Bâtiment de l'institut culturel

Partir à la découverte du monde arabo-musulman pour développer le vivre-ensemble

L’Institut Français de Civilisation Musulmane (IFCM) est un lieu peu connu des Lyonnais. Cet institut culturel a pour objectif d’expliquer, raconter et partager la culture musulmane, mais aussi de lutter contre toutes les formes de discrimination. Pour effectuer son rôle l’IFCM à recours à la culture et vient de révéler sa programmation pour l’année 2022-2023.

œuvre dans l'entrée de l'institut
Œuvre « L’Arbre de Vie », de Kamran Afshar Naderi et Leila Farzaneh. Crédit : Léo

Inauguré en septembre 2019, l’Institut Français de Civilisation Musulmane (IFCM) « est un projet culturel en réflexion depuis 1979 », explique Kamel Kabtane, président fondateur de l’IFCM. Peu connu du grand public, cet institut crée en partenariat avec la grande mosquée de Lyon a pour ambition de s’inscrire dans le « tissu culturel lyonnai ». Sa mission première est de faire découvrir à un plus large public, la culture millénaire de la civilisation musulmane et ceux à travers ses nombreux aspects : littérature, art, science, architecture, linguistique, cinéma, musique, gastronomie, etc.

Une culture qui s’entremêle à la culture occidentale et plus particulièrement à la culture française comme l’explique Bruno Abd-al-Haqq Guiderdoni, vice-président de l’IFCM et chercheur au CNRS : « notre rôle est de faire connaître la culture musulmane sous tous ses aspects, comme composante de la grande culture française. C’est un projet citoyen, ouvert sur la ville. {…} il s’agit de créer une structure où tous les publics peuvent se rassembler et s’intéresser à la culture musulmane, en particulier dans son articulation avec la culture française. »

En plus d’un rôle purement culturel, l’IFCM assure également un aspect éducatif. D’abord en proposant des cours de français et d’arabe à destination de tout public, mais aussi en offrant un accès à de nombreuses ressources grâce à leur médiathèque en accès libre.

Exposition, cinéma et conférence : un ensemble de supports à la découverte du monde musulman

Pour la saison 2022/2023, l’IFCM annonce une programmation riche présentant et questionnant la religion musulmane. Parmi les nombreuses expositions, conférences et projections, la rédaction du Lyon Bondy Blog vous a sélectionné quelques propositions :

  • IBN Battuta, grand explorateur maghrébin, dit le voyageur de l’islam est une personnalité relativement peu connue. Pourtant, le natif de Tanger a visité 43 pays et parcouru près de 120 000 kilomètres entre 1325 et 1349. Une exposition lui est consacrée « mêlant histoire et géographie, mysticisme et tourisme, Ibn Battûta se fait l’observateur et l’aventurier d’un monde islamique mouvant ».

Du 15 au 30 septembre à l’IFCM (52 rue Guillaume Paradin dansle 8ème arrondissement). Accès gratuit.

  • L’IFCM a pour objectif d’observer les relations entre le monde musulman et la société française, plus largement le monde occidental. Dans ce cadre une conférence intitulé « Islam et République les dégâts du soupçon » de Haoues Seniguer, maître de conférences en science politique, viendra questionner les rapports qu’entretiennent les états avec leurs diasporas et les confusions que l’on peut retrouver dans le débat public.

Le jeudi 6 octobre à 18h30 à l’IFCM. Accès payant plus d’informations ici.

  • La culture se partage aussi par le cinéma. En novembre prenez place devant « Les hommes libres » d’Ismaël Ferroukhi. Un long métrage racontant l’histoire de Younès, jeune émigré Algérien, qui durant la seconde guerre mondiale va espionner, pour le compte de la police Française, la mosquée de Paris suspecté de délivrer de faux-papiers à des juifs et des résistants. Mais Younès croise la route de Salim, un chanteur juif, qui va lui donner une autre vision du monde. Une histoire d’amitié et de « métamorphose en militant de la liberté ».

Le jeudi 10 novembre à 18h30 à l’IFCM. Accès gratuit.

Entrée de l'institut
L’institut se situe au 52 rue Guillaume Paradin dansle 8ème arrondissement de Lyon. Crédit : Léo

L’institut culturel a connu des débuts difficiles. Apparu juste avant la crise sanitaire, sa promotion a été compliquée auprès du grand public. En 2021, près de 2000 spectateurs ont été accueillis, une fréquentation que la fondation souhaite voir augmenter courant 2022/2023.

La construction du vivre ensemble 

Depuis plusieurs années, la France et plus largement l’Europe connaissent une montée des extrêmes et une démultiplication des actes à caractères raciste. [NDLR : En mars le Ministère de l’Intérieure publiait une analyse expliquant qu’en 2021 le nombre de crimes ou délits « à caractère raciste » enregistrés par les services de sécurité a augmenté de 13 % et celui des contraventions de 26 % par rapport à 2019. Une hausse de respectivement 16 % et 14 % par rapport à 2020]. Une situation dont l’IFCM est bien conscient et contre laquelle ils souhaitent agir.  Pour l’institut, changer les regards et la vision du monde occidental vis-à-vis de l’islam passe par l’éducation et la culture. Bien souvent, tous ces problèmes découlent d’une peur de l’inconnu, souligne Bruno Abd-al-Haqq Guiderdoni : « une partie des problèmes que nous rencontrons proviennent de l’ignorance, de l’absence de connaissance de l’autre. La peur de ce qu’on ignore. {…} Il existe un immense patrimoine intellectuel, artistique, spirituel, qui ne nous est pas étranger. {…}  Depuis des siècles, il y’a toujours eu des rapports entre la civilisation arabo-musulmane d’un côté et le monde occidental de l’autre. Qu’ils soient artistiques, intellectuel, philosophique, scientifique, culinaires, …, mais aussi des débats sur des question spirituel et religieuse qui ont enrichie les deux rives de la méditerrané, le monde européen et le monde arabo-musulman. »

« En découvrant toutes ces richesses ont à l’impression qu’on peut mieux construire un projet commun de vivre ensemble au sein de la société française du 21eme siècles. »

Bruno Abd-al-Haqq Guiderdoni

Cette défiance à l’égard du monde musulman a connu des évolutions, comme en témoigne Kamel Kabtane, président de l’IFCM, « à notre époque, être musulman n’est pas toujours facile. Je vis dans ce pays [NDLR – La France] depuis 50 ans, j’ai vu les choses évoluer dans le mauvais sens. L’islam est vu, aujourd’hui, comme une religion de violence, de haine alors que c’est une religion prônant la paix et la tolérance {…} Je souhaite que l’on traite, considère chacun selon ce qu’il est. Des millions de personnes veulent vivre paisiblement dans leur pays ». Si l’IFCM a conscience d’avoir un rôle à jouer, faut-il encore en avoir les moyens et la manière d’agir. « Il faut qu’un maximum de monde s’instruise sur notre culture {…} La culture joue un rôle essentiel, elle a toujours été un moyen de communication et de compréhension. On a peur de l’inconnu, on a donc besoin de mieux se connaître pour s’apprécier et mieux vivre ensemble », développe le fondateur de l’institut.

Une sous-représentation du monde musulman

Le monde arabo-musulman a une histoire vielle de plusieurs millénaires [NDLR : L’islam et l’empire arabo-musulman sont apparu au VII siècles]. De nombreuses personnalités arabe ont marqué l’histoire du monde. Pourtant ces hommes et femmes sont bien souvent invisibilisés, oubliés dans l’éducation occidental, voire présentés sous des angles réducteurs.

Prenons l’exemple de l’émir Abdelkader ibn Muhieddine, fondateur de l’État Algérien et personnage emblématique du 19eme siècle. Il est souvent présenté comme un homme de guerre, un stratège militaire mais jamais ou très rarement comme un intellectuel. Pourtant, Abdelkader ibn Muhieddine a été au cours de sa vie une inspiration pour de nombreuses personnes. Victor Hugo, Arthur Rimbaud ou encore Napoléon III avaientt une haute estime de l’émir. En 1862, après avoir sauvé les chrétiens d’Orient lors du massacre de Damas [NDLR – Du 9 au 18 juillet 1860, entre 10 000 et 22 000 chrétiens ont été massacré à Damas], il avait déclaré « Ce que nous avons fait de bien avec les chrétiens, nous nous devions de le faire par fidélité à la foi musulmane et pour respecter les droits de l’humanité ». Une citation loin de l’image de chef de guerre qu’on lui attribue.

Une invisibilisation qui touche d’ailleurs beaucoup plus que des personnalités. « Quand on regarde les manuels de philosophie ou de littérature, on saute par-dessus la grande période classique du monde musulman [NDLR : Du VIII au XIII siècle], qui était pour l’Europe une période assez sombre. Pour le monde musulman cela a été une période de développement des arts, des sciences, de la philosophie, de la théologie absolument remarquable, on ne trouve pas trace de ça dans les histoires de la pensée, ça commence, mais il y a vraiment un vide. {…} On veut lutter contre ça et on veut faire connaître les contributions de la pensée musulmane à l’histoire de l’humanité. » rapporte Bruno Abd-al-Haqq Guiderdoni. Une des solutions trouvées par l’IFCM est de faire découvrir ces figures historiques « L’exemple d’Abdelkader est absolument remarquable. C’est un chef de guerre mais également un grand mystique musulman. C’est quelqu’un qui a combattu la colonisation, qui a été battu puis en exil en France, qui a découvert la société française et qui est devenu un ami du pays. {…} Il a d’ailleurs écrit une lettre aux Français où il prône le dialogue des cultures et des civilisations. Ce sont des figures comme celle-là que nous voulons promouvoir ».

Léo Ballery

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