Si le XIXe siècle a été marqué par des révolutions et des guerres, il l’a également été pour ces renouvellements culturels et son besoin de montrer sa supériorité sur les pays voisins. Si les expositions universelles tel que Paris en 1889 ont grandement contribué au rayonnement, d’autres moins connu et plus difficile à mettre en place ont vu le jour, c’est le cas de l’exposition internationale de 1872 qui a eu lieu au parc de la tête d’or à Lyon.
« Le projet de l’exposition internationale à Lyon est né en 1868 par Arthur Jame, agent principal à la chambre des commerces de Lyon et Jules Chatron, architecte. » explique Jean Etèvenaux, célèbre journaliste et historien de la ville rhodanienne. C’est en effet en plein dans le second empire, sous le joug de Charles-Louis Napoléon Bonaparte, plus connu sous le nom de Napoléon III que cette idée émerge pour la première fois. Un contexte pas très propice à ce projet et ce malgré les deux expositions universelles de Paris réalisés respectivement en 1865 et 1867 qui ont permis une pleine reconnaissance dans la fabrique lyonnaise. « Même si la fabrique lyonnaise est reconnue à cette époque notamment au niveau de sa soie, l’initiative n’est pas à l’origine une idée des politiques ou de syndicats. De ce fait, la réalisation d’un événement comme celui-ci sans entité dernière ne partait pas forcément bien » explique l’historien Jean Etèvenaux.
Pourtant, à cette époque, les expositions universelles ont le vent en poupe. « Ce phénomène est arrivé au milieu du XIXe siècle. Il s’est manifesté d’abord à Londres en Angleterre puis à Paris où la soie lyonnaise y rencontre un vrai succès. Cet événement était clairement considéré comme un moyen de valorisé la production nationale. » souligne Jean Etèvenaux. En effet, les expositions de Napoléon III interpellaient tous les grands chefs d’Etat européens.
C’est dans ce contexte que les deux hommes se rendent chez le préfet de la chambre du commerce de Lyon entre 1868 et 1869 pour présenter leur idée. Malgré l’entrain et leur bonne volonté, le projet ne retient pas l’attention des parlementaires. Un sentiment partagé même par les grandes industries de soieries, chimiques et des machines. Les commerçants reconnus de la ville considéraient vraiment que cette exposition allait générer des frais trop importants. »
Cependant, les entreprises secondaires y voient un aspect plus favorable. « Ce type d’événement permettait de leur faire une grande publicité et par effet boule de neige, de faire connaître les inventions nouvelles beaucoup plus rapidement. »
Face à ce dilemme et pour éviter de se froisser avec les grands notables locaux, la Chambre de Commerce accepte le projet, mais refuse catégoriquement de le financer.
Un financement sur fond de participation
Face à ce refus, Jame et Chatron doivent trouver un autre moyen de financement pour que leurs projets puissent voir le jour, c’est en mars 1869, qu’ils vont le trouver. « C’est à cette date que la commission de l’exposition créé un comité de souscription pour récolter un maximum de dons pour réaliser le projet » détail l’historien Jean Ethèvenaux avant de poursuivre « le financement n’était pas le seul but des deux hommes, ils cherchaient également la reconnaissance des entrepreneurs influent de la ville. Ces derniers disposaient d’une société coopérative qui aurait pu se payer les frais de constructions nécessaires pour cet événement. » Malheureusement pour les deux hommes, cette entité a peu de poids et disparaît peu à peu.
Ils se mettent alors en tête de trouver un entrepreneur généraliste à forfait qui pourrait se charger de tous les travaux de l’exposition. Et cet homme, c’est Monsieur Savy. « Savy est un homme reconnu à cette époque. C’est lui qui avait entrepris les travaux pour l’exposition de Beauvais ou encore celle de Paris lors de l’exposition internationale de 1867 où il construit le palais du vice-roi d’Egypte. » explique Jean Ethèvenaux. C’est donc lui qui s’occupera de toutes les constructions de l’exposition selon les plans de l’organisateur et architecte Jules Chatron.
Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, en novembre 1869, une société anonyme est créée avec un capital de 500 000 francs. Une somme qui s’ajoute aux 80 000 francs des donateurs volontaires. D’un accord commun, le mètre sera vendu 30 francs aux exposants, une somme qui servira de payer les dépenses engendrer par les constructions. Il ne reste donc plus qu’à trouver le lieu de cette représentation…
Le parc de la tête d’or, comme une évidence
Pour la diffusion de cette exposition, c’est le récent parc de la tête d’or (ouvert en 1857 sous la direction du préfet Claude-Marius Vaïsse) qui est choisi pour plusieurs aspects. « Les avantages du parc de la tête d’or sont multiples. D’abord, c’est son aspect géographique qui est apprécié (à la frontière entre l’agglomération lyonnaise et Villeurbanne). Le second avantage était le fait que ce soit un espace vert. Dans les expositions précédentes de Londres et Paris, ces dernières étaient organisées dans des endroits artificiels et aménagées pour l’occasion, tous l’inverse de Lyon qui proposait un lieu entièrement naturel. » décrit Jean Ethèvenaux.
Tous semblent alors réunis pour faire de cet événement une belle promotion de la ville lyonnaise. La ville propose également un bail gratuit et temporaire à la société anonyme pour le terrain qui doit s’étendre des bords du lac et le Rhône depuis le viaduc de Genève jusqu’au pont de la boucle (qui correspondant à l’actuel pont Winston Churchill).
Un feu vert est même donné en février 1870 pour démarrer les constructions. Mais c’est sans compter sur le déclenchement de la guerre franco-prussienne qui met à mal le moral ainsi que le commerce et l’industrie.
Un contexte politique et économique pas favorable
Face à la guerre ainsi qu’au contexte politique de l’époque (la commune), l’ouverture de l’exposition, initialement prévue le 1er mai 1871 est reculé d’un an. « Après ces événements, l’instabilité politique et le manque d’envie dans le projet se font clairement ressentir. C’est en grande partie à cause de cette réticence qu’une fois le projet relancer, ces travaux vont prendre du retard. » développe Jean Ethèvenaux.
Mais pour retrouver l’envie de faire ce projet, les organisateurs ont une idée. « Le financement est relancé avec nouvelles souscriptions qui s’ajoutent aux 500 000 francs initiaux. C’est ainsi que 200 000 francs proviennent du ministère de l’Agriculture et du Commerce, 100 000 francs par le Conseil municipal de Lyon, 30 000 par le Conseil général. » explique Jean Ethèvenaux.
Mais si le financement suit, ce n’est pas le cas de tout le monde. « Du côté des industriels et des commerçants, l’envie est encore moins présente qu’en 1869. La guerre a mis à mal leurs économies et une telle opération semble être une opération financière non-rentable » décrit, Jean Ethèvenaux.
Malgré tout, le projet aura lieu. La construction de longs bâtiments, mais également d’édifices centraux dans le style mauresque et de larges galeries sortent de terre. Des projets de pelouses et de kiosques, brasseries, cafés, restaurants et autres buvettes doivent apparaître pour proposer un cadre idyllique. Une flottille est mise en place sur le lac avec barques, chaloupes, canots de toute forme et pontons élégants pour permettre aux gens de pouvoir se promener sur l’eau.
Des conditions de réalisation délicates
Mais tous ne se passent pas comme prévu. En mars 1872, soit quelques jours avant l’ouverture officielle de l’exposition (initialement prévue le 1er mai), les travaux commencés deux années auparavant ne sont toujours pas fini. Des pièces aux dimensions insuffisantes ne sont pas solides et inquiète l’architecte municipale Abraham Hirsch. « Hirsh était très inquiet concernant l’achèvement des bâtiments de l’exposition. Des risques d’effondrement étaient même à prévoir et le pavillon central n’a que ces fondations. La galerie des machines et le premier bâtiment à l’entrée du parc étaient les seuls bâtiments à avoir bien avancés. D’une certaine façon, il représente le naufrage de cette exposition, à savoir la réalisation en solitaire d’un projet que personne ne voulait » raconte Jean Ethèvenaux.
Autre facteur de ralentissement, c’est la pluie qui oblige de grosses réparations notamment au niveau des toitures. D’abord repoussée au 15 mai, l’ouverture est une nouvelle fois reporté au 2 juin.
Une ouverture complexe
C’est donc le 2 juin qu’à lieu l’ouverture du parc. Une ouverture qui sera facturée d’un franc pour des voyageurs venant de Paris, Saint-Etienne ou encore Roanne. « L’ouverture de l’exposition est un véritable fiasco, d’abord bon nombre de monuments tel que le palais sont loin d’être terminé, les vitrines ne dépasse pas la dizaine et l’installation des objets à exposer est nulle. » explique jean Ethèvenaux. Les installations continueront d’avancer les semaines suivantes jusqu’à l’inauguration officielle prévue le 7 juillet.
Une ouverture qui verra le ministre de l’Intérieur de l’époque, Victor Lefranc, y prendre part. Des illuminations sont proposées aux visiteurs qui se pressent sur les bords du lac. Là-bas, ce n’est pas moins qu’une douzaine d’embarcations éclairées de lanternes vénitiennes accompagné d’un spectacle pyrotechnique qui viennent accueillir les 100.000 premiers curieux.
L’entrée est même abaissée à 50 centimes. Un banquet sera organisé le lendemain soir avec pratiquement 250 invités. Seul point positif une sécession de mésaventure qui va toucher le parc dans les jours qui vont suivre…
Des constructions et incidents de plus en plus importants
Malgré le fait que des attractions ont pu voir le jour comme l’ascenseur hydraulique, qui permet d’élever les visiteurs au milieu des machines en mouvement au-dessus de la toiture, inventé par l’ingénieur industriel Félix Léon Édoux. Cette première attraction est pour l’intérieur du palais. Le soir, c’est la tourelle située dans le parc qui prend le relais et permet aux visiteurs d’admirer l’exposition la nuit.
D’autres réalisations comme un canon de 17 kg en acier fondu ou encore des galeries de tableaux sont à observer. Installé sur les bas-ports de la rive gauche, un chemin de fer aérien est également visible.
Le dimanche 28 juillet, c’est tout un programme de festivité qui était à prévoir pour attirer un maximum de monde. Mais les aléas climatiques apparurent ; bientôt, c’est un déluge avec de la pluie, de la grêle, de la foudre et du vent qui s’abattit sur la foule. Outre-les nombreux dégâts relevés sur les façades, ou encore de certains murs en maçonnerie, vitrage, toitures et autres lustres ; ce sont les plusieurs milliers de personnes qui ont dû être repêchées par les gardes, emportés par l’eau.
Face à ces multiples échecs, un jury est nommé le 16 septembre et la fermeture est fixée au 31 octobre. Une distribution de récompense à lieu le 3 novembre où des nominations d’officiers et de chevalier de la Légion d’honneur sont distribuées.
Un bilan est même organisé le 5 novembre et montre des chiffres désastreux. Pour pallier les difficultés, les actionnaires décident le 14 novembre, que l’exposition réouvrira ces portes l’année d’après et maintenant les responsables de cet échec (messieurs Tharel et Savy) en place et qui délaissèrent complètement le parc.
L’ultime baroud d’honneur
Laisser dans un état lamentable (allées défoncées, pelouses piétinées, dépouillées de leur gazon, les bâtiments délaissés et souvent détériorés). Ce n’est qu’en avril 1873, que la société des actionnaires est à nouveau autorisée à occuper le terrain. En mai, ce sont 300 ouvriers qui viennent remettre en ordre l’état du parc. Les billets sont également abaissés, le ticket permanent passe de 50 à 15 francs et les entrées du soir de 50 centimes à 25. Une ascension en ballon est également à réaliser par le fils de Jean Eugène Poitevin.
Des nouveautés qui ne permettront pas de sauver l’événement. Le 2 août de la même année, une annonce révèle que le conseil d’administration ne réglait pas entièrement ses dettes et que les ouvriers ayant permis la remise en état du site attendaient leurs payes depuis avril. Le 13 août, l’exposition est déclarée en faillite, mais ce n’est qu’après la remise de récompense organisé par les commerçants eux même, le 28 septembre que l’événement ferme officiellement et définitivement ces portes soit le 30 septembre 1873.
Thibaut Eperdussin
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