Abdel Kader et Rosmyne font partie de ces couples franco-étrangers pour qui mariage rime avec cauchemar. En couple depuis plus de 4 ans et marié depuis 3 ans et demi, ils ne peuvent toujours pas vivre normalement. En cause, la Préfecture du Rhône qui n’a toujours pas délivré de titre de séjour à Abdel Kader. Récit de cet imbroglio administratif.
Pourtant mariés depuis le 1er décembre 2005, ces habitants de Vénissieux sont encore dans l’incapacité de construire une vie stable. « Nous nous sommes mariés juste avant l’application de la nouvelle loi sur l’immigration. Résultat, quand nous nous sommes présentés à la Préfecture, impossible d’obtenir de titre de séjour. Je devais d’abord retourner dans mon pays d’origine pour obtenir un visa spécial qui me permettrait par la suite de demander une carte de séjour. » explique Abdel.
Problème : Abdel Kader, entré légalement en France en 2003, a fui le Congo pour y avoir subi des actes de torture. En danger dans son pays d’origine, il lui est impossible de retourner là-bas. Sans parler du coût d’un tel déplacement… Mais la préfecture ne lâche rien. Sans ce visa, pas de papier. Un refus qui vient s’ajouter à sa demande d’asile déboutée. « Et pourtant, j’avais toutes les preuves de ma situation au Congo. L’OFPRA * possédait même un certificat médical attestant des tortures que j’ai subies là-bas ! A mon avis, ils ont des quotas, et je n’ai pas eu de chance », en déduit Abdel.
« Lorsque l’on s’est marié en 2005 à Vénissieux, l’on était heureux, on n’imaginait pas ce scénario catastrophe. On fait la fête et puis, le lendemain, c’est la galère. », ajoute Rosmyne , désabusée. Une galère qui dure et qui n’en finit plus. Heureusement, le jeune couple est soutenu par la Cimade et a engagé un avocat. Au jour d’aujourd’hui, selon la loi, Abdel est légalisable et surtout inexpulsable. Marié depuis plus de trois ans, il a prouvé ses liens familiaux, son attachement à la France, et n’a fait aucun faux pas. Malgré tout, en janvier dernier, après un contrôle de police, il passe près de 48h en garde à vue, se voit notifier un arrêt de reconduite à la frontière, avant que, finalement, la préfecture décide d’abroger cette ARF. « Encore une fois, la Préfecture n’a pas respecté la loi. A ce moment là, j’aurais dû recevoir un titre de séjour provisoire. Mais je n’ai rien eu ! ».
Après des mois d’imbroglio administratif, Abdel et Rosmyne tentent une ultime procédure. Ils viennent d’envoyer un nouveau courrier à la préfecture. L’administration a 4 mois pour y répondre. Cela pourrait se terminer au tribunal mais dans combien de temps ? « Si la Préfecture ne statue pas sur mon cas positivement d’ici 4 mois, les procédures peuvent durer des mois… » souligne Abdel. Des mois durant lesquels le couple devra survivre avec 800 euros mensuel. « Bien sûr, il m’est arrivé de travailler au noir mais je suis tombé sur des gens peu scrupuleux qui ont profité de ma situation. » Un cercle vicieux qui a aussi bouleversé la vie de Rosmyne. « A force de subir tout ce stress, cette pression j’ai perdu mon travail. Aujourd’hui, on tient le coup car on n’a pas le choix. Mais il y a des moments où je me demande si on ne cherche pas à nous faire craquer. »
Symbole d’une politique qui accepte difficilement les unions franco-étrangères, Rosmyne et Abdel espèrent aujourd’hui arriver au bout du tunnel. Leur histoire est malheureusement devenue aujourd’hui plus que banale.
Auteur : Pascale Lagahe
Pour aller plus loin : Voir le site des Amoureux au ban public