Rencontre avec Casus Belli, pierre angulaire du rap lyonnais. Partie 1

Dans un entretien de plus d’une heure, Casus Belli est revenu avec nous sur son parcours, et le temps qu’il consacre toujours à la musique. L’interview se divise en deux parties, et le podcast est à retrouver dans son entièreté dans le second article qui paraitra vendredi prochain.

Casus Belli est un rappeur lyonnais présent sur la scène hip-hop depuis plus de 25 ans. Malgré cette expérience, le natif clermontois ne peut s’arrêter de composer et de rapper. Derrière sa discrétion médiatique et une volonté de laisser parler sa musique, Casus Belli est un « bousillé de rap », qui remet les gants sur son dernier projet « Best of ».

Une légende incomprise depuis des années

Quand on parle de « Caz’B », on évoque également une identité « rap à part ». D’une certaine façon, que le rap ne le mérite pas. Et ça ne date pas d’hier. C’est un thème qui a toujours fait partie de son identité musicale et humaine, aux antipodes : « Est-ce que je suis un Roi sans couronne ? peut-être, nous confie-t ’il. J’ai réécouté tous mes sons récemment car je suis sur un travail de digitalisation de ma discographie, et je me rends compte que depuis 2000, j’ai déjà ce constat-là. Toute ma carrière s’est située à part du rap-game. Je peux pas m’étonner d’en être ici 20 ans après. C’est mon étiquette ».

Ce statut, qu’on peut définir entre légende et génie incompris, Casus Belli l’a cultivé, au point de passer de l’ombre à la lumière en 2009, pour ne faire son retour qu’en 2017, avec plusieurs projets. Après être revenu au début du mois de mai 2022, avec cette envie de casser les codes de la musique, Casus Belli met en avant son nouveau projet, « Menu Best- Of ».» Un projet de 18 titres, non pas exclusifs, mais historiques, de featurings enregistrés depuis les débuts de sa carrière. Un pas en arrière, qui lui a permis de montrer que le rap lyonnais a toujours existé, et qu’il s’y inscrit toujours sans rougir.

On y perçoit un artiste sur le chemin de la reconstruction, dans la transmission, de retour à la positivité. Que ce soit dans le travail artistique: « Avant, mes textes étaient très sombres, assez négatif. Aujourd’hui, on essaye de mettre plus de lumière, de se faire plaisir avant tout, pour donner de l’espoir. Pour le projet best of j’ai gardé les 18 meilleurs couplets de mes featurings. C’est un peu la playlist de ma vie, de mes meilleurs couplets.». Mais aussi dans l’univers visuel du projet : « quand j’étais avec mon premier crew le Tapis Versatile, on avait sorti une mixtape qui s’appelait Rap Deluxe. A travers la pochette de Best of, je voulais faire un petit clin d’œil à ceux qui savent que ça a existé », on sent un artiste décomplexé assumant l’entièreté de sa carrière. 

Silvàn Areg VS Casus Belli

Dans un contenu introspectif d’une carrière d’un quart de siècle, Sylvain peut désormais compter sur Casus pour revenir sur les périodes de turbulence de sa vie. Au fil du temps, il a réussi à créer un autre personnage qui lui permet d’ouvrir le champ des possibles.

Silvàn Areg est une sorte d’alter-ego du rappeur Casus belli à la musique ouverte à un plus large public. Il a utilisé son premier et son deuxième prénom d’origine arménienne pour créer l’identité de ce personnage. Cette dualité, à la limite de la schizophrénie, est pour l’artiste, un moyen de titiller son public, de s’amuser des codes de la musique comme il l’a toujours fait : «J’ai toujours chanté, en étant décomplexé. Silvàn Areg va chercher un chant éloigné du rap, car ce sont des univers que j’ai travaillés pour d’autres artistes de variété ». Parmi ces artistes, Claudio Capéo, pour qui Casus écrit le tube « Un homme debout » en 2015, alors même qu’il a disparu des radars depuis plus de 6 ans. Son retour en studio lui donne envie de reconnecter avec la musique, mais pas le monde du rap, les blessures ne sont pas assez refermées : « Avant j’attendais du rap ; un disque d’or, des tournées, une grosse reconnaissance, mais en vérité, ce n’est pas ça qui me nourrit. Mais au moment où je me retire, j’attends plus rien de la musique, c’est simplement pour le plaisir. Je partais en me disant que j’en avais fini, mais je suis revenu avec le constat qu’écrire me rendait heureux. L’histoire est belle. Ma satisfaction, c’est quand je finis un morceau et que je le partage ».

Destination Eurovision 2019

Poussé par les morceaux qu’il écrit pour d’autres, Sylvain crée donc Silvàn et pousse son personnage pop au-devant de la scène, mettant dans l’ombre pour quelques temps Casus. Il le pousse si loin qu’il se retrouve embarqué dans l’émission Destination Eurovision 2019, avec le morceau « Allez leur dire ». Il ira jusqu’aux finales de l’édition, en affrontant sur scène des grosses têtes comme le vainqueur Bilal Hassani. Cette expérience, lui a permis de s’ouvrir des portes et une certaine satisfaction. Financièrement d’abord : « au niveau de la SACEM, mon rap de casus ne ramène rien. C’est mon personnage plus pop qui permet de financer mon projet », mais aussi d’un point de vue personnel : « Si je fais tout le temps du rap, je m’amuse pas. Si je fais que de la variété, c’est pareil. L’essentiel c’est de se faire plaisir ».

Aujourd’hui, ce duo est une force pour leur interprète : « Silvàn sert Casus, et vice-versa. Quand j’ai envie de rapper, je le fais avec Casus, quand je veux chanter, j’utilise le nom de Silvàn. En ce moment, je travaille sur un EP qui va mêler les deux personnages. C’est aussi dû à la dé-complexification du monde de la musique, et du rap sans frontières. »

De la street tape au streaming

En jouant sur les deux tableaux musicaux, Sylvain se donne le temps de revenir petit à petit dans la lumière, et de permettre à Casus Belli d’avoir le droit d’être sur scène. Depuis son retour en 2017 avec The Last Dance 1996-2020, casus souhaite frapper un grand coup. En plus de remettre l’ensemble de sa discographie sur les plateformes de streaming, il veut encore donner à son public une musique de qualité. Libre et apaisé, le parolier veut s’adonner entièrement à la musique qu’il aime et la partager au plus grand nombre. Il a l’occasion de le faire en se frottant à la nouvelle génération, grâce aux featurings. Un temps devenu l’homme que tout le monde veut abattre en morceaux collaboratifs, l’originaire de Bron a aujourd’hui un recul, un regard différent : « les featurings que j’ai donnés dans ma vie, les gens sont venus me les demander directement ». Récemment, on l’a entendu sur les morceaux Pour Dahak avec Boyzy, Freestyle 1996 #6 featuring Vrax, ou avec Zonage sur le projet PLAVACE. Ce choix de se mélanger à de nouveaux horizons musicales, est tout à fait différent de sa grande épopée : « J’ai encore actuellement beaucoup de demandes de feat, et j’en refuse énormément. Je ne peux pas dire oui à tout le monde, alors qu’avant 2009, j’en donnais à tous. Ça m’a fatigué. Aujourd’hui, c’est différent. Quand j’en fais, c’est une autre vibe, c’est la nouvelle génération, c’est un honneur ». A l’instar de Gouap qui le disait récemment dans nos colonnes, l’humain est devenu primordial dans le choix artistique de ses featurings : «Boyzy, j’ai feat dans le passé avec lui car on s’est rencontré il y a déjà 6 ans. Il m’avait demandé des conseils, le feeling était bien passé. Pareil pour Vrax, qui sort une série de freestyles 1996. C’est son année de naissance, et moi c’est le moment où j’ai commencé à rapper ». Pour lui, cette envie de se frotter au plus jeunes est challengeant et spontané : « Ca correspondait à une envie du moment. Ce challenge de confrontation générationnelle, c’est mon truc».

Tristan Alexandre

La rédaction

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