Ce lundi soir, à six jours des élections européennes du 9 juin, la liste « Gauche unie pour le monde du travail », menée par Léon Deffontaines, a organisé son dernier meeting de campagne sur la place Guichard à Lyon. Après des événements à Vénissieux et dans le Beaujolais, ils ont choisi de revenir au cœur de la ville, selon Augustin Pesche, secrétaire du PCF à Lyon. Aurore Artigue, 54ème sur la liste, accompagnatrice éducative et sociale ainsi que syndicaliste, nous a parlé du programme européen de la liste.
Lyon Bondy Blog : Cette année, il y aura au moins 21 millions de primo-votants au total pour ces élections européennes, dont 9 % en France sur l’ensemble de son corps électoral, comment vous procédez pour attirer cet électorat jeune à voter pour votre liste ?
Aurore Artigue : Tout d’abord, il est important de noter que ce ne sont pas seulement les jeunes que nous cherchons à atteindre, mais l’ensemble des électeurs. Cependant, en ce qui concerne spécifiquement les jeunes, nous pouvons compter sur l’engagement actif de la Jeunesse Communiste. La jeunesse représente un enjeu majeur car elle incarne l’avenir et les décisions politiques européennes auront un impact direct sur leur quotidien et leur futur. Cette campagne revêt donc une importance particulière pour eux.
Nous nous rendons aux portes des universités, des entreprises, des lycées généraux et des lycées professionnels pour sensibiliser. Notre deuxième candidate sur la liste, Sigrid Gérardin, est une professeure de lycée professionnel, ce qui lui permet de maintenir un lien direct avec les jeunes et de discuter avec eux des enjeux européens.
Nous abordons également la question cruciale du logement pour tous. À Albi, par exemple, nous avons constaté que plus de 200 étudiants doivent se partager une quinzaine de logements sociaux, une situation très problématique. Un membre de notre liste est issu du Comité national du logement, ce qui nous permet de travailler concrètement sur cette question.
Le revenu étudiant est une autre préoccupation majeure. Les longues files d’attente devant les banques alimentaires montrent que de nombreux étudiants peinent à subvenir à leurs besoins, surtout depuis la pandémie de Covid-19. Il est essentiel que les étudiants puissent étudier dans de bonnes conditions, sans avoir à travailler de manière excessive pour financer leur logement et leur alimentation. Tout ce que nous défendons vise à améliorer les conditions de vie des jeunes, leur permettant de bien se nourrir et de bien vivre.
Voter pour notre liste, c’est voter pour le monde du travail et pour la jeunesse.
L.B.B : Pourquoi, selon vous, la France affiche un niveau d’euroscepticisme plus élevé par rapport aux autres membres de l’Union européenne, soit 34 %, comme le révèle la dernière enquête Eurobaromètre. Alors que des pays comme le Portugal, l’Irlande et le Danemark montrent une perception beaucoup plus optimiste de l’UE.
A.A : Je pense que c’est avant tout la politique nationale qui est en cause. On nous fait croire que c’est la faute de l’austérité imposée par l’Union européenne, mais en réalité, c’est l’État qui choisit de mettre en œuvre ces mesures d’austérité. La politique nationale nous fait croire que c’est l’Europe qui impose cette orientation libérale, bien que l’Europe ait effectivement une tendance libérale. Cependant, cette perception est largement façonnée par les choix et les discours de notre propre gouvernement.
L.B.B : Lors des élections européennes de 2019, le taux d’abstention à Vaulx-en-Velin était de 73,28 % parmi les 16 705 inscrits. Comment procédez-vous pour lutter contre l’abstention et pour convaincre les habitants des quartiers populaires à voter pour vous ?
A.A : Nous avons mené une campagne en étant véritablement au contact des personnes. Je pense que nous sommes la seule liste, avec nos nombreuses sous-listes, à avoir fait une campagne réellement sur le terrain. Bien sûr, nous avons des porte-parole qui interviennent dans les médias, mais nos militants ont été présents partout en France, y compris dans les quartiers populaires.
Nous avons mis en avant des questions essentielles comme l’énergie et l’alimentation, et nous répondons aux préoccupations des citoyens. Beaucoup sont affectés par le manque d’accès à une bonne alimentation et à l’énergie. Nous affirmons qu’il est crucial de revoir les salaires pour augmenter le pouvoir d’achat des Français et des citoyens des autres pays européens. Les gens doivent pouvoir vivre dignement de leur travail et c’est une question qui touche profondément.
L.B.B : Justement par rapport au pouvoir d’achat que prévoit votre programme européen ? Sachant qu’il s’agit de la principale préoccupation des électeurs français représentant 57 % dans le sondage Ifop Fiducial.
A.A : Dans un premier temps, nous proposons de redonner du pouvoir aux salariés au sein des entreprises. Être syndicaliste est un défi, car il y a de nombreux obstacles à surmonter dans les entreprises. Nous demandons donc à ce que les salariés aient plus de pouvoir, ce qui permettrait de mieux négocier en interne et de relever le SMIC, en visant également l’établissement d’un SMIC européen afin d’éviter la concurrence entre les travailleurs européens.
Nous proposons également une meilleure répartition de la PAC (Politique Agricole Commune) pour les agriculteurs, en évitant la distribution uniquement basée sur la superficie des terres. Il est important de diversifier les cultures sur l’ensemble des territoires, évitant ainsi la concentration de grandes exploitations comme celles de porc ou de maïs, et favorisant une agriculture plus variée. Cela permettrait aux gens d’avoir accès à des circuits courts, offrant une alimentation plus saine et locale.
Ce projet répondrait aussi à l’enjeu climatique en réduisant le nombre de camions sur les routes. De plus, il est crucial de sortir le coût de l’énergie du marché européen, car nos factures ont augmenté depuis notre entrée dans ce marché, étant indexées sur le prix du gaz. Nous proposons de quitter ce marché de l’énergie européen et de développer un mix énergétique qui permettrait de réduire les factures des ménages. En adoptant ces mesures, nous améliorerons le pouvoir d’achat des Français ainsi que des habitants des autres pays européens.
L.B.B : Le 6 février dernier, la Commission européenne a proposé un nouvel objectif pour 2040, qui est de réduire de 90 % les émissions de gaz à effet de serre. Que pensez-vous de ce projet et comment cela est-il possible d’après vous ?
A.A : Je n’ai pas encore pris connaissance de ce projet en détail, mais nous avons un projet solide sur le climat. Le Parti communiste a proposé un plan climat pour 2050, élaboré par la commission écologie en collaboration avec toutes les commissions du Parti et des ingénieurs du GIEC. Cette étude approfondie souligne notre position sur la crise climatique actuelle : il est essentiel de réduire le réchauffement climatique. Nous ne pourrons pas éviter complètement les effets du réchauffement, mais nous devons limiter l’augmentation des températures.
Notre plan pour 2050 touche tous les secteurs : industrie, agriculture, transport, etc. Par exemple, nous proposons un mix énergétique incluant des nouvelles centrales nucléaires plus performantes. Nous devons également repenser nos modes de transport en développant le fret ferroviaire pour réduire le nombre de camions sur les routes et promouvoir le train pour les voyageurs, afin de diminuer l’utilisation des véhicules personnels.
En agriculture, diversifier les cultures sur les territoires aiderait à créer des systèmes plus résilients. Concernant les forêts, il est crucial d’arrêter leur destruction. Par exemple, en matière de chauffage, nous misons sur le chauffage électrique, ce qui augmentera notre consommation d’électricité et justifie l’usage accru du nucléaire. La préservation et l’extension des forêts sont nécessaires pour absorber le carbone. Nous avons perdu une grande partie de nos forêts ces dix dernières années, et nous devons inverser cette tendance pour réduire notre empreinte carbone.
En résumé, notre projet de plan climat vise à réduire les émissions de carbone et à transformer nos modes de vie pour répondre efficacement à la crise climatique actuelle.
L.B.B : Selon le dernier sondage de l’Institut Elabe pour BFM TV, La Tribune, votre liste est créditée de 3 % des intentions de vote. Êtes-vous confiante quant à votre capacité à vous quant à votre capacité à augmenter ce pourcentage pour réussir à atteindre le seuil des 5 % nécessaire pour obtenir des sièges au Parlement ?
A.A : Je pense que c’est faisable, car il est clair que les électeurs sont indécis. Il y a 38 listes, et les électeurs de gauche sont particulièrement indécis. Nous sommes l’une des rares listes où un tiers des candidats sont des syndicalistes. Parmi toutes les principales listes, nous sommes les seuls à inclure des personnes issues du monde du travail. Par exemple, en cinquième position, nous avons un représentant du monde du travail. Sigrid Girardin, qui est deuxième sur notre liste, était professeure de lycée professionnel et syndicaliste. Un tiers de notre liste est constitué de travailleurs qui connaissent les défis quotidiens du pouvoir d’achat et de la santé, des préoccupations majeures pour les Français.
Qui peut mieux parler des problèmes du monde du travail que ceux qui les vivent au quotidien ? C’est cette expérience vécue qui, je crois, fera la différence. De plus, obtenir 5 % des voix signifie cinq élus supplémentaires pour la gauche, et moins pour l’extrême droite et la droite. Le système électoral actuel fait qu’il nous suffit d’un 2 % supplémentaire pour atteindre cet objectif, tandis que les autres partis auraient besoin de 2,5 à 3 % de plus pour obtenir un élu supplémentaire. Donc, pourquoi ne pas nous donner ce 2 % manquant ?
Je pense que les électeurs vont comprendre cela, car cela permettrait d’avoir plus de représentants de la gauche au Parlement européen. C’est crucial pour que le monde du travail soit représenté et pour que des lanceurs d’alerte puissent émerger. Même si nous serons minoritaires et ne pourrons pas tout changer, notre présence permettra de soutenir les luttes sociales et de porter des questions importantes au sein du Parlement. Cela fait partie de ce que j’ai accompli au cours de la dernière année.
Augustin Pesche : Ce que j’aimerais ajouter pour conclure, c’est que l’enjeu de cette élection est de faire en sorte que les gens soient représentés par des candidats, et demain par des élus, qui partagent et comprennent leurs conditions de vie. Vous avez parlé de précarité, de logement, d’électricité. Tous les membres de notre liste sont des personnes qui se battent quotidiennement pour vivre dignement. Il est crucial que l’Union européenne ne soit pas éloignée de nos territoires et de nos quartiers, que l’on vive dans le quartier les États-Unis ou à la Croix-Rousse. Il faut que nous puissions faire confiance aux personnes que nous élisons, car ce sont elles qui reviendront rendre des comptes, organiser des réunions et témoigner des décisions prises.
Si les Français se méfient de l’Union européenne, c’est souvent parce que le gouvernement se cache derrière elle pour justifier ses décisions politiques, alors qu’il est souvent en accord avec celles-ci. On l’a vu après l’adoption de la réforme des retraites, malgré l’opposition massive de la population et un mouvement social historique. Le gouvernement est allé à Bruxelles chercher des garanties. Les Français ont besoin d’élus combatifs, des personnes qui ne cèdent rien, qui continueront à se battre demain au Parlement européen parce qu’ils se battent déjà tous les jours dans leurs entreprises.
Qu’est-ce qui est le plus compliqué selon vous ? Être député au Parlement européen parmi 800 autres parlementaires, ou lutter quotidiennement dans son entreprise face à son patron, parfois même face à des collègues qui n’ont pas la même vision du droit social et des avancées à obtenir ? Nous avons une liste de 81 noms de personnes déterminées, combatives, qui partagent les réalités quotidiennes de 70 millions de Français.
C’est cet esprit que représente notre liste. C’est ce que Léon Deffontaines incarne, ainsi qu’Aurore Artigue et tous les candidats présents au meeting de lundi soir.
Essia Ben Miled et Amélie Carapito