Le campus de Bron de l'Université Lumière Lyon II. Crédit Yasmine Ben Ammar.

L’intégration des étudiants étrangers à Bron, un parcours du combattant

Selon la Métropole, ils seraient près de 15 000 chaque année à venir poursuivre leurs études à Lyon. Les étudiant⋅e⋅s étranger⋅e⋅s représentaient en 2017, environ 17 % des étudiant⋅e⋅s de l’université Lumière Lyon 2. Nous avons rencontré quelques-un⋅e⋅s de ces étudiant⋅e⋅s du campus de Bron : Zoé, venue d’Allemagne, Camila, du Salvador, et Rim, du Maroc. Elles ont partagé avec nous leurs expériences.

Le campus de Bron de l’Université Lumière Lyon 2. Crédit Yasmine Ben Ammar.

Les trois étudiantes sont unanimes, pour elles la première année d’étude, quelque soit la filière suivie, est très difficile. Sentiment de solitude, perte de repères, obstacles linguistiques et administratifs… tous ces éléments favorisent l’isolement des étudiant⋅e⋅s étranger⋅e⋅s. Un isolement qui est renforcé par la situation géographique du campus de Bron.

Aux portes de la « meilleure ville étudiante »

Avant d’arriver, elles pensaient toutes étudier au cœur de Lyon, classée « meilleure ville étudiante de France », sur le campus des quais du Rhône. La surprise a été de taille pour ces étudiantes lorsqu’elles se sont retrouvées excentrées à Bron. Il fallait alors faire un choix pour le logement : vivre près de la faculté mais « loin de tout », ou bien « subir de longs trajets dans un T2 bondé », selon les termes de Rim, pour habiter au centre-ville.

Zoé et Rim ont préféré habiter à Lyon, dans le 7ème et le 8ème arrondissements, là où la vie estudiantine bat son plein. Seule Camila habite à proximité du campus. Elle essaie de voir les aspects positifs :

« Il y a Auchan, il y a le Grand frais, il y a la Fac, je ne perds pas mon temps en transport pour venir. »

Elle affirme cependant que toutes ses sorties se font à Lyon, où elle reste pour dormir chez des amies Salvadoriennes en cas de soirées tardives :

« Je sors beaucoup. Quand je vais en soirée ou me promener, je reste chez quelqu’un en ville, je ne reviens pas jusqu’ici. »

« J’ai rencontré des gens pas très aimables »

Autre facteur qui intensifie le sentiment de solitude de ces étudiantes : la difficulté qu’elles rencontrent pour tisser des liens avec leurs camarades français. Zoé et Camila se sont senties mises à l’écart, voire rejetées. L’accent, souvent pointé du doigt, renforce leur manque de confiance en elles. Camila raconte :

« Je me sentais un peu mal parce que quand je disais simplement ‘’bonjour’’, on me demandait directement : ‘’tu viens d’où ?’’ »

Zoé, pour sa part, explique qu’aucun⋅e étudiant⋅e français⋅e ne voulait discuter avec elles lors des premiers cours, alors que les Français⋅e parlaient ouvertement ensemble. Elle se demande alors :

« Peut-être que c’était par rapport à mon accent allemand qui leur faisait penser à Hitler. »

L’étudiante allemande ne se sentait plus à l’aise pour engager une conversation, même banale, et se rabattait sur son téléphone pour se sentir moins seule.

Face à ce genre de situation, les trois étudiantes ont choisi de se diriger vers d’autres étudiant⋅e⋅s étranger⋅e⋅s. C’est une manière pour elles d’évoluer dans un espace sécurisé, sans peur d’être jugées.

Camila trouve les Français « fermés » et « froids ». Elle dit :

« J’ai rencontré des gens pas très aimables. Je ne sais pas si c’est parce que je viens d’un pays en Amérique Latine où on est connus pour être chaleureux et très accueillants. [Au Salvador], si quelqu’un a un problème, les gens sont là pour l’aider. Mais ce n’est pas le cas ici. C’était un grand choc pour moi. »

Cela s’ajoute aux préjugés et aux propos discriminants dont certains font preuve. Elle confie :

«  Il y a un mec qui m’a dit que le Salvador n’était pas un pays mais une ville en Espagne. Il a insisté, a même sorti son téléphone pour me montrer sur Google. Mais c’est mon pays quand même, je sais d’où je viens ! »

Avant d’ajouter :

« Il y en a un autre, par exemple, qui m’a demandé si je faisais partie d’un gang et si j’avais déjà vu quelqu’un se faire tuer devant moi. »

Rim pour sa part, ayant de la famille en France et ayant étudié dans un lycée français, considère que l’intégration a été « plus facile » pour elle, car elle avait « les codes », ce qui n’était pas le cas de ses autres amies marocaines. Elle affirme en effet :

« je suis passé par APB, j’avais des places réservées contrairement à d’autres. Du coup, j’ai l’impression que j’ai moins à me plaindre par rapport à d’autres étudiants étrangers qui ne passent pas par APB et qui n’ont donc pas de places réservées dans chaque établissement français. »

Étudier en France : un combat administratif pour les étudiant⋅e⋅s étranger⋅e⋅s

Toutes les trois soulignent que le système de la fac ne permet pas de créer des liens. Le problème : il y a beaucoup de monde et peu d’interactions personnelles. Malgré tout, pour Rim, les TD et les petits groupes sont un moyen de contourner cet obstacle.

Selon elles, le système de la fac n’est d’ailleurs d’aucune aide en général. Elles partagent toutes le sentiment qu’il n’y a aucun dispositif pour les aider ou les conseiller après leur inscriptions. Camila affirme :

« Je me suis inscrite sur un programme et je devais être contactée par une personne pour qu’elle me fasse découvrir Lyon et la fac. J’ai rempli un questionnaire et j’ai donné mon adresse mail, mais je n’ai jamais reçu de réponse. »

Pourtant, le Service des relations internationales de l’université envoie un mail automatique aux étudiant⋅e⋅s étranger⋅e⋅s avec un guide créé spécifiquement pour les étudiant⋅e⋅s internationa⋅les/ux, un dossier d’aide au logement et un autre comportant des conseils pour régulariser sa situation en France. Les 3 étudiantes affirment ne pas avoir reçu ce mail, entraînant un sentiment de déception particulièrement vif pour Zoé et Camila. Cette dernière salue cependant le système de parrainage mis en place cette pour l’année universitaire 2018-2019, auquel elle participe tant que marraine, ce qui aurait été, pour elle, une bonne aide pour s’intégrer à son arrivée.

Les soucis administratifs se sont ajoutés aux autres. Pour trouver un appartement, Camila devait avoir ouvert un compte en banque. Or, raconte-t-elle, pour ouvrir un compte, il lui fallait une adresse postale, ainsi qu’un numéro de téléphone. Cercle vicieux : pour avoir un numéro de téléphone, il faut fournir une adresse et un compte en banque et pour obtenir un logement et avoir une adresse, il faut avoir un compte en banque. Elle n’a pu s’en sortir qu’avec l’aide du propriétaire de sa location à court terme, qui lui a prêté son numéro.

Malgré cela, elle a rencontré des difficultés pour cette recherche, notamment à cause de la discrimination des agents immobiliers envers les étudiant⋅e⋅s étranger⋅e⋅s. C’est « totalement par hasard » qu’elle a finalement pu trouver un logement étudiant en face du campus de Bron. De même, Rim n’a pu trouver un appartement en résidence étudiante qu’avec l’aide d’une connaissance de sa famille qui a appuyé son dossier.

Voir aussi notre reportage : « Logements à Lyon : quand les proprios ne jouent pas le jeu »

« Je me sens beaucoup plus libre ici »

Notes positives tout de même : ce sentiment d’isolement et de solitude tend à s’estomper avec le temps. Comme le dit Zoé « l’intégration à la fac est un processus lent et progressif ». Sentiment partagé par Rim et Camila qui assurent qu’avec le temps, elles ont réussi à se faire des ami⋅e⋅s. Camila confie :

« Maintenant je suis moins timide, alors je parle plus aux Français. Et puis il y a beaucoup de Français qui ne sont pas si méchants que ça. »

Enfin, autre avantage, Rim confie se sentir « plus libre » en France qu’au Maroc :

« [Au Maroc] on me jugeait parce que j’avais des expression françaises, on me prenait pour une snob. Ici, je peux m’exprimer comme je veux, je peux m’habiller comme je veux. Mes opinions ne choquent pas. Ce n’est pas le cas là-bas, malheureusement. Je me sens beaucoup plus libre ici ».

Yasmine Ben Ammar et Astrid Barelles

La rédaction

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