Dans le cadre de notre dossier sur la ville de Saint-Fons, dont 30 % des habitants ont 19 ans ou moins, nous avons interrogé des élues locales et la FCPE Rhône sur le thème de l’éducation. Trois sujets ont émergés : les rythmes scolaires, les classes dédoublées de CP et CE1 et les difficultés de comportements.
Dans la ville voisine de Vénissieux, les parents d’élèves votaient le 2 octobre le retour à la semaine scolaire de 4 jours suite à une forte mobilisation. Saint-Fons a pour sa part maintenu le rythme de 4 jours et demi. Selon le maire Nathalie Frier, également conseillère à la métropole (groupe Synergies-avenir), peu de parents ont fait la demande d’un changement de rythme scolaire :
« Dans une commune en difficulté, on a une forte population de femmes s’occupant seules de leurs enfants. Si on revenait à la semaine de 4 jours, le problème de la garde d’enfant le mercredi matin allait se poser pour ces familles. La ville n’aurait pas non plus les moyens de mettre en place des dispositifs pour accueillir ces enfants. »
Interrogée, la FCPE Rhône confirme : la semaine de 4 jours et demi garantirait un meilleur apprentissage, car les enfants seraient plus disponibles le temps du matin. Elle éviterait aussi les journées scolaires trop longues, pour lesquelles la concentration déclinerait en fin d’après-midi.
Chafia Zehmoul, élue d’opposition à la mairie (Saint-Fons en Mouvement, société civile), n’est pas de cet avis : « J’ai connu la semaine de 4 jours et je vois que les enfants de Saint-Fons sont très fatigués à cause de la semaine à 4 jours et demi, ils ont besoin de se reposer ». La mairie affirme qu’une concertation a eu lieu, mais selon Mme Zehmoul, ni elle ni les parents n’en auraient reçu les résultats : « on m’appelle encore pour me demander où ça en est, mais c’est le point d’interrogation ! » Pour résoudre le problème de garde des enfants le mercredi matin, Mme Zehmoul préconise de faire appel aux centres sociaux et aux associations. Cela permettrait d’engranger de l’emploi du même coup.
Moins de souplesse dans les écoles primaires
En cette rentrée 2018, le plan du gouvernement de dédoublement des classes de CP et de CE1 en classe REP et REP+ [« Réseau d’éducation prioritaire », ndlr] a été renouvelé. Selon le gouvernement, ce sont 190 000 élèves qui étudient maintenant dans des classes aux effectifs proches de douze élèves, soit trois fois plus que l’année dernière. Cette réforme vient redéployer les postes créés par le plan « plus de maîtres que de classe », mis en place par le gouvernement précédent.
À Saint-Fons, 7 écoles primaires sont classées REP+ et sont donc concernées par le dispositif. Pour la plupart des écoles interrogées, la diminution des élèves par classe est une bonne idée, car elle apporte la possibilité d’un suivi plus individualisé et adapté aux compétences. On déplore cependant que cela soit fait au détriment des autres classes. La nouvelle formule engendrerait ainsi des difficultés pour certaines classes de CM1 et CM2 car elle offrirait moins de souplesse pour l’équipe éducative.
Pour Mme Frier, « convaincue du bien-fondé des classes dédoublées », le problème à Saint-Fons est à voir du côté des écoles surchargées : selon une étude commandée par la mairie, la ville devrait accueillir 600 élèves de plus entre 2014 et 2020. La maire explique que c’est pour cette raison que l’école Simone Veil a été construite rapidement, puis ouverte en novembre 2017. L’idée d’ouverture d’un nouveau collège fait également son chemin :
« Le collège Alain accueille plus de 700 élèves, ce qui est énorme pour un territoire comme Saint-Fons, on est donc en négociation avec la métropole, qui devrait aboutir prochainement à un deuxième collège, sur le bas [quartier sud de la ville, ndlr]. On travaille beaucoup avec Feyzin et Vénissieux, notamment sur des projets culturels, on essaie de mutualiser : donc pourquoi pas ouvrir un collège intercommunal. »
Détérioration éducative : un problème de « parentalité » ?
Mme Frier soulève une autre problématique, la détérioration de l’éducation des jeunes :
« J’ai été élue à l’éducation de 2001 à 2008 et j’ai été désagréablement surprise de voir que la situation de nos jeunes s’est dégradée, notamment à cause d’une paupérisation du territoire et d’une situation nationale défavorable. En parallèle de ça, je constate aussi un problème sur la parentalité : les parents ont cette tendance à tout décharger sur les collectivités. Il faut les ramener à leur devoir d’éducation en tant que parents, car les collectivités ne sont pas là pour se substituer à cela.
Suite à un conseil d’école auquel j’ai assisté, je me suis aperçue que la problématique des quartiers rentrait dans les cours de récréation et dans les conseils d’école. On essaie de soutenir le mieux possible les directeurs et les enseignants qui font face à des violences de la part des parents. On a donc mis en place des groupes parentalité au sein des écoles, avec des interventions très régulières pour pouvoir soutenir les parents, leur donner la parole et trouver des solutions d’accompagnement dans leur rôle éducatif auprès de leurs enfants. »
Mme Zehmoul rejoint cette fois la Maire, mais approche la question en terme de « médiation », plutôt que de « parentalité » :
« C’est une bonne approche, il faut remettre les parents dans les écoles, c’est une chose qui se fait de moins en moins. Lorsque j’étais parent d’élèves, quand il y avait un problème avec un enfant, les parents étaient là pour faire de la médiation. Avant 2014, on avait un réseau de parents d’élèves sur toutes les écoles qui se réunissait à la mairie : quand il y avait des soucis, on en parlait entre nous et on réglait les problèmes. Là, ça ne se fait plus. Il y a une fracture entre l’école et les parents et il y a besoin de médiateurs, ça manque à Saint-Fons. »
Alors que la ville est touchée par un chômage de l’ordre de 20% selon l’INSEE, les deux élues se rejoignent sur le fait que la détérioration des rapports à l’école a également une cause économique. Mme Zehmoul rappelle que le travail du soir peut par exemple expliquer cette « démission parentale », tandis que Mme Frier explique : « avec 54 % de logements sociaux, 18 000 habitants, et sans politique de peuplement, on observe une concentration de la misère, une cumulation des problèmes sociaux, cela fait un peu l’effet d’une bombe, c’est très compliqué ».