noah.

Grâce à des places offertes par la FFT ou par la Ligue Auvergne-Rhône-Alpes, les jeunes ont également la possibilité d’assister aux grands rendez-vous du tennis. Plusieurs sites seront ainsi présents dans les tribunes de la nouvelle édition du Grand Chelem parisien, qui se tiendra du 19 mai au 8 juin. C’est le cas d’une trentaine d’enfants de la région. Les Valentinois en profiteront même pour passer deux jours dans la capitale. « On ira aussi à l’Open Sopra Steri, un grand tournoi international qui va avoir lieu début juin à Lyon » ajoute Thierry. Pourtant, trente ans plus tôt, la légitimité des milieux populaires à intégrer l’univers tennistique était loin d’être reconnue. « Il y avait des gens qui ne souhaitaient pas que cette population pratique ce sport, se souvient ce vétéran de la structure, et quand j’ai commencé le tennis il y a plus de 45 ans, je ne vous en parle pas ».

La « Journée du P’tit Fêtelemurien » de ce 12 avril a permis aux plus jeunes des sites de La Duchère et de Gerland de s’initier au tennis et à une alimentation équilibrée. © Fête le Mur

En 2023, l’INJEP relevait encore dans les quartiers prioritaires une part de licences « deux fois moins importante qu’au niveau national ». Si Thierry évoque un sport « pas plus cher que le foot » et une amélioration de l’accès aux installations, il reste du chemin à parcourir pour montrer aux jeunes que la petite balle jaune a sa place dans leurs banlieues. Par ses actions, l’association espère continuer de déconstruire les stéréotypes associés à cette discipline. Elle s’attache par exemple à la rendre plus paritaire, en valorisant ses joueuses et ses « Fêtelemuriennes » formées à l’arbitrage. « On a un taux de filles très important, de 45%, rapporte le coordinateur, dans les clubs fédéraux, ce n’est pas du tout ça, on est plutôt sur 28% de filles ». Fête le Mur ne se contente pas d’ouvrir la voie, elle fait comprendre aux instances historiques du tennis que la balle est dans leur camp.

Article signé par Cecilia Adrián Tonetti

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