L’ EPI de Vaulx-en Velin s’offre une Demi-Portion de rap

La semaine dernière, l’EPI de Vaulx-en-Velin accueillait Demi-Portion, un rappeur venu de Montpellier Sète dans le but d’animer un atelier rap et débattre sur certains thèmes qui intéressent les jeunes. Sofia revient sur ce qu’il s’est passé et nous dresse un rapide déroulé des opérations.

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Accompagnées d’une armada de petits habitants âgés de 10 à 15 ans, Rafika et moi nous sommes allées la semaine dernière à l’EPI (Espace de Projet Interassociatif) situé à Vaulx-en-Velin pour rencontrer Demi-Portion, un rappeur professionnel venu de Montpellier.

 

Première étape : La mission était de ne pas perdre son sang froid durant un véritable parcours du combattant entre Villeurbanne et Vaulx-en-Velin. Les garçons s’accrochaient pour un oui ou pour un non et les filles partaient de leur côté sans en aviser personne…

 

Deuxième étape : Arrivée au cinéma » Les Amphis ». Trouvant nos places autour de petites tables, Rafika distribue des feuilles aux enfants pour qu’ils puissent prendre des notes. Ils les prendront pour dessiner, s’écrire des messages en oubliant  les guéguerres du trajet et éventuellement pour noter les questions qu’ils poseront lors du débat.

 

La suite de l’aventure se poursuit avec la diffusion d’un film sur la culture RAP des années 90’s et le Cut Killer Show de Skyrock qui, étant un thème inconnu des petits, n’a pas réussi à attirer leur attention.

 

 Troisième étape : les « grands » prennent le micro, et un long débat sur l’Histoire du RAP commence. On parle de Skyrock d’aujourd’hui, la radio  qui ne passe plus que des titres sans aucune voix, sans aucun message social ou éducatif comme le faisaient les sons des années 80-90. On discute des impacts des paroles sur les jeunes, le fait que ce style de musique serait la voix de tout un quartier, de tout un peuple. On excuse les musiciens de faire des sons à visée commerciale comme le « Wati By Night » des Sexion d’Assaut, car on le sait tous, si on ne fait pas une ou deux musiques qui ne détruisent pas des ennemis imaginaires ou ne nous mettent pas en valeur, on sort difficilement de sa cave… D’où la nécessité d’écouter un album en entier pour comprendre le véritable but de l’artiste.

Puis les « petits » prennent le micro. Anthony, du groupe de jeunes que nous avions emmenés avec nous et qui souhaite devenir rappeur, demande à Demi-Portion comment on crée des rimes, le rappeur lui montrera l’importance de la maîtrise de la langue française en lui donnant des exemples de vers poétiques.

 

Quatrième étape : On s’échange des palabres sur nos destins. Alors je fais la connaissance d’un homme de 18 ans qui a été coupé du monde scolaire dès l’âge de 15 ans après être passé par la « case Prison pour mineurs », donc forcé d’abandonner les études. Aujourd’hui, il trouve difficilement sa voie et se retrouve contraint de rôder sans rien faire… C’est aussi la parole d’un homme de 37 ans qui, souhaitant ne pas jeter de la poudre dorée aux yeux des enfants innocents, déclare de la façon la plus pessimiste possible, qu’un jeune né dans un quartier meurt dans un quartier et n’aura jamais la même situation qu’un lycéen du Parc. S’en suit un débat sur le fait que naître dans un quartier c’est devoir se battre, prendre ses tripes et devoir donner deux fois plus d’efforts qu’une personne née en centre ville, c’est injuste mais le monde est ainsi fait et cela permet d’acquérir ainsi des valeurs et une force qu’un citadin né avec une cuillère en argent dans la bouche ne connaîtra jamais.

 

Dernière étape : Chacun prend le micro, on rappe tous ensemble. Anthony nous récite son œuvre, les petits de Vaulx chantent et dansent avec les grands autour de mixes. On s’acclame, on improvise, on se découvre et on s’émerveille devant ce vivier culturel. Il y a aussi cette chanson française des quartiers, ces Jacques Brel noirs et blancs qui se ressemblent et s’assemblent le temps d’un « POUM POUM CHAK » de la boîte à rythme au fin fond de Vaulx-en-Velin.

C’est donc ainsi qu’ils ont pu  raconter tous leur désaccords avec cette « France profonde », celle qui ne montre les minorités que sous leur plus mauvais jour, celle qui oublie la majorité qui étudie, qui a tellement de projets en tête, celle toujours en ébullition et qui a oublié depuis longtemps la facilité, celle qui est comme un arbre qui doit se battre pour conserver ses racines.

 

Sofia Azzedine

Etudiante à l'Institut d'Etude du Développement après un parcours du combattant passé dans les méandres de la Science Politique, entre la Sociologie et le Journalisme et les Langues Etrangères. Je souhaite toujours explorer ces banlieues plurielles méconnues et mal traitées pour jeter au sol ces préjugés. Tout cela, pour éluder toute l'humanité vivace qui existe dans ces régions de la différence et de l'indifférence et faire parler cette jeunesse silencieusement bavarde.

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