« Les enfants des arabes nous font la vie impossible »

Ghetto, Poudrière, Racisme, Ségrégation, Zone de non droit, tous ces mots furent utilisés pour décrire la disparue cité Olivier de Serres à Villeurbanne. Le centre Mémoire et Société de Villeurbanne revient sur l’histoire de ce quartier. Rafika nous rapporte écrits et propos d’anciens habitants..

« Je vous écris de nouveau car la vie devient de plus en plus infernale dans notre impasse, les enfants des Arabes nous font la vie impossible. Que faire pour que cela cesse, on est peu d’Européens pour se défendre. Je me permets de vous dire que si rien n’est fait, j’achète une carabine et je tue » raconte une habitante du quartier Olivier de Serres à Villeurbanne, en mai 1975, dans une lettre adressée au commissaire de police.

Le Centre Mémoire et Société de Villeurbanne, le Rize, propose une exposition d’une durée de trois mois sur l’ancien quartier Olivier de Serres à Villeurbanne, devenu par la suite une « cité-ghetto » qui sera entièrement rasée entre 1978 et 1984 sur décision du maire Charles Hernu, seulement 18 ans après le début de la construction.

En 1960, 336 logements sont construits sur un terrain de 2400 m² en vue d’accueillir, au début du moins, les rapatriés d’Algérie. La gestion du site est confiée aux peu scrupuleux « frères Simon ». Soucieux de la rentabilité financière, ils logent les premiers habitants alors que les infrastructures ne sont pas en place (espaces verts, aires de jeu et même trottoirs sont inexistants).

En 1972, les habitants entament une grève des loyers car ces derniers sont libres, les charges augmentent continuellement. La situation va donc rapidement se dégrader à l’instar du quartier qui se ghettoïse, la violence et la délinquance sont omniprésentes. La cité Olivier de Serres est rapidement désertée. De nombreuses plaintes sont adressées au maire, au préfet et même au Président de la république.

La ségrégation spatiale et sociale s’accentue, l’école du quartier est fuie par les enfants dits « européens » : l’école Jules-Ferry compte 410 élèves dont 400 sont maghrébins, on parle même « d’école algérienne ». A la rentrée scolaire de 1974, l’école compte 31 départs en cinq jours, c’est la ruée vers la nouvelle école Louis-Pasteur qui devient l’école des « Européens ». Les parents arabes se mobilisent pour dénoncer la ségrégation.

Ils envoient une pétition au maire, le 1er octobre 1974,  pour dénoncer ce phénomène, en ces termes : « Cher Monsieur, pouvez-vous nous dire pourquoi l’administration fait-elle une différence considérable de racisme? C’est avec regrets que nous vous apprenons que tous les parents des élèves algériens sont très mécontents car voilà une très grande preuve que le racisme existe en France : les enfants de l’école maternelle dorment par terre car les lits ont été emmenés à la Perralière pour les enfants Français. Pourquoi donc ce racisme parce qu’on ne peut l’appeler que comme ceci ».

Outre le racisme et l’atmosphère de quasi guerre civile, certains habitants gardent un souvenir nostalgique de cette époque : »Je me sentais bien. On était entre nous. Je voyais la violence mais ne la ressentais pas en tant que telle. Nous étions dans un isolement total, coupé du monde » confie Fatima, une ancienne habitante d’Olivier de Serres, qui résidait dans la dernière barre détruite en 1984. «  Ils étaient obligés de la détruire, c’était devenu infernal, invivable. Mais ils auraient pu prendre des gants. Ils ont zappé le côté humain, on était considéré comme du bétail. Nos parents ne savaient pas lire, on a été parqué à nouveau  » ajoute-elle. Effectivement le relogement s’est fait surtout dans ce que l’on dénommait « les 3 V » (Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Villeurbanne).

Un autre ancien habitant, Fouad Chergui, a réalisé en 2008  un film, « la Valise », dans lequel il rend hommage au quartier de son enfance en recréant le décor de l’époque, les murs des immeubles, du linge accroché aux fenêtres.

De ce quartier aujourd’hui il n’en reste même plus le nom, et il a, dans la réalité, été remplacé par un autre « quartier ».

Auteur : Rafika bendermel

 

Exposition « Radiographie dune cité-ghetto »
du 8/10/2009 au 10/01/2010
Le Rize
23-25 rue valentin Haüy
69100 Villeurbanne
04 37 57 17 17

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