À l’approche des élections législatives 2022, le Lyon Bondy Blog a décidé d’aller à la rencontre des candidats des différentes circonscriptions. Pour notre 6ème rencontre, nous avons interrogé Idir Boumertit, candidat de la NUPES pour la 14ème circonscription.
Idir Boumertit, 47 ans, est conseiller en insertion socio-professionnelle et éducateur sportif. Élu à la mairie de Vénissieux depuis 2001, ce père de 4 enfants est le candidat de la LFI/NUPES aux élections législatives de la 14ème circonscription du Rhône. Par deux fois conseiller municipal puis adjoint au maire depuis 2014, le vénissian cumule engagement politique et militantisme en plus de ces deux emplois. Depuis 2016, Idir Boumertit siège au Conseil Métropolitain. Au fil des années, il a gravi les échelons au sein du paysage politique local. Les questions de l’emploi, de la jeunesse, des quartiers populaires sont au centre de ses missions en tant qu’élu, militant et peut-être bientôt, en tant que député NUPES.
Idir Boumertit avait choisi à la mi-avril de ne pas candidater aux législatives 2022. Taha Bouhafs (LFI) avait été investit par la NUPES. Suite au retrait du journaliste, Idir Boumertit s’est finalement présenté. « Lorsqu’on m’a demandé si j’étais prêt à y aller suite à la situation, j’ai eu un sentiment de devoir. Je ne me voyais peut-être pas avoir un destin national tout de suite. Je me voyais plutôt aller au bout de mes actions locales. À situation exceptionnelle, j’ai pris mes responsabilités », confie le candidat. Le vénissian insiste sur le sérieux de sa candidature. « C’était une option qui n’était pas impossible. J’avais le choix de ne pas y aller à ce moment-là et de me consacrer au local. J’avais cette idée de peut-être plus tard accéder à un poste avec plus de responsabilités. Finalement, ça s’est accéléré et j’assume totalement ». Un poste qui, selon lui, n’est pas incompatible avec son militantisme. « Être parlementaire, ça n’empêche pas d’être sur le terrain ».
Dans un contexte de crise de la représentation et de la confiance envers les politiques, comment comptez-vous mobiliser les électeurs ? Les jeunes ?
Tous les jours, on mène des actions dans toutes les communes de la circonscription. On a une force militante qui est dans une poursuite des activités. On n’est pas dans une séquence déconnectée de celle des présidentielles. On fait beaucoup de porte-à-porte pour mobiliser dans les marchés, devant les écoles… C’est une élection qui n’est pas très connue. Pas mal des électeurs ne connaissent pas les enjeux des législatives. Pour nous, c’est le troisième tour. Je reste convaincu aujourd’hui que certaines personnes qui n’avaient pas l’habitude de voter se sont rendues aux urnes pour la première fois. JLM a réussi à mobiliser. Ces personnes ont voté parce qu’elles ont compris que le bulletin de vote était une arme. Il a réveillé un électorat dans les quartiers populaires par exemple. La question du pouvoir d’achat a réveillé cet électorat.
Comment allez-vous vous faire le relais de leurs préoccupations à l’Assemblée nationale ?
Il y aura des permanences parlementaires qui seront accessibles à tous. Dans ces permanences, il y aura d’autres permanences afin de pouvoir recevoir les personnes et se nourrir de ce contact du terrain. Lors de ces permanences, on va se demander comment être une force de proposition afin de proposer des lois en phase avec nos réalités locales. Ce sera la marque de fabrique de LFI et de la NUPES, partir du terrain pour trouver des solutions et être force de proposition.
Au sujet de la NUPES, pourquoi avoir attendu la fin du 2nd tour pour vous allier ?
L’expression dans les urnes a été claire. Ce besoin de la gauche rassemblée s’est exprimé dans les urnes et sur le terrain. Chacun en a tenu compte et ce qui a créé cette grande coalition. On peut regretter que ça ne se soit pas fait dès le premier tour. Aujourd’hui, il y a un paysage de la gauche qui est en train de se reconstruire.
Quelles sont les premières lois que vous aimeriez porter à l’Assemblée ?
Des lois sur le pouvoir d’achat avec le SMIC à 1500 euros ou l’allocation pour les jeunes étudiants à 1063 euros. Des lois sur les retraites. Tout cela va se regrouper dans des projets de loi qu’on souhaite très rapidement mettre en place dès septembre.
Vous disiez dans une interview pour Le Progrès « qu’aux Minguettes, près de 40 % des moins de 25 ans sont au chômage, et qu’on ne baisse pas le chômage avec des mesurettes comme les contrats aidés ». Que pourrait-on faire pour aider les jeunes à s’insérer professionnellement ?
Les contrats aidés, c’est une étape importante, pour les personnes qui en ont besoin, afin de se réinsérer dans le monde professionnel. Il y a des personnes qui sont employables, mais qui malheureusement, à défaut qu’il y ait de l’emploi, se reportent sur ce dispositif de contrats aidés. Les contrats aidés, bien sûr qu’il en faut, mais pour les personnes qui ont besoin de cette étape. Il y a des jeunes diplômés qui pourraient avoir accès à des emplois traditionnels, mais l’offre n’est pas là.
Il y a un vrai enjeu sur la formation professionnelle des jeunes. Aujourd’hui, le niveau de qualification est, par exemple, très bas sur le plateau des Minguettes où certains n’ont pas le baccalauréat ou pas de formation tout court. C’est la question de l’employabilité. Un jeune qui n’est pas formé n’est pas employable. Les moyens pour la formation des jeunes ne sont pas à niveau et ça ne semble pas être la priorité ni de la région ni de l’Etat. Ça sera une de mes priorités.
La 14ème circonscription est l’une des plus pauvres de la Métropole. En 2018, 1 quart de la population vivait sous le seuil de pauvreté d’après l’Insee. Comment sortir les plus démunis de cette précarité ? Quelles seront vos mesures pour améliorer leur situation ?
Dans les quartiers populaires, pour élever le niveau de vie des gens, il faut créer de l’emploi. Je l’ai vu sur la Ville de Vénissieux, les efforts des collectivités pour faire venir des entreprises sur le territoire contribuent à créer de l’emploi. Pour amener ces entreprises, c’est tout un travail de lobbying, de valorisation du territoire. On est là pour redorer l’image du territoire que certains stigmatisent. En tant que député, il y a, aussi, des actions à mener pour valoriser le territoire, ce n’est pas que les élus locaux. Ce travail de lobbying se fait aussi au niveau du député qui jouit d’une plus grande influence. Il faut aller au contact du monde économique pour vendre les atouts d’un territoire.
Le rapport de 2021 de la Cour des comptes montre que l’attractivité des Minguettes a augmenté au détriment de son image. Comment faire pour améliorer l’image et l’attractivité des quartiers populaires ?
On a des projets qui ont vocation à transformer nos territoires, à changer leur image et en même temps installer les conditions du bien-vivre ensemble. Une politique d’attractivité bien menée, c’est une politique qui crée des effets leviers. À Vénissieux par exemple, ça a été la mise en place du tramway, la démolition pour reconstruire des logements, la rénovation, la promotion immobilière. Tout cela pour que les gens vivent dans des conditions plus dignes. Le rapport de la Cour des comptes a analysé si les politiques mises en place avaient fonctionnées. Je me dis que s’il n’y avait pas eu ces politiques, ça aurait pu être pire.
Quand on parle d’image, c’est un sentiment. Ce sont des lieux chargés d’histoire. L’image que renvoient les médias de ces quartiers joue aussi. Cette image a souvent été instrumentalisée en politique. On ne peut pas banaliser ce qu’il se passe dans ces quartiers. Il y a de la paupérisation, de la délinquance : ce qu’on peut retrouver dans beaucoup de quartiers populaires en France. Il y a beaucoup de choses positives qui se passent, mais ce n’est pas ce qu’on retient et ce qu’on relaye. Dans notre circonscription, on a trois communes qui sont concernées par le renouvellement urbain. Elles ont des financements via l’agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU) qui a mobilisé des moyens dans le cadre du NPNRU (Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain). Tous ces grands projets ont vocation à créer de la mixité sociale. Les projets urbains n’ont pas vocation à faire du renouvellement urbain, un renouvellement de population. Certains confondent. Pour nous, le renouvellement urbain, c’est la transformation des quartiers populaires où on fait tomber ces grands ensembles. On n’est pas dans la logique des années 80 où on entassait des gens dans des tours. Le but est d’instaurer un bien-vivre ensemble à taille humaine.
Ce mois de mai a été marqué par des températures record et des sécheresses précoces. En tant que parlementaire, vous serez en partie auteur de la politique environnementale, qu’est-ce que vous soutiendrez à l’Assemblée nationale ?
Le but pour nous, c’est d’inscrire dans la constitution la règle verte. Ne pas consommer plus que ce que peut produire la nature. L’écologie fait partie du projet de la NUPES. Réduire la place de la voiture, c’est un des leviers pour lutter contre le réchauffement climatique. Sur la métropole de Lyon, une ZFE (Zone à faibles émissions) a été mise en place. Il y a certes des dimensions de cette mesure qui sont critiquables, notamment son application dans les quartiers populaires. La réduction des émissions passe par ce genre de mesure. Il faut cependant créer les conditions pour que l’application soit possible en développant les moyens de transport en commun. Il faut créer les conditions pour permettre aux gens de changer leurs véhicules et avoir un véhicule plus propre. Aujourd’hui, les mesures d’accompagnement pour permettre aux gens les plus modestes de changer de véhicule sont insuffisantes. L’objectif en étant élu à l’Assemblée nationale, c’est de créer ces conditions.
Rémi Capra-Brocard