[Interview] Grégory Doucet, pour un rassemblement des écologistes à Lyon – Partie 1

Grégory Doucet, tête de liste des écologistes sur Lyon et en course à la mairie du 3ème arrondissement, a été interviewé par le Lyon Bondy Blog. Avec des intentions de vote les plaçant en haut des sondages, les listes écologistes sont en position favorable pour prendre place dans le paysage politique lyonnais.  Travailleur humanitaire, il nous confie sa vision de Lyon en tant que ville verte et sociale.

Quelles ont été vos motivations pour vous lancer dans ces élections avec EELV ?

Il faut le préciser, je ne suis pas uniquement le candidat d’EELV, je suis le candidat écologiste. Même si initialement je viens d’EELV où j’ai exercé la fonction de secrétaire, qui est l’équivalent de porte-parole, entre 2017 et 2019.  Vous l’aurez peut-être noté, mais sur nos affiches et nos tracts, on voit la présence d’autres partis politiques même s’ils sont moins connus pour certains, comme Génération Écologie ou le Parti Pirate. On a aussi sur nos listes énormément de citoyens qui ne sont pas encartés, et qui ont décidé de s’engager avec nous lors de ces municipales. Je le précise parce que l’on est bien dans un rassemblement des écologistes, et pas simplement la candidature d’un parti. C’est d’autant plus important pour comprendre mes motivations.

Aujourd’hui, il y a une prise de conscience sur les questions environnementales. On est un certain nombre à réaliser que le moment que l’on vit est historique. Quand je dis « on », je parle de l’ensemble de l’humanité. Elle n’a jamais été confrontée à elle-même dans ces limites-là. On en est à se poser la question de notre survie. Nous avons créé les conditions de notre propre extinction avec le dérèglement climatique et du vivant. Cela nous renvoie tous à nos positions face à ce moment historique et à ce que l’on doit faire. Soit on continue comme avant, ce que certains ont choisi de faire, soit on décide de prendre le train de la transition écologique en pensant à des changements par la révision de nos pratiques ou le renoncement de certains modes de fonctionnement.

En tant que militant, ce qui m’a poussé est d’avoir vu l’issue des élections présidentielles et législatives de 2017. L’écologie était le besoin absolu pour le monde politique, et on s’est retrouvé complètement dans les choux, sans candidats et sans députés. Après cela, il y a eu la démission de Nicolas Hulot qui nous explique qu’il n’a aucun moyen d’action et que le monde politique et économique tel qu’il est aujourd’hui nous conduit droit dans le mur. C’est pour cela que j’ai voulu dès 2017, en étant secrétaire de EELV Lyon, mobiliser mes amis écologistes militants ici à Lyon pour préparer ces élections municipales dans le but de gouverner la ville. Cela fait deux ans que l’on s’y prépare, et la démission de Nicolas Hulot n’a fait que nous motiver un peu plus en confirmant qu’il n’y a pas de politique écologique sans écologistes. 

Vous dites qu’il n’était pas possible d’avoir des propositions écologistes au niveau national, comment y arrive-t-on à un niveau local ? 

Le diagnostic peut se faire au niveau local. On ressent à Lyon les canicules ou les pics de pollutions. Cela fait des années que les politiques actuelles nous disent qu’elles font de l’écologie, mais nous sommes en février nous avons déjà eu deux épisodes de pics de pollution dans l’année. Constatez la température qu’il fait ces derniers temps. Certains continuent à nous dire qu’il n’y a pas forcément de lien entre la météo du jour et les évolutions climatiques, mais on sait qu’il y a une causalité entre les deux. Dans les faits, il ne se passe pas grand-chose. Les pics de pollution auraient pu être évités si on avait mis des politiques publiques de transport différentes lors du dernier mandat. Le diagnostic de l’absence de prise de conscience politique et de réponse à la hauteur des enjeux peut être aussi fait ici à Lyon, malgré le greenwashing actuel.

Qu’est-ce que vous proposez au sujet de la mobilité ?

Ce qui est fondamental est d’accorder nos actions avec le diagnostic. C’est pour cela que nous ne pouvons pas être en accord avec d’autres forces politiques qui ne partage pas notre constat et qui ne mettent pas le bon degré de priorité. Pour moi le dérèglement climatique et l’épuisement du vivant sont les sujets prioritaires et transversales. Il faut donc regarder toutes les politiques publiques, les politiques sociales, éducatives, du logement, de la mobilité, et avec cette grille de lecture : la transition écologique.

Sur la question des mobilités, il faut une politique qui offre des réponses à hauteur des enjeux. Le GIEC nous dit que l’on a dix ans pour réagir. Cela doit être rapide. On ne peut donc pas attendre une ligne de métro que l’on construira en 2035 ou une ligne de tram en 2040. Il faut travailler sur l’existant en baissant les émissions de gaz à effet de serre. Il faut augmenter l’intensité et la fréquence des lignes de bus avec des voies dédiées de manière à ce qu’il soit plus simple et confortable de prendre un bus qu’une voiture. C’est avec cette manière que l’on pourra réduire l’espace de la voiture sur la ville et donc la pollution. Le transport en véhicule individuel est responsable d’une grosse part de la pollution. 

Nous souhaitons aussi jouer aussi sur le diesel. En 2026, il n’y aura plus de diesel sur la ville et je l’espère aussi sur la Métropole. Nous pouvons trouver d’autres alternatives avec les modes doux : la marche ou le vélo. Il faut savoir aujourd’hui que 30% des déplacements à Lyon font moins de trois kilomètres. Il y a un gain énorme à aller chercher sur ce créneau-là. 

Nous devons rendre la ville plus « marchable », c’est-à-dire la dédier aux piétons avec des voies piétonnes beaucoup plus larges et plus agréables. Il faut aussi végétaliser pour que l’été soit plus agréable. Prenez la place des Terreaux ou le cours Lafayette qui ont été refaits récemment. Vous n’y trouvez aucun arbre, pas un seul. C’est l’exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire. On doit végétaliser partout où l’on peut. Or ce ne sont pas les orientations prises actuellement.  On préfère faire de belles allées, bien bitumées, bien minérales, parce que ça donne une ville un peu plus cossue.

Il faut une ville pour avec des modes doux de mobilité. Quand vous comparez l’espace qui est donné à la voiture par rapport aux vélos, il n’y a pas photo. Alors que l’accroissement du nombre de cyclistes dans la ville est considérable. Sur les trois dernières années, c’est une croissance à deux chiffres et les équipements ne suivent pas, ceux qui sont prévus ne servent qu’à faire l’appoint. En ville, on ne trouve aucune piste cyclable plus large qu’un vélo. Vous ne pouvez donc pas doubler, les seuls endroits où cela est possible est quand les pistes et les voies de bus sont confondues. Or les Hollandais ont compris ça depuis longtemps, ils ne mélangent pas les bus et les vélos pour une raison simple, ils ne vont pas à la même vitesse. Ce que l’on souhaite donc mettre en place ce sont des voies express vélos. C’est à dire de grandes voies cyclables, larges, dédiées, qui vont permettre de traverser la ville d’est en ouest, du Nord au Sud.  Sur la ville de Lyon, mais aussi sur la Métropole pour que l’on puisse venir d’Oullins, Feyzin ou Décines.

Nous souhaitons redonner la priorité aux modes de transport doux.  C’est pourquoi nous allons passer la majorité de la ville en zone 30. C’est-à-dire qu’il y a certains axes routiers qui vont rester à 50 km/h, mais tout le reste de la ville sera en zone 30. Cela permettra de créer du double sens cyclable partout. De plus on va retirer un certain nombre de places de stationnement, on va piétonniser certaines rues intégralement, et on va transformer certaines rues en « vélo-rue », c’est à dire des rues où tous les modes doux seront prioritaires. Les voitures pourront circuler, mais lentement. Ce ne seront pas des rues piétonnes, mais entre les deux.

Comment inciter les habitants à prendre les transports en commun ? Envisageriez-vous une baisse de prix voire la gratuité ? 

Pourquoi prenez-vous les transports en commun ?  Vous les prenez parce que vous y êtes en sécurité, que vous n’êtes pas parqués comme des moutons et que vous pouvez vous déplacer facilement et rapidement. Si vous conjuguez ces éléments, les transports en commun sont bien mieux que la voiture individuelle. Or, on a fait l’inverse jusqu’ici. Avant tout, il faut rendre les transports en commun sûrs, notamment pour les femmes. Vous savez que 100% des femmes ont été victimes de harcèlements dans les transports en commun. Ce n’est plus tolérable. Notre société est en train d’évoluer, mais lentement. Je prévois de négocier avec le Sytral l’implantation dans les transports en commun de dispositifs d’alerte, de type bouton pressoir, pour les femmes se sentant harcelées. Ce dispositif déclenchera l’intervention d’agent et surtout permettra de signaler à l’ensemble des voyageurs qu’il y a une situation de harcèlement ou d’agression ce qui mettra la pression sur l’auteur des faits.

Ensuite il faut s’assurer que les personnes qui ont des revenus modestes puissent facilement prendre les transports en commun. Nous sommes pour la gratuité des transports en commun pour les enfants de moins de dix ans et les revenus modestes. Nous ne sommes pas favorables à une gratuité totale car cela serait contre-productif. Beaucoup de gens laisseraient alors leur vélo ou la marche à pied pour saturer les transports.  Ce n’est pas ce qu’il faut. Il faut diversifier les mobilités urbaines. Des transports publics de qualité coûtent de l’argent. La gratuité affichée n’est pas la solution. Il faut bien financer tout ça si ce n’est pas par les usagers c’est avec l’impôt local, on vous affiche de la gratuité d’un côté, mais en fin de compte vous le payez de l’autre côté avec vos impôts. Ce n’est pas très équitable, car vous risquez de faire payer des gens qui ne prennent pas les transports en commun, car ils marchent ou utilisent leur vélo. Par contre une gratuité pour des publics adaptés peut être envisagée.

L’objectif est donc de rendre l’utilisation de la voiture en ville de plus en plus difficile pour que les gens choisissent des modes alternatifs ?

Pendant des décennies on a nourri notre inconscient par l’image de la voiture, en tant que symbole de liberté, ce ne doit plus être la norme sauf cas exceptionnel. On vit tous ensemble dans la ville, on ne peut pas vivre comme si l’on était seul au monde. Que les gens aient besoin de se déplacer en voiture quand ils habitent à la campagne, je le comprends. Dans une ville, d’autres options doivent être offertes. On ne va quand même pas prendre sa voiture pour aller aux marchés à trois kilomètres, ou pour aller chercher son pain.  Il est certain que si vous construisez votre ville pour faciliter les trajets en voiture, au nom de la sacro-sainte liberté et fluidité de déplacement, vous incitez les gens à prendre la voiture.

Vous êtes donc opposé au projet d’anneau des sciences de Gérard Colomb ?

J’y suis fermement opposé car cela va engendrer une augmentation du trafic routier, ce ne sont pas des éléphants qui vont marcher dessus. On nous dit que c’est une façon de réduire le phénomène de trafic dans la ville. Mais, ce logiciel de pensée, c’est celui des années 60 qui justifiait tous ces grands projets d’infrastructure routière. L’histoire nous a appris, que quand vous construisez des routes pour faire rouler des voitures dessus, surprise, les voitures roulent dessus. Effectivement, c’est ce à quoi sert une route ! Ce que nous voulons aujourd’hui, c’est un autre modèle de ville où la voiture ne peut plus aller où elle veut quand elle veut. On veut une ville faite pour tous, ceux qui marchent à pied, ceux qui utilisent leur vélo ou les usagers des transports publics, mais pas prioritairement pour les voitures. On sait aujourd’hui que prendre sa voiture pour se déplacer, c’est générateur de gaz à effet de serre et de pollution. Il y a une nuisance pour la collectivité, il faut accepter en tant qu’individu d’être contraint face à cela.

En termes d’urbanisation, auriez-vous d’autres projets ?

Je vous ai parlé de la nécessité de végétaliser dans les espaces qui seront aménagés. Je pense en particulier aux zones piétonnes que l’on va massivement végétaliser. Demain une rue piétonne sera une rue verte. On souhaite créer des forêts urbaines dans la ville, c’est à dire des espaces où il y a une très forte densité d’arbres. Il existe aujourd’hui des espaces qui peuvent être facilement plantés comme par exemple, la friche Nexans ou le parc Blandan dans le 7ème. Vous avez aussi la rue Bouchut qui passe devant le centre commercial la Part-Dieu. Dans tous les arrondissements, vous avez des espaces libres. Et partout où c’est possible, on va implanter des micro-forêts, plutôt que de laisser des espaces en friches.  Végétaliser plutôt que de minéraliser. On va aussi ôter du stationnement pour pouvoir planter de la végétation. 

Dans notre plan de végétalisation, on souhaite dé-bitumer les écoles. C’est-à-dire mettre de la nature dans toutes les cours de récréation de notre ville, des arbres, des espaces avec de la terre. Vous savez, il a été démontré que le contact avec la nature favorisait un bon développement psychomoteur des enfants. Des espaces minéralisés, cela ne leur correspond pas. Nous ne sommes pas faits en tant qu’humains pour être dans un environnement complètement minéral. Ce n’est pas dans notre habitat naturel, ce n’est pas notre fonctionnement. L’école de mes enfants a été rénovée l’année dernière et ils ont tout bitumé. Et ce n’est pas faute de demandes de parents d’élève. Ce n’est pas faute de nous l’avoir promis en nous disant que « ça allait venir ». Un autre exemple, dans le 8ème arrondissement, place Ambroise Courtois, on a rasé tous les platanes qui étaient malades. Aujourd’hui rien n’est prévu pour les remplacer. Aujourd’hui, nous devons tous penser avec le logiciel de la transition écologique. Donc quand on fait un aménagement urbain, on met du végétal.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *