Syrie : « Qu’y a t il de pire que le pire ? »

C’est en février 2011 qu’ont commencé les mouvements de révolte syriens. Face à ces mouvements de crise humanitaire et démocratique et le besoin de soutien venant des populations, l’association «Free Syria» s’est créée à Lyon avec l’aide de Tahar Houhou aujourd’hui administrateur. C’est donc lui que Sofia a choisi de contacter pour avoir un aperçu de la situation syrienne et de ses défenseurs lyonnais.

Comment est née l’association FreeSyria ? Quels sont les buts de l’association ?

Tahar Houhou: « Officiellement nous avons créé l’association Free Syria Lyon en décembre 2011. En fait, l’idée germait depuis Juillet 2011, lorsque l’on a vu que tous les mouvements de manifestation auxquels nous participions depuis mai ne servaient à rien. Nous avons pu observer que la situation n’allait pas s’améliorer et que les mouvements de révolte étaient irréversibles. On voit que le drame est humain, la population a besoin d’une démocratie, mais pas d’une autre dictature.
Nous sommes les premiers à avoir créé une association de soutien pour la population syrienne ouverte à tous les peuples. Nous avons ainsi réunis des personnes engagées dans d’autres causes comme «Tibet Libre», «Citoyens du Monde» ou même «Amnesty International».
Le but premier de l’association est de soutenir la révolution syrienne contre Bashar Al Assad pour promouvoir la démocratie et surtout de fournir de l’aide humanitaire à cette population. Bien sur il est important aussi d’informer les différentes populations sur la situation actuelle.
Il faut penser à cette aide humanitaire qui est indispensable pour toutes les personnes blessées, emprisonnées, disparues, et celles qui ne disposent que de moyens insuffisants pour vivre avec le minimum vital. Nous nous sommes ainsi développés à travers la France avec différentes structures qui se sont constituées en autonomie. Nous veillons à ce qu’elles gardent la même optique que nous. En effet, nous ne tolérons pas un détournement de l’image de notre site par des idées racistes, religieuses, ou autres. Il y a d’ailleurs une charte à respecter.
 »

Quelles sont vos actions pour la Syrie ?

TH: « Nous organisons des manifestations de soutien, nous participons à des conférences, nous diffusons des vidéos sur la situation actuelle syrienne, nous faisons des levées de fonds pour les donner intégralement aux syriens. On voit que nos manifestations en France sont une bonne manière de soutenir moralement les syriens sur place. Cela fait des échos pour les encourager à tenir bon.
Notre but étant d’aider la population syrienne, nous passons par des petites associations situées aux frontières syriennes et par des particuliers qui ont des comptes dans cet Etat.
Nous n’avons aucun but lucratif, n’ayant aucun salarié, notre objectif est de donner 100% des fonds récoltés à la population. En janvier, avec l’aide de syriens parisiens, nous avons pu récolter plus de 2m3 de médicaments, avec des béquilles, des chaises roulantes et des traitements pour le diabète. Tout cela transporté dans un camion circulant jusqu’aux camps de réfugiés de la frontière Turque ou allant clandestinement à l’intérieur du pays. Nous avons aussi demandé à la Grande Mosquée de Lyon d’organiser une collecte le 12 Mars 2012.
 »

Quelle est la situation des syriens et des réfugiés sur Lyon ?

TH : « Il y a beaucoup de syriens qui ne peuvent s’exprimer par peur des représailles pour leur famille encore au pays. D’autres syriens lyonnais vont régulièrement aux frontières pour aider leurs compatriotes, ce sont d’ailleurs les seuls à avoir pu transporter les matériaux médicaux jusqu’aux hôpitaux clandestins à l’intérieur du pays ; à dos d’âne, en moto, ou en voiture…
La minorité pro-Bashar Al Assad est bien plus grande à Paris, en effet, il y a toujours des personnes qui profitent des avantages donnés par le parti au pouvoir ou qui y ont de la famille proche qui fait parti des baasistes (parti au pouvoir)…
Il n’y a pas beaucoup de réfugiés politiques sur Lyon, il est en effet compliqué de venir jusqu’ici. Ils ne sont pas toujours les bienvenus…Par exemple, la Syrie a menacé d’attaquer l’ambassade Chypriote de son territoire. La plupart des réfugiés ont préféré se rendre en Jordanie ou au Liban.
Parmi les syriens, il y en a beaucoup qui doutent, qui ont peur de l’avenir mais, on se demande qu’y a t il de pire que le pire ? Il faut savoir qu’aucune révolution ne s’est faite dans le velours, regardons l’exemple Français de 1789. »

Quelles difficultés les Organisations Non Gouvernementales (ONG) ont elles – rencontrées pour arriver à leurs fins humanitaires ?

TH :  » «La Croix Rouge», ou le «Croissant Rouge» ou d’autres ONG ont utilisé leurs antennes en Turquie et au Liban pour fournir des aides aux frontières. Mais s’agissant de l’intérieur de la Syrie, ils ne peuvent envoyer de médicaments à cause des contrôles militaires. Ils doivent se contenter de les distribuer aux frontières ou de les laisser à des tiers qui les transporteront clandestinement à l’intérieur. »

Quelle est la position des Etats ou des Communautés par rapport à celles de leurs populations ?

TH : « Cela n’arrange personne, ni la Ligue Arabe, ni les Etats Unis, ni les Russes, que Bashar Al Assad tombe, car le statu quo arrange tout le monde. Il faut savoir qu’entre les discours et les faits, il y a toujours un énorme gouffre. Où est l’embargo promis par la Ligue Arabe ? Je doute que le Liban ait coupé ses relations commerciales avec la Syrie. Chacun des Etats arabes a peur des répercutions, tant au niveau économique que politique.
En réalité, c’est un rapport de force qui s’est installé du point de vue géopolitique. La Syrie se situant entre Israël et l’Iran. Chacun des Etats voisins a ses propres visions des choses suivant ses intérêts. L’Iran, tout comme la Russie, entretiennent des relations avec Al Assad dans le but d’avoir son port méditerranéen. Et l’Etat Hébreu voisin préfère un Al Assad qui a toujours accepté la colonisation juive du Golan Syrien plutôt qu’un gouvernement aléatoire peut être plus fermé aux négociations…
Quant aux Etats-Unis, ces derniers ont peur d’armer les révolutionnaires et de donner de la puissance à un mouvement extrémiste tandis que l’on sait que la majorité des soulèvements viennent de la population civile. Le Qatar et l’Arabie Saoudite soutiennent les révolutions seulement vis à vis de leur mésentente avec l’Iran.
Au final, on refuse ou on soutient les manifestations syriennes soit par peur soit par intérêt. On le voit avec le soutien des Etats Unis envers les pays du Golfe qui sont à des années lumière de toute forme de démocratie. »

Que pensez vous du plan de Kofi Annan en 6 Points (avec la mise en place de la fin des violences, d’aides humanitaires, de la fin des détentions arbitraires, etc.) acceptés par le Gouvernement Syrien le 27 Mars 2012 ?

TH : « C’est le même coup que les sanctions de la Ligue Arabe (le 26 Novembre 2011, la Ligue Arabe a mis en place un gel des transactions commerciales, la suspension des liaisons aériennes entre les pays arabes et la Syrie et une interdiction de voyager dans les pays de la Ligue pour certains responsables). On fait seulement trainer les choses. L’Organisme des Nations Unies (ONU) n’a pas compris que le peuple ne veut plus de Bashar Al Assad, des aides humanitaires ne vont pas changer le gouvernement dictatorial en place. La population n’est alors pas à l’abri d’un échec de leur révolution tant qu’il n’y aura pas de sanction de l’ONU ou de feu vert de l’Organisme du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Le temps qu’il y a ait des mesures onusiennes ou des peines venants de la Ligue Arabe, deux ou trois villes ont le temps d’être rasées par le gouvernement. »

Et s’agissant du projet de réforme constitutionnelle de Bashar Al Assad approuvée par référendum à 89% le 1er Mars 2012 qui prévoit notamment le pluralisme politique (aujourd’hui il n’y a que le parti baasiste) ?

TH : « Ce projet est un coup d’épée dans l’eau. Bashar Al Assad pourra encore se représenter aux élections. On sait que dans les pays arabes, il n’y a d’élections démocratiques qu’en apparence. Les autres partis sont mis en place par le Gouvernement au pouvoir, et avant même le décompte des voix, les résultats sont définis à l’avance. Ce n’est qu’une opposition symbolique.
C’est comme lors des massacres de Sétif et de Guelma en 1945 au temps de l’Algérie Française. On savait déjà, 9 ans avant la révolution, qu’il n’y aurait plus de retour en arrière possible. »

Bashar Al Assad est il le facteur d’union syrienne ?

TH : « On sait qu’aujourd’hui en Syrie, il y a 87,5% de musulmans (avec 75% de sunnites, 2,5% de chiites, 10% d’alaouites, etc.), 10% de chrétiens (syriaques, grecs, arméniens, etc. ) et 2,5% d’autres minorités comme les kurdes et les druzes.
Avant que la famille Al Assad n’arrive au pouvoir en 1970, les différentes minorités n’avaient aucun problème pour vivre ensemble. En effet, la minorité chrétienne est en Syrie depuis le temps de Jérusalem et des Croisades. Ils vivaient très bien avec la majorité sunnite jusqu’à ce que des fractions chiites ne commencent à menacer les chrétiens. Le pouvoir en place n’a fait que diviser les minorités pour mieux régner. »

Pensez vous que la peur d’une montée de l’extrémisme soit justifiée ?

TH : « Il n’y a pas de raison d’avoir peur du parti des Frères Musulmans. Regardez en Jordanie, lors des élections parlementaires de novembre 2010, au premier tour le parti des Frères Musulmans du Front de l’Action Islamique avait obtenu 40% des voix, puis au deuxième tour il est redescendu à 20% des voix. En effet, la gestion civile et la responsabilité nationale ne sont pas faciles à maitriser.
Une des choses primordiales à changer est le respect de la liberté d’expression, afin que la société civile puisse faire partie du pouvoir et puisse réagir face à une mauvaise gestion faite par le Gouvernement.
Tout ce qu’il nous reste à faire à l’heure d’aujourd’hui est d’attendre et de voir les évènements évoluer avec tous les efforts que l’on a donné. »

Free Syria Lyon : http://www.freesyrialyon.blogspot.fr/

Sofia Azzedine

Etudiante à l'Institut d'Etude du Développement après un parcours du combattant passé dans les méandres de la Science Politique, entre la Sociologie et le Journalisme et les Langues Etrangères. Je souhaite toujours explorer ces banlieues plurielles méconnues et mal traitées pour jeter au sol ces préjugés. Tout cela, pour éluder toute l'humanité vivace qui existe dans ces régions de la différence et de l'indifférence et faire parler cette jeunesse silencieusement bavarde.

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