« Si vis pacem, para bellum ». C’est en substance, ce qui résume le deuxième amendement de la constitution des États-Unis d’Amérique, qui garantit le droit de porter des armes pour tout citoyen américain.
« Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, le droit qu’a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé. »(1) L’esprit du deuxième amendement américain offrait la possibilité à chacun des États de l’Union de pouvoir lever une milice, si d’aventure l’État fédéral ne garantissait plus la liberté de ces citoyens.
Cet amendement a son pendant dans la version initiale de la Constitution française, celle de 1793. A l’époque, l’article 35 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) précisait que l’insurrection (armée) relève du devoir du peuple quand le gouvernement viole ses droits (2).
Deux mises en pratique opposées
Ces deux textes présentent un fond commun. Comment en arrive-t-on alors à des lectures diamétralement opposées ? Ces écarts s’expliquent en partie par deux philosophies radicalement différentes. En découle des mises en pratique divergentes.
En France, la possession d’armes est considérée comme une incitation à s’en servir. Le législateur considère que ne pas en posséder reste encore le meilleur moyen de s’en prémunir. La sécurité et la justice sont des droits régaliens. Seul l’État dispose de l’usage de la force armée en vue d’application des lois. Les citoyens ne peuvent donc pas, ni à titre individuel, ni à titre collectif, procéder à la création de groupes armés pour assurer la sécurité de leurs concitoyens. La législation sur la détention d’armes encadre cette mesure, qui est l’une des plus strictes au monde.
Les révolutions de 1830, 1848 et 1870, où l’armée a dû intervenir, y sont certainement pour une grande part. Ce n’est pas un hasard non plus si l’un des premiers objectifs de l’après-guerre, dès juillet 1944, fut d’intégrer le plus grand nombre de résistants possibles dans une armée régulière. Les intégrer pour limiter la circulation des armes. A ce titre, Charles de Gaulle s’est rendu le 24 septembre 1944 à Toulouse, ville rose devenue rouge, pour que tous les maquis communistes rendent les armes.
Actuellement, nous serions bien en peine d’accéder à l’application de l’article 35 concernant le droit à l’insurrection. Les civils n’étant pas armés, nous devrions renverser un gouvernement avec des cailloux et des bâtons. Gageons que cela ne se produise pas, et que notre armée serait plus républicaine que ne l’ont été la police et la gendarmerie sous Vichy.
Aux États-Unis, le moyen de se défendre contre une arme est d’en posséder une soi-même. De plus, chaque État peut lever une milice constituée de civils armés. Par extension, il existe aussi des groupes d’autodéfense, assurant la sécurité des particuliers autour de résidences fermées. La surveillance de la frontière avec le Mexique est assurée conjointement par l’armée, les polices locales et des groupes de citoyens. Par ailleurs, il y a autant de législations que d’Etats concernant la détention d’armes.
Le fait que tous les citoyens puissent disposer d’armes se paie au prix fort. Une telle liberté mène à des extrêmes et l’on peut assister à de véritables scènes de guerres dans un pays en paix. Sur les stands des marchands d’armes, les fusils d’assauts côtoient des armes de poings. Une logique de l’escalade est à craindre. Il est à noter que chaque année, le nombre des victimes par armes à feu sur le territoire américain est plus important que celui des soldats tués sur les théâtres d’opérations Afghan et Irakien réunis…
La dernière tuerie date de vendredi dernier, à Newtown. Un ancien élève tire à l’arme de guerre sur des enfants dans une école primaire. Il tue 20 enfants et 6 adultes, dont sa propre mère, avant de mettre fin à ses jours.
Il est cependant à craindre que cela ne change pas le rapport que peuvent avoir une majorité des Américains avec les armes. Tous ont été sincèrement choqués par ce drame. Les larmes du Président Obama accompagnant le deuil des parents, ainsi que l’émoi de toute la nation américaine, ne sauraient effacer le deuxième amendement. Des voix se lèvent déjà pour dire que si les professeurs avaient été armés, ils auraient pu abattre le forcené…
Le cercle vicieux de s’armer pour se défendre a de beaux jours devant lui. Il se conclut par ce non-sens : « si tu veux la guerre, arme la paix ».
(1) En version originale : « A well regulated Militia, being necessary to the security of a free State, the right of the people to keep and bear Arms, shall not be infringed. »
(2) Art. 35 : Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.
En savoir plus : |
La déclaration des droits américains, ou plutôt la « Bill of Rights », date du 15 décembre 1791. Elle comporte dix amendements qui complètent la Constitution acceptée le 17 septembre 1787 par une convention réunie à Philadelphie. Son application arrive deux ans plus tard, le 04 mars 1789 |