Échanges avec Laz, du voyage carcéral à la Norvège en vélo

Après avoir purgé sa peine pour plusieurs méfaits, Laz sort de prison en 2019 avec une envie de parcourir le monde. Avec la création de sa structure d’humour « Carré Rouge » en référence à son quartier de Bron, et « Pédaler Pour Leur Sourire » une association où son groupe d’amis parcourt à vélo toute l’Europe, il veut devenir « la meilleure version de lui-même ».

Laz, connu par ses proches de son nom LAZREG, est aujourd’hui humoriste et président de la structure « Pédaler Pour leurs Sourires ». Le 25 juillet dernier, il revient d’un tour d’Europe à vélo où tous les bénéfices de la cagnotte, créée pour l’occasion, seront reversés à une association guinéenne. La démarche sociale de sa course trouve son origine dans un lieu bien différent et exiguë, où le vélo et les associations ne sont pas le premier souci : la prison.

Au cours d’un entretien réalisé le 17 août, Laz revient avec nous sur cette expérience qui l’a marqué et nous en apprend plus sur lui. Une aventure qu’il réitère pour la troisième fois. Cette fois-ci un véritable palier à été franchis pour le brondillant.

Comment avez-vous senti que vous aviez atteint un nouveau pallier ?

Principalement, par les retours et parce qu’on a reçu des candidatures pour nous accompagner, on a même dû en refuser. Ces refus c’est surtout car on a un objectif et on doit y arriver. Il faut des personnes motivées, qui fassent suffisamment de sport et avec un bon matériel.

Laz et son équipe lors de leur arrivé en Italie. Crédit : Laz

Comment s’est fait le retour en France ? Comment vous sentez-vous ?

Un peu dégouté on a voyagé dans des pays magnifiques, on a vu des beaux paysages. La France c’est un beau pays, on y est nés, on le connait. Mais lorsqu’on sort et qu’on voyage, on se dit « wouah », y’a pas ça chez nous. Après, c’est vrai que quand on est chez nous, on se dit également « il n’y a pas ça là-bas ». Je suis content d’être revenu, pressé de préparer la prochaine aventure.

Dans quel état d’esprit avez-vous terminé cette édition ?

J’ai déjà envie de m’y remettre. Parce que je sors de ma zone de confort, je découvre de nouveaux paysages, de nouveaux horizons, de nouvelles populations. Ça me donne envie d’en découvrir encore plus, le monde est grand. Pour moi, la cage vient de s’ouvrir, il est temps que je déploie mes ailes. J’ai envie de pédaler encore et encore. Alors que je pourrais le faire en avion, en voiture, en voyage organisé comme un touriste. Mais pour moi, pour voyager, il n’y a rien de mieux que le vélo, appart peut-être la moto.

Pourquoi avoir choisi le vélo ?

Ça m’est tombé dessus. Je n’y connaissais rien. Pour notre premier périple de Lyon à Marseille j’ai d’abord pris un V.T.T. Puis j’ai appris, je me suis perfectionné. Au fur et à mesure on a utilisé d’autres vélos, tous de meilleure qualité qu’avant. Pour la troisième édition on est partis de Bron et on est allés en Suisse, en Allemagne, au Lichtenstein, en Autriche puis on est revenus jusqu’en Italie et en France.

Quelles étaient les sensations sur le vélo ?

C’est dur physiquement, mais mentalement c’est un régal. Je sais où je vais, je sais que je veux y arriver.

Au départ vous êtes partis en compagnie du maire de Bron, qui vous a accompagnés jusqu’à Genève. Cela représente quoi pour vous ?

Ça veut surtout montrer que l’eau et l’huile ça se mélange. On peut être un ancien braqueur et faire des choses bien. Entre l’huile et l’eau, qui je suis ? L’huile, car je laisse des traces (rires). 

Le groupe de « Pédaler pour leurs sourires » au départ de Bron en compagnie de Jérémie Bréaud, maire de Bron. Crédit : Laz

C’est quoi la suite ?

Je suis déjà en préparation de l’épisode quatre. On parle entre nous de la Turquie, c’est une question d’organisation.

Portrait : 

Laz se définit avec le recul comme incompatible avec le système dans lequel il a grandi. Après avoir arrêté l’école à 18 ans sans réelle envie de trouver sa voix, il démarre dans la petite délinquance, avant d’y mettre un second pied qui lui coûtera plusieurs stages en prison. L’élément déclencheur de sa vie se produit le 3 juin 2010, quand LAZ, se retrouve questionné par la BRB pour plusieurs vols à mains armés qui sévissaient dans la région. En cause, le dernier fait d’arme sur lequel son équipe et lui ont été reconnus : le vol d’un million d’euros en bijoux place des jacobins. Il part pour 105 heures de gardes à vues suivi d’une mise à écrou puis obtient le statut de plus jeune DPS (Détenu Particulièrement Surveillé) de France à l’âge de 24 ans.

Il purge sa peine aux quatre coins de la région (Saint Quentin en Fallavier, la Maison d’arrêt de Moulins, Bourg-en-Bresse, Villefranche, Corbas, puis la centrale de Moulins). Il sort en 2019 avec un objectif : se rendre à Oslo et pouvoir regarder de ses yeux les paysages magnifiques qu’il a vu, à la télévision, durant sa détention. Il réalise ce rêve deux ans plus tard, après avoir créé « Carré Rouge » et « Pédaler Pour Leurs Sourires », avec plusieurs amis. Il pédale de Paris à Oslo durant 13 jours pour respirer l’air norvégien. « La plus belle expérience de sa vie » donne lieu à une cagnotte qu’il reverse entièrement à la cause de l’hôpital Romans Ferrari de Miribel. Le centre de rééducation lyonnais permet à des grands brûlés d’obtenir des soins de qualité, comme sa nièce quelques années plus tôt. 

Cette démarche associative l’a mené par la suite durant le mois de juillet 2022 à pédaler pour le sourire d’un village en Guinée afin de creuser un puits et d’obtenir l’eau nécessaire à leur vie. Suisse, Allemagne, Lichtenstein, Autriche, Italie... Il parcourt avec son équipe, 2 220 kilomètres au profit des plus démunis. 

« Si je pouvais y vivre, j’y vivrais »

D’où vient cet amour pour la Norvège ?

J’ai été incarcéré pendant plusieurs années. Un des déclics qui m’a poussé à réaliser ce challenge-là jusqu’à Oslo, c’est un documentaire que je regardais lorsque j’étais en cellule. Je suis tombé sur RMC Découverte et j’y ai vu des paysages magnifiques. J’ai décidé d’aller plus loin. J’ai frôlé mon rêve en allant à Oslo en vélo, mais je n’ai encore rien vu du pays. La sensation de bien-être que j’ai ressenti en arrivant là-bas était inexplicable, je ne l’ai jamais ressenti dans toute ma vie. Je suis quelqu’un qui aime beaucoup plus la montagne que la mer. Si je pouvais y vivre, j’y vivrais.

Mon rêve, serait de parcourir toute la Norvège à moto. J’aimerais organiser un road-trip à deux durant un ou deux mois et traverser tout le pays. Si je pouvais, je deviendrais norvégien.

Durant ce périple en Norvège, vous êtes allés jusqu’à l’ambassade française à Oslo. De quelle manière cela s’est organisé ?

On avait un community manager qui annonçait notre road trip et les différents endroits où on allait passer, on essayait de rencontrer des Français durant chacun de nos arrêts (Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Danemark, Suède, Norvège…). On a été contacté sur les réseaux sociaux par des personnes qui travaillent à l’ambassade française en Norvège. A Oslo, une famille nous a répondu et a accepté de nous accueillir. On a mangé et discuté avec eux durant un brunch puis on est partis visiter un peu la ville.

Tu n’y es pas retourné depuis ?

Je devais y aller cet été, en août, mais malheureusement ça n’a pas pu se faire car la famille était aux Etats-Unis. Pour moi c’était inenvisageable d’y aller sans les voir, car ils m’ont accueilli avec gentillesse et on est encore en très bon contact. La prochaine fois que j’y vais, je veux pouvoir les voir.

Porte-drapeaux français en Norvège

A travers le film PPLS2, on ressent une vraie envie de vous ouvrir au monde. Vous avez été l’espace d’un instant les porte-drapeaux français sur le sol Norvégien. Quel a été votre ressenti là-bas ?

Pourtant on n’a pas été suivis par qui que ce soit au niveau national, ni ambassade ni gouvernement… Je suis amoureux d’où je viens, je suis curieux de ce que je peux découvrir. Je suis surtout attaché à ce que je peux vivre.

Pour avoir été privé de liberté pendant des années, je sais ce que c’est d’être libre désormais. Ce n’est pas forcément voyager, c’est être soi-même. Durant mon incarcération, j’étais enfermé entre quatre murs. Le plus important c’est que je sois libre dans ma tête. C’est une réflexion que j’ai eu durant un cours de philosophie à l’intérieur de la prison « libre et enfermé ou enfermé et libre ». Je choisissais toujours la seconde option.

C’est aussi une référence à un ancien chef de cellule qui vous a demandé si vous aviez déjà pensé à l’évasion.

Oui, il m’a dit que les peines longues comme les miennes, dans les conditions dans lesquelles j’ai été incarcéré, les détenus pensent toujours à s’évader. Sauf qu’une fois évadé, dehors, je ne vais rien faire. Je préfère payer ma dette et une fois libre, je ne dois plus rien à personne. On part sur la supposition que je m’évade. Une fois en cavale, je ne tiendrais pas seul, une semaine. La vie de cavale, ce n’est pas ce que les gens disent, c’est très compliqué. Il faut faire beaucoup de concessions et tu es très malheureux.

Quelle sensation avez-vous ressenti lorsque vous avez visionné le film pour la première fois ?

« Je l’ai fait ». La sensation que ce film m’a procuré, c’était vraiment ça. L’objectif principal c’était vraiment de garder le souvenir de quelque chose que j’ai créé de mes propres mains.

Vous arrivez à le regarder ?

Depuis la diffusion, non. Je le regarde à petite dose, une scène par ci, une par là. Je ne le regarde jamais complètement et toujours tout seul. Durant la diffusion, j’ai dit aux autres de rentrer, et je suis resté en dehors de la salle. J’avais envie de me retrouver avec moi-même.

Est-ce que LAZ pourrait donner sa vie à un film. Est-ce qu’à votre échelle vous pensez que la démarche pourrait toucher un certain public ?

Des parcours comme les miens il y en a eu des pires, il y en aura encore et encore. Je ne me sens pas différent, mon parcours est similaire à beaucoup d’autres. Il est possible que demain, un gars sorte de prison et fasse plus de choses que moi, beaucoup mieux, avec plus d’ambition et de niaque. Si mon parcours pouvait servir à quelque chose, ça serait de dire qu’on peut faire des choses bien, même en étant passé par la case prison. Je n’ai jamais fait ça pour qu’on m’idolâtre. J’ai juste essayé d’être la meilleure version de moi-même. Je suis content de l’homme que je suis. J’aurais pu être mieux, être pire, mais je suis content.

« L’humour fait partie de mon quotidien »

Avec la grande place qu’a pris le vélo dans votre vie, quel temps consacrez-vous à vos projets liés à Carré Rouge ?

Je ne suis pas humoriste. L’humour fait partie de mon quotidien. Même sur un vélo je peux te raconter des blagues. Je suis quelqu’un qui aime rire, parler de tout et de rien. Humoriste c’est un métier, un talent, il faut écrire, travailler, reprendre ses sketchs, tester… J’ai de l’humour, je vais rigoler de tout, mais je ne le vois pas comme un métier. L’humour n’a pas pris de place sur le vélo et inversement. Ce sont deux choses différentes. On me considère humoriste à partir du moment où je prends le micro que je monte sur scène et que le public se met à rire. Mais je n’ai pas envie de m’enfermer dans une case, car je sais que je suis polyvalent. Mon rêve aurait été de mixer le vélo et l’humour : mixer PPLS et Carré Rouge et mettre Kacem de la fontaine, Yanisse Kebab, Hermann, tous les artistes sur un vélo. J’ai déjà pensé à une sorte de comédie-club ambulant où on prendrait tous le vélo de Lyon jusqu’à Marseille, là-bas on monopolise un comedy-club et on fait un show. Le lendemain on reprend les vélos et on fait un road-trip jusqu’à Perpignan, on remonte à Paris, on va à Saint-Etienne, puis à Valence, Avignon… Une dizaine de dates où on récolte de l’argent dans une cagnotte et on reverse tout cela pour une association définie au préalable. On aurait vraiment rassemblé les deux. Mais le plus dur c’est de mettre toute l’équipe du carré rouge sur un vélo (rires).

Carré Rouge a produit son spectacle au Transbordeur le 10 juin dernier. Il y a une scène particulière qui vous lie à Kacem et Hermann, les deux autres fondateurs de l’association. Comment s’est-elle construite ?

C’est la scène du canapé. Notre trio a créé Carré Rouge, on voulait se retrouver sur scène tous les trois, avoir notre propre moment. Ça fera partie des prochaines éditions du Casse Du Rire.

On s’est aperçus qu’en nous réunissant tous les trois lors de soirées en voiture, en mangeant, en se posant pour discuter, on pouvait parler à cœur ouvert. Certaines de nos conversations se rejoignaient.

On pourrait aussi parler du format en Vadrouille, sorti sur YouTube. De quelle manière s’est construit ce projet ?

A la base, le projet est parti du format « dans la gova » de Booska’P, qui est lui-même repris de Carpool Karaoke de James Corden. J’aimais bien le délire, mais je voulais l’adapter à Lyon car on manque de format innovant. On a fait trois épisodes comme celui-ci, mais les contraintes de la vie ont mis un terme au projet. C’est un format que j’aime particulièrement.

Le rire pour faire tomber les barrières

Il y a un thème qui ne vous unit pas du tout dans votre trio c’est la façon dont vous avez d’aborder le thème du « rat lyonnais ». Hermann et Kacem avec beaucoup d’humour, vous pas du tout. Pourquoi une telle vision du personnage d’Hermann ?

Il est dans le personnage, avec un soupçon d’accentuation de la réalité. Il le dit avec rire et auto-dérision, mais il y a un vrai message là-dedans. « Le rat » qui regarde ce sketch a deux réactions : il rigole et se dit « c’est vrai c’est moi », soit il se dit « on va ressembler à ça toute notre vie ? ». Moi, j’ai toujours refusé de ressembler de près ou de loin à un rat, qui est un terme très péjoratif. C’est un mauvais état d’esprit. En se revendiquant être un « rat », ces personnes veulent dire qu’elles viennent des quartiers. Sauf que le vocabulaire n’est pas le bon. Tu peux revendiquer le quartier, être fier d’où tu viens et de ce que ça t’a apporté. Mais te surnommer toi-même un « rat » c’est la plus négative représentation qu’il puisse exister.

Ce sont des choses qui me désolent. On grandit d’une certaine façon dans les quartiers. Ma culture des « lacoste airmax » que je porte toujours, n’avait pas la même signification qu’aujourd’hui. Maintenant, ceux qui portent cette tenue, c’est un cliché, une image de quartier péjorative. Cette étiquette, que le rat garde, lui permet d’éviter de dire « j’ai changé », en confondant changer et évoluer. Il y a une question d’environnement, de contexte, d’âge…

« Les clefs que j’avais hier n’ouvrent pas les portes d’aujourd’hui ».

Le Laz d’avant n’était pas un rat. Aujourd’hui, quand on voit ces jeunes en « mode rat », ils se détruisent leur image. Ils ne gagnent rien. Ce sont ces personnes-là qui sont mises en avant pour représenter les quartiers, alors que c’est faux. Moi je viens d’un quartier, je suis passé par le placard et je peux tenir une conversation avec n’importe qui, j’ai des connaissances de toutes classes sociales.

Les rats se mettent une pression tout seul parce qu’il y a une forme d’infériorité, de deux mondes différents et cloisonnés entre le quartier et le reste du monde. C’est pareil entre les mecs de quartiers et les filles ou la police : ils se mettent une pression alors que rien ne nous sépare, à part les a priori et les blocages.

J’ai rencontré beaucoup de gens dans ma vie, avec qui j’ai joué. Ils étaient remplis de clichés envers moi et mes origines. Je me suis lancé une mission, les faire mentir. J’ai réussi à les convaincre de discuter avec moi, d’un sujet à un autre. A la fin de notre discussion, ils me disaient tous « je ne pensais pas que tu étais comme ça ». Traduction « je ne pensais pas que tu savais aligner deux mots ». Une fois que la discussion était finie, je partais en les rejetant et en leur renvoyant toute leur mépris et leur jugement à la face.

Je n’ai jamais été pour la victimisation. J’ai toujours été contre ceux qui pensent que parce qu’on est d’une telle religion, couleur de peau, origine, ethnie ou de tel quartier on a moins de chance. Les « autres » n’auront pas plus de chance dans la vie que toi. Tout le monde doit accepter les autres et s’il n’y a pas de place pour toi ici, va ailleurs, fais-toi accepter par les autres.

« Je ne me revendique pas comme le Malcolm X de la banlieue lyonnaise »

Est-ce que le vélo peut être une porte de sortie pour ces jeunes de voir le monde extérieur ? Pourriez-vous encadrer des groupes à l’occasion de sorties en vélo ?

Je n’ai pas la capacité à encaisser le manque d’investissement. Si demain je prends une équipe de « rats », et qu’ils ne se donnent pas à 100%, je vais jeter le vélo et rentrer en train au bout de deux jours. Je ne suis pas le porte-parole des banlieues, je ne revendique rien. Je ne suis pas le Malcolm X de la banlieue lyonnaise. Prendre du temps, de ma forme physique et mentale pour donner à des personnes qui ne sont pas reconnaissantes, c’est au-dessus de mes compétences. Si cela doit se faire, ça sera de manière naturelle.  

L’aspect social revient toujours dans vos projets. Pourquoi ?

Car nous physiquement on se porte bien, dans un pays qui nous le permet. Je suis croyant, et je veux pouvoir aider mon prochain.

Pensez-vous que le système scolaire n’a pas été adéquat avec vous ?

C’est plutôt moi qui n’ai pas été adéquat avec le système. Si d’autres personnes ont réussi dans les études alors que moi non, c’est que le problème venait de moi.

Vous n’avez jamais ressenti de pression liée à votre classe sociale ou vos origines ?

Je n’ai aucun souvenir d’un ou d’une professeur(e) qui m’ait mal parlé ou traité différemment en fonction de qui j’étais. Le système scolaire ne m‘a pas laissé de mauvais souvenir.

Comment est-ce que vous voyez vos enfants évoluer dans ce système-là ?

On commencera par éviter de vivre dans un quartier, éviter les potes aux mauvaises influences. Ce n’est pas comparable, je suis un parent d’aujourd’hui, j’ai eu les parents d’hier. Eux ne parlaient pas français, ils ont tout misé sur les devoirs alors qu’aujourd’hui, je dirais à mes enfants de faire ce qu’ils aiment. Je serais là pour poser un cadre, le reste ils le feront. On est dans un pays où c’est possible. Ceux qui se sont retrouvés en prison avec moi n’ont, eux non plus, pas su saisir les perches qu’on nous avait tendues.

Sa meilleure rencontre en détention : la solitude

Vous avez une manière peu commune de parler de la solitude. Comment est-ce qu’on vit avec elle ?

La solitude c’est mal vu d’un point de vue sociétal : tu n’as pas d’amis, tu es en dépression. C’est obligatoirement un sentiment négatif de quelqu’un qui ne peut pas se plaire simplement à sa propre compagnie. Et c’est dommage. Des fois, quand je suis dans la rue, je vois des personnes avec leurs écouteurs, dans leur monde. Je les vois heureux seuls, ils kiffent ce qu’ils font, ils emmerdent le monde extérieur.

Je fais tellement de choses tout seul. Il y a une semaine, j’étais au cinéma et j’ai croisé un ami à moi qui était en famille. Il me demande avec qui j’étais et je lui réponds que j’étais seul. Il m’a demandé comment je pouvais rester solitaire et il m’a invité à la rejoindre. Je lui ai répondu que j’étais bien tout seul et que j’étais venu regarder un film, pas bavarder.

Comment vivre seul, en ayant des objectifs associatifs à remplir ?

J’arrive à me déconnecter, faire la part des choses. J’utilise certains moments, notamment la nuit pour être en introspection. C’est le meilleur moment de ma journée, c’est le moment le plus vivant. Ça m’arrive de marcher seul la nuit quand il fait froid. Une fois, j’ai posé ma voiture à Confluence et j’ai marché jusqu’à Fourvière. J’étais bien à ce moment-là. Ce sont des choses qui me rappellent que je suis vivant.

Vous avez passé plusieurs années en cellule à vous poser des questions. Une fois sur le vélo, aviez-vous le temps pour votre introspection ?

J’ai refait ma vie dix fois sur le vélo. Je pensais à tout et n’importe quoi, le chemin parcouru et à parcourir. Mon cerveau c’est une vraie usine, je réfléchis tout le temps à ce que je veux faire.

Vous sortez de prison en 2019 et vous prenez en marche les réseaux sociaux. Maintenant vous en faites une utilisation quotidienne. Comment vivre avec ?

Je suis obligé de les utiliser pour que les gens puissent suivre l’avancée du projet. Si je peux leur faire changer d’air avec des paysages, tant mieux. Mais je n’en fais pas une si grosse consommation que ça. Une fois que j’ai fini de poster ce qui est en lien avec le stand-up ou le vélo, j’éteins mon téléphone et c’est fini. J’ai une façon sincère de le faire, mais c’est plus sur l’aspect technique que c’est compliqué. Si mes snaps peuvent motiver d’autres à prendre leur vélo et faire 50 kilomètres par jour, c’est un pari réussi.

Avez-vous des regrets dans la vie ?

Aucun. Énormément de personnes ne comprennent pas, me pensent égoïste de penser ça. J’ai fait des choix qui n’étaient pas les bons, mais je les ai toujours assumés. Sans mon passé, mon présent ne serait pas celui-ci aujourd’hui. Si j’avais un conseil à donner à l’ancien LAZ, c’est « crois en toi dès le plus jeune âge ».

Tristan

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