Entretien avec l’artiste péruvien Yandy Graffer, qui fait partie des treize créateurs réunis au Yoga Korner jusqu’au 20 décembre avec l’association Superposition.
Raconte-nous un peu ton parcours !
Yandy Graffer : J’ai commencé le graffiti en 2007 dans mon pays, le Pérou. J’ai touché à l’art contemporain et j’ai aussi étudié le graphisme, parce qu’il fallait faire un peu de sous. Mais je n’ai jamais arrêté de faire du graffiti avec mes amis. Avec le temps je me suis dit : pourquoi pas faire les Beaux Arts de Lima ? On va bien voir si je peux y entrer parce que c’est très difficile ! Beaucoup de gens me disaient que c’était trop difficile. Mais ça me mettait une bonne pression, parce que la vérité c’est que je ne savais pas dessiner ! (Rires). Je savais faire du lettrage de graffiti, c’est tout. Avec l’esthétique de l’univers du graffiti, le hip hop, tout ça. Je rappais même un peu, j’ai commencé comme ça. J’ai même fait du BMX. Je suis parti de cette culture urbaine.
Comment es-tu arrivé jusqu’à la gravure ?
Quand je suis entré à l’école des Beaux-Arts, j’ai choisi la spécialité peinture, parce que je connaissais un peu. Au final, j’ai pris du plaisir à mélanger l’art urbain à toutes les autres techniques, à la gravure, à la lithographie, la sérigraphie… J’ai fini par tourner autour de la xylographie, la gravure sur bois, parce que le rapport à la matière permet beaucoup de choses.
Tu as fini par atterrir à Lyon, pourquoi ? Tu connaissais déjà Superposition ?
J’ai eu un problème avec la municipalité dans le centre de Lima. Ils ont effacé toutes les fresques. Dans le centre de Lima, il y a beaucoup de fresques qui avaient été réalisées en 2002 à l’occasion d’un grand festival qui avait fait venir beaucoup d’artistes, d’Amérique latine et du monde entier. L’ancien maire a laissé se développer tout ce mouvement culturel, puis un autre maire est arrivé. Ils n’avaient pas le même rapport à la culture : il a commencé à tout effacer, alors que c’était du patrimoine culturel. Les murs sont devenus gris.
J’ai envoyé mon portfolio à l’association avant même de partir. Quand je suis arrivé, les choses sont allées très naturellement avec tout le monde. Quand je suis arrivé à Lyon, en 2017, j’ai remarqué que la ville gardait aussi un petit côté conservateur. Culturellement, j’avais l’impression qu’il n’y avait pas grand chose par rapport à maintenant. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il y a de plus en plus de respect de la part des autorités pour les artistes, je crois qu’il y a pas mal d’expositions, de représentations, de festivals et de projets en tous genres.
“Expliquer qui je suis”
Ton travail tourne beaucoup autour de l’univers maritime, comment ça s’explique ?
Oui, j’ai commencé autour du thème de la pêche artisanale. Dans une partie de mon enfance, j’accompagnais mon grand-père qui était pêcheur dans un quartier de Lima ou on peut pêcher, le district de Chorrillos. Il y a un port où entrent toutes les importations, où il y a pas mal de pêcheurs. J’ai toujours travaillé à partir de mes souvenirs, des choses que j’ai vécues et qui m’ont touchés émotionnellement. Les choses qui me marquent toute la vie. Quand je suis entré dans l’école, je ne connaissais que le graffiti donc il fallait commencer à faire des choses figuratives, représenter des choses. Me demander à moi même, « qu’est-ce qu’il se passe ? », expliquer qui je suis, de quelle famille je viens. C’est comme ça que le personnage est venu, je l’appelle le “pêcheur artisanal”. En parallèle, un poisson est arrivé, aujourd’hui c’est le « pez-fruta », le poisson-fruit. Ce sont deux personnages très importants, avec le poisson qui représente surtout l’énergie vitale. L’eau, je crois, est très présente dans mon évolution d’artiste. Les lignes formées par ses vagues, son aspect jusqu’à la dernière seconde de soleil. Une fois j’ai vu la mer, et j’ai trouvé que ça ressemblait à une gravure, au niveau de la texture.