C’est le grand écart. Les peines encourues sont des premiers indicateurs d’une décision qui sera prochainement jugée « juste » par l’autorité. Lorsqu’elles présentent un différentiel important avec la peine prononcée, la justice pénale peut sembler floue. Pour chaque peine, l’objectif reste le même : être suffisamment dissuasif, sans pour autant devenir oppressif.
La justice est un organe dont les citoyens ignorent beaucoup le fonctionnement, laissant la porte ouverte aux spéculations populaires. Parmi ces dires, un jugement revient souvent : « La justice française est particulièrement sévère pour ses envois systématiques sous les verrous de la délinquance bénine ». Pour confirmer ou infirmer cette rumeur, rendez-vous au temple lyonnais de la délinquance, le Tribunal de Grande Instance (TGI). Direction la salle G, celle des comparutions immédiates. Nous avons suivi plusieurs affaires dont une pour coups et blessures entachée de circonstances aggravantes.
Le dénouement de cette affaire présente une justice clémente, ne condamnant pas systématiquement les délinquants à des peines de prisons fermes. Les faits sont très simples mais assez graves. Un individu que nous appellerons Foued*, a agi par vengeance. Accompagné de ces deux frères, Stéphane* et Jordan*, ils agressent un quatrième individu que l’on nommera Medhi*. Cette affaire révèle que les trois délinquants ont agi avec trois circonstances aggravantes : la préméditation, l’agression en réunion et l’usage d’une arme. De plus, cette agression a causé une dizaine de jours d’Incapacité Totale de Travail (ITT). Autant dire que ces trois frères sont dans de beaux draps. En somme, pour cette infraction avec circonstances aggravantes, ils encourent cinq années d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Un casier judiciaire vide
Ce jour-là, la composition du tribunal est simple. Il n’y a pas de facteurs plus ou moins favorables aux accusés, voilà pour la forme. En ce qui concerne le fond, plusieurs éléments jouent en leur faveur. D’abord, il y a eu un précédent. L’un des auteurs avait été agressé par la victime quelques jours plus tôt. Ensuite, les casiers judiciaires des trois frères sont vides. Il s’avéra même qu’ils n’avaient jamais été en garde à vue. Enfin, avant les faits, ils justifiaient tous d’une insertion sociale très correcte. Certains cumulaient même jusqu’à deux travails. Ils étaient respectivement responsable de boutique, chef cuisinier et responsable commercial.
Leur culpabilité n’a pas eu à être prouvée, ils ont tout avoué. Le procès ne dure donc pas très longtemps, 1h10 pour être plus précis. Il en va de même pour le délibéré, avec un chronomètre affichant 8 minutes. La plaidoirie de l’avocat général a insisté principalement sur la souffrance psychologique du père de Medhi, qui avait assisté à l’agression de son fils, sans rien pouvoir faire. Elle a demandé six mois d’emprisonnement et évoqué brièvement la question de l’emprisonnement ferme et du mandat de dépôt. Quant aux avocats des frères, ils ont insisté sur le fait que les auteurs, quelques soient leurs agissements, sont des enfants de bonne famille, sans histoire. Leur entourage professionnel et personnel les estime comme des personnes honnêtes.
Des punitions au service de la réinsertion
Finalement, les prévenus ont écopé de dix à quinze mois de prison avec sursis. En d’autres termes, ils n’iront pas en prison, à moins qu’ils ne commettent une autre infraction dans les cinq ans à venir. L’audience des réparations se tiendra au mois de Juin. On parle d’environ cinquante mille euros.
Les dés sont jetés. Cette peine est-elle raisonnable ? Est-elle fréquemment appliquée pour les mêmes faits ? Maître Mirabelli, avocat représentent Mehdi au civil, répond : « Cette décision est exceptionnelle à Lyon. On ne peut pas avoir une idée globale des décisions de la justice française. La justice est fédérale, il faut donc analyser par villes ». Un exemple : les professionnels de la justice savent qu’à Grenoble, les décisions sont moins sévères. En ce sens, les peines ne sont pas des simples punitions comme à Lyon, mais plutôt des punitions au service de la réinsertion. De plus, le mandat de dépôt a été renforcé depuis 2008. Il sert à envoyer directement un prévenu en prison. Mais auparavant, il était seulement réservé aux peines de prisons fermes de plus de 12 mois. A présent, ce mandat peut être prononcé pour un mois ferme. En conséquence, les peines alternatives risquent d’être encore moins courantes puisque le temps nécessaire à leur mise en place se voit réduit.
La sévérité de la justice française se confirme donc, avec des peines de prison ferme pour la petite délinquance. Le dicton populaire disait vrai. Pourtant les peines ne devraient pas être au service total de la réinsertion ? L’affaire ici suivie n’était peut-être qu’une exception…
*Noms d’emprunt